AccueilExpressions par MontaigneQuelles trajectoires pour les finances publiques en 2018 et 2019 ?L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.09/10/2018Quelles trajectoires pour les finances publiques en 2018 et 2019 ? RégulationImprimerPARTAGERAuteur François Ecalle Président de l’association Fipeco Le Conseil des ministres a adopté, le 24 septembre dernier, le projet de budget de l’Etat pour 2019 et devrait bientôt adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale. La dette et le déficit publics, tels qu’ils sont définis par les organisations internationales, ne sont toutefois pas seulement ceux de l’Etat et de la sécurité sociale. Ce sont ceux de l’ensemble des administrations publiques au sens de la comptabilité nationale, qui regroupent également les collectivités locales ainsi que les organismes publics contrôlés par l’Etat ou des collectivités locales et dont l’activité est principalement non marchande (universités, musées…). Cette note examine les prévisions du gouvernement relatives aux comptes consolidés de ces administrations publiques en 2018 et 2019. Elles sont présentées dans un rapport annexé au projet de loi de finances qui doit être soumis pour examen à la Commission européenne en application des règles budgétaires européennes.Un déficit public très proche de 3,0 % du PIBEn 2017, le déficit public a représenté 2,7 % du PIB selon la dernière estimation de l’Insee, contre une moyenne de 1,0 % dans l’Union européenne ou la zone euro. Le Gouvernement prévoit qu’il sera égal à 2,6 % du PIB en 2018 et 2,8 % en 2019 en supposant que la croissance du PIB en volume sera de 1,7 % chacune de ces deux années, et que l’inflation sera de 1,8 % en 2018 et de 1,4 % en 2019 en moyenne annuelle.Dans son avis sur ces prévisions, le Haut Conseil des finances publiques considère qu’elles sont plausibles, tout en soulignant que le contexte international est marqué par des incertitudes particulièrement élevées.source : Eurostat Les perspectives macroéconomiques étaient meilleures au printemps dernier et le programme de stabilité publié en avril anticipait des déficits plus faibles en 2018 et 2019. Le Gouvernement revient à peu près, avec le PLF 2019, aux prévisions de croissance et de finances publiques de la loi de programmation des finances publiques de janvier 2018.Le déficit remontera temporairement en 2019 à cause du remplacement du CICE par un allègement des cotisations sociales patronales. En effet, l’Etat et la sécurité sociale devront en 2019 à la fois rembourser aux entreprises le CICE sur les salaires de 2018 et des années antérieures, soit environ 20 Md€ (0,9 % du PIB), et supporter le coût de la réduction des cotisations sociales sur les salaires de 2019. En 2020, le déficit devrait baisser fortement, les administrations publiques n’ayant plus à supporter ce double coût.En 2017, le déficit public est passé au-dessous du seuil de 3,0 % du PIB fixé par le traité de Maastricht. La France est sortie de la situation de "déficit excessif" dans laquelle elle se trouvait depuis presque 10 ans au regard des règles européennes. En 2018 et 2019, elle restera très proche de ce seuil, qu’elle pourrait de nouveau franchir si la conjoncture se dégradait légèrement ou si les prévisions de croissance des dépenses publiques étaient dépassées.En effet, on peut considérer en première approximation qu’une diminution de 1 % de la valeur du PIB entraîne une aggravation du déficit public de l’ordre de 0,5 point de PIB. En conséquence, si la croissance en volume du PIB est seulement de 1,4 % en 2018 et en 2019 du fait d’une dégradation de l’environnement économique international, le déficit public, toutes choses égales par ailleurs, reviendra à 3,1 % du PIB en 2019. Une réduction insuffisante du déficit structurelLes économistes essayent de décomposer le solde public entre une composante "conjoncturelle", qui tient au fait que le PIB n’est pas à son niveau "normal" ou "potentiel", et une composante "structurelle", qui résulte des décisions de politique économique affectant les prélèvements obligatoires ou les dépenses publiques.Il est néanmoins certain que la France continue de se placer à la limite de la régularité, et qu’elle donne ainsi un mauvais exemple à des pays comme l’Italie.Si cette décomposition est fragile, parce que l’estimation du PIB potentiel est très difficile, elle est nécessaire pour éviter des erreurs de politique économique comme celle qui a été commise au tournant des années 2000. A cette époque, les déficits publics diminuaient rapidement parce que la croissance était forte. La France, comme d’autres pays européens, a alors pu fortement réduire les impôts et augmenter les dépenses publiques sans que le déficit comptable, mesuré par l’Insee, ne se creuse. En revanche, le déficit structurel s’est nettement aggravé et, lorsque la conjoncture s’est retournée en 2002, la composante conjoncturelle du solde a fondu et la France s’est trouvée, comme l’Allemagne, en situation de déficit excessif au regard des règles budgétaires européennes.Ces règles ont été modifiées en 2005 pour ne pas reproduire cette erreur. Les membres de l’Union européenne qui sont sortis de la situation de déficit excessif, comme la France aujourd’hui, doivent ramener leur déficit structurel à zéro en le réduisant d’au moins 0,5 point de PIB chaque année.Or le Gouvernement prévoit seulement de le ramener de 2,3 % du PIB en 2017 à 2,2 % en 2018 et 2,0 % en 2019, soit une diminution inférieure à 0,2 point par an et donc nettement insuffisante au regard de ces règles. Il est à noter que le coût du remplacement du CICE par des allégements de cotisations en 2019 est exclu du calcul du déficit structurel, ce coût étant considéré comme temporaire et exceptionnel, et non structurel.Les règles budgétaires européennes comportent toutefois de nombreux éléments de "flexibilité", qui les rendent très complexes, si bien qu’il est très difficile d’anticiper les conclusions que la Commission et le Conseil des ministres de l’Union européenne en tireront. Il est néanmoins certain que la France continue de se placer à la limite de la régularité, et qu’elle donne ainsi un mauvais exemple à des pays comme l’Italie.Une réduction rapide du déficit structurel n’est pas seulement indispensable pour respecter les règles européennes que nous avons acceptées. Elle est aussi la condition nécessaire d’une réduction durable de la dette publique. Si le déficit structurel se maintient autour de 2,0 % du PIB, comme c’est le cas en France aujourd’hui, le déficit comptable passera au-dessus de 3 % et la dette augmentera de nouveau rapidement à la prochaine récession – car il y en aura d’autres – voire seulement au prochain ralentissement de l’activité économique. En outre, nous n’aurons plus aucune marge budgétaire pour relancer la croissance si cela s’avère nécessaire.Une baisse significative des prélèvements obligatoiresLe taux des prélèvements obligatoires (impôts et cotisations sociales) passera selon le Gouvernement de 45,3 % du PIB en 2017 – situant ainsi la France au deuxième rang de l’OCDE – à 45,0 % en 2018 et à 44,2 % en 2019.En 2018, le produit des prélèvements obligatoires augmentera, à législation constante, un peu plus vite que le PIB en valeur, ce qui devrait se traduire par une légère hausse du taux des prélèvements en pourcentage du PIB. Toutefois, les modifications de la législation fiscale et sociale réduiront le produit de ces prélèvements d’environ 10 Md€, soit 0,4 point de PIB. La moitié de l’impact budgétaire de ces mesures nouvelles, soit environ 5 Md€, provient de la suppression de la surtaxe exceptionnelle ajoutée en 2017 au dernier acompte d’impôt sur les sociétés pour financer partiellement le remboursement de la taxe de 3 % sur les dividendes après son annulation par la Cour de justice de l’Union européenne et le Conseil constitutionnel.En 2019, la croissance des prélèvements obligatoires à législation constante sera proche de celle du PIB en valeur, et la diminution de 0,8 point du taux des prélèvements obligatoires résulte donc quasi entièrement des modifications de la législation.La principale d’entre elles, qui représente une baisse de 0,9 point de PIB, est le remplacement du CICE par des allègements de cotisations sociales patronales (cf. plus haut). Cette mesure est ponctuelle et sa disparition en 2020 contribuera à relever le taux des prélèvements obligatoires de 0,9 point.En sens inverse, une mesure de périmètre majore, en 2019, les prélèvements obligatoires à hauteur de 0,2 point de PIB. Il s’agit de la création cette année-là d’un nouvel organisme public, France Compétences, qui reprendra les missions, les recettes et les dépenses de plusieurs organismes paritaires dans le domaine de la formation professionnelle. Ces organismes étaient classés par l’Insee hors du périmètre des administrations publiques. Le ministère des finances anticipe l’inclusion de France Compétences par l’Insee dans ce périmètre, ce qui entraînera une hausse de 0,2 point de PIB des dépenses et des recettes publiques.Enfin, les autres mesures fiscales et sociales réduiront les prélèvements obligatoires en 2019 d’environ 0,2 point de PIB, solde entre de multiples mesures de baisse et de hausse des impôts et cotisations sociales. Les principales baisses sont la nouvelle étape de la suppression de la taxe d’habitation (3,8 Md€), la diminution du taux de l’impôt sur les sociétés (2,4 Md€) et l’effet en année pleine de la réduction des cotisations sociales intervenue le 1er octobre 2018 en contrepartie de la hausse de la CSG (4,1 Md€). Les hausses les plus importantes sont le relèvement des accises sur les carburants (2,9 Md€) et le renforcement du cinquième acompte d’impôt sur les sociétés (1,5 Md€).Le Gouvernement considère que les prélèvements sur les ménages baisseront de 6 Md€, tandis que les prélèvements sur les entreprises, hors remplacement du CICE et création de France Compétences, seront à peu près stables. La décomposition des prélèvements obligatoires entre ceux qui pèsent sur les ménages et ceux qui pèsent sur les entreprises est toutefois intrinsèquement fragile. En effet, s’agissant par exemple des impôts indirects, elle repose sur des hypothèses discutables de répercussion de ces impôts par les entreprises dans leurs prix de vente.Une inflexion à confirmer de la croissance des dépenses publiquesLe Gouvernement prévoit une stabilité des dépenses publiques (hors crédits d’impôts) en volume en 2018, c’est-à-dire corrigées de la hausse des prix, alors qu’une hausse de 0,6 % était prévue dans la loi de programmation des finances publiques de janvier 2018. Jusqu’à présent, les dépenses publiques n’ont été stabilisées en volume qu’en 2011, et ce résultat pourrait paraître remarquable. Il doit cependant être relativisé.En effet, le Gouvernement prévoyait l’automne dernier une croissance des dépenses publiques en valeur (ou euros courants) de 1,6 % en 2018 et il prévoit toujours une croissance en valeur de 1,6 %. Il ne fait donc que respecter son objectif initial. C’est déjà une bonne nouvelle, même si ce n’est encore qu’une prévision. Dans le même temps, sa prévision d’inflation pour 2018 (hors tabac) est passée de 1,0 % l’an dernier à 1,6 % désormais et donc, mécaniquement, la croissance des dépenses en volume est passée de 0,6 à 0 %.Les budgets des administrations publiques sont votés en euros et les crédits sont généralement limitatifs. Si l’inflation s’avère plus forte que prévu en cours d’exercice, certains achats de biens et services sont plus chers mais la plupart des dépenses de l’année ne sont pas affectées. Les prestations sociales ne tiennent en effet compte de ce surcroît d’inflation que lors de leur revalorisation l’année suivante. Les salaires de base des fonctionnaires sont fixés pour plusieurs mois et ne sont pas revalorisés en temps réel, dès que l’inflation remonte.Lorsqu’un surcroît d’inflation non anticipé survient en cours d’année, les dépenses publiques n’augmentent donc pas pour autant beaucoup plus en valeur mais augmentent nettement moins en volume, ce qui est arrivé en 2011. Si la progression des dépenses de fonctionnement des collectivités locales semble actuellement conforme aux prévisions du Gouvernement, leurs investissements pourraient augmenter nettement plus que prévu, en 2018 comme en 2019.Il y a alors souvent un rattrapage l’année suivante : les prestations sociales sont en principe automatiquement revalorisées et les salaires des fonctionnaires le sont éventuellement. Ce rattrapage n’aura toutefois pas lieu en 2019 puisque le gouvernement a décidé de limiter la revalorisation des principales prestations à 0,3 %, ce qui permettra de réaliser une économie d’environ 3 Md€ par rapport à leur indexation sur l’inflation.Pour 2019, le Gouvernement prévoit une croissance des dépenses publiques de 1,9 % en valeur, soit 0,6 % en volume compte-tenu de l’inflation. Les dépenses seront majorées par la création de France Compétences (cf. plus haut) et minorées par l’arrêt du remboursement de la taxe sur les dividendes (considéré comme une dépense publique par les comptables nationaux). Ces deux facteurs exceptionnels mis à part, la croissance des dépenses reste de 1,9 % en valeur et 0,6 % en volume.Ces prévisions d’évolution des dépenses publiques restent à confirmer, pour 2019 bien sûr mais aussi pour 2018. Parmi les facteurs de risque, on peut noter que, si la progression des dépenses de fonctionnement des collectivités locales semble actuellement conforme aux prévisions du Gouvernement, leurs investissements pourraient augmenter nettement plus que prévu, en 2018 comme en 2019.Si ces prévisions sont confirmées par les comptes que publiera l’Insee, la croissance des dépenses publiques en volume aura été seulement de 0,3 % en moyenne annuelle sur 2018-2019 alors qu’elle était de 2,2 % dans les années 2000-2010 et qu’elle a été ramenée à 0,8 % dans les années 2011-2017.La loi de programmation prévoit qu’elle sera du même ordre de grandeur (0,3 % par an) sur la période 2020-2022, alors que certaines mesures d’économie n’auront plus d’effet (par exemple, la baisse du nombre de contrats aidés ou des allocations de logement aura eu lieu et n’aura plus d’impact sur la croissance des dépenses).Pour atteindre néanmoins cet objectif, le Gouvernement table notamment sur les économies permises à partir de 2020 par la réforme de l’Etat en s’appuyant sur le rapport du comité action publique 2022 (CAP22). Elle devrait notamment permettre d’accélérer les suppressions de postes dans les services de l’Etat et de ses opérateurs, qui sont limitées à 1 600 en 2018 et 4 500 en 2019 et qui devraient être de 50 000 sur l’ensemble de la période 2018-2022, d’après les engagements du candidat lors de l’élection présidentielle.Une dette qui tangente le seuil de 100 % du PIBEn septembre 2018, l’Insee a corrigé le montant de la dette publique en 2016 et 2017 pour y inclure la totalité de la dette de SNCF Réseau (une petite partie y était déjà intégrée). Elle est ainsi désormais estimée à 98,2 % du PIB (2 188 Md€) à la fin de 2016.Elle a franchi le seuil symbolique de 100 % du PIB au 30 juin 2017 (100,9 %) avant de redescendre à 98,5 % (2 258 Md€) à la fin de 2017. Il arrive en effet souvent que la dette publique augmente au cours des premiers mois de l’année et diminue au cours des suivants, surtout à cause du calendrier de recouvrement des impôts (notamment des impôts locaux).En 2018, sa progression en cours d’année s’est arrêtée à 99,3 % du PIB au 31 mars avant de revenir à 99,0 % au 30 juin. Le Gouvernement prévoit de la ramener à 98,7 % à la fin de l’année puis à 98,6 % à la fin de 2019.Le solde primaire (hors charge d’intérêt) des administrations publiques se situe, dans les années 2017-2019, à peu près au niveau qui permet de stabiliser la dette publique en pourcentage du PIB, hors impact des cessions et acquisitions d’actifs financiers (privatisations et nationalisations d’entreprises par exemple). Or, selon les prévisions du ministère des finances, l’impact global de ces opérations financières serait quasiment nul en 2018 et 2019, malgré les projets de privatisation de certaines entreprises publiques. La dette devrait donc être stabilisée aux environs de 98 % du PIB sur les années 2017-2019.La dette publique de la France tangentera donc le seuil symbolique de 100 % du PIB au cours de cette période alors que celle de l’Allemagne pourrait passer au-dessous du plafond de 60 % fixé par le traité de Maastricht avant la fin de 2018. Elle était seulement de 64,1 % du PIB à la fin de 2017, après avoir baissé de 4,1 points pendant l’année, et la Commission européenne prévoit qu’elle sera égale à 60,2 % du PIB au 31 décembre 2018.Ce double signal signifie que la France ne maîtrise toujours pas sa dette publique alors que l’Allemagne a réussi à la réduire fortement et à respecter les règles budgétaires européennes. Cet écart croissant entre les dettes publiques de la France et de l’Allemagne pourrait traduire l’existence d’un fossé économique et culturel de plus en plus profond entre ces deux pays qui présente un sérieux danger pour la cohésion de l’Union européenne et de la zone euro. Crédit photo : PHILIPPE LOPEZ / AFPImprimerPARTAGERcontenus associés 04/04/2018 2,6 % de déficit : et après ? François Ecalle