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20/09/2017

ONU : le monde selon Emmanuel Macron

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ONU : le monde selon Emmanuel Macron
 Michel Duclos
Auteur
Expert Résident, Conseiller spécial - Géopolitique et Diplomatie

 

Après avoir multiplié les rencontres bilatérales avec ses homologues depuis son élection, le temps était venu pour le président français de se confronter à la complexité du multilatéralisme en géopolitique. Son discours à la tribune des Nations Unies en est une ébauche et aucune des questions cruciales ne semblent avoir été éludées. Michel Duclos, ancien Ambassadeur de France à Damas et auteur de la note Syrie : en finir avec une guerre sans fin, analyse, pour l'Institut Montaigne, l'intervention du président de la République.

Lettre de New-York – le président de la République précise le profil international de la France macronienne.

Il faut toujours être prudent dans le commentaire à chaud des grands discours solennels, comme ceux d’un nouveau chef d’État s’exprimant pour la première fois devant l’Assemblée Générale des Nations-Unies.

Avec le discours d’Emmanuel Macron hier à New-York – suivi d’une conférence de presse comportant aussi des éléments intéressants – on ne risque guère de se tromper en constatant, comme l’ensemble des commentateurs, que le président de la République a pris le contrepied à peu près systématiquement des propos de M. Trump. L’accord de Paris sur le climat ? "Cet accord ne sera pas renégocié, il nous lie, il nous rassemble, le détricoter serait détruire un pacte qui n’est pas seulement entre les États mais entre les générations". La Corée du Nord ? "La France refusera toute escalade et ne fermera aucune porte au dialogue, si les conditions sont là pour que ce dialogue soit utile à la paix". L’accord nucléaire du 14 juillet 2015 avec l’Iran ? "C’est un accord utile, essentiel à la paix, à l’heure où le risque d’une spirale infernale ne saurait être exclu".

Et plus généralement, là où le président américain a mentionné une vingtaine de fois le concept de "souveraineté" comme fondement de l’ordre international, là où l’homme de la Maison Blanche a dénoncé les failles et les travers des Nations-Unies, là où il a rappelé sa volonté de faire prévaloir avant tout la primauté de l’Amérique, le président Macron s’est livré à un plaidoyer, classique chez les présidents français, en faveur du multilatéralisme, même s’il l’a fait avec ses mots, avec parfois des accents lyriques, en prenant comme fil conducteur l’idée que la France avait vocation à faire entendre la voix de ceux qui ne peuvent s’exprimer. Il a été applaudi à plusieurs reprises par son public d’officiels de toutes les nations mais en particulier lorsqu’il a indiqué son intention de revaloriser l’aide publique de la France au développement.

Mais peut-être convient-il précisément d’aller au-delà de cette rhétorique et de cette posture qui étaient largement attendues. On notera ici deux ou trois éléments parmi d’autres. En premier lieu, le multilatéralisme de Macron n’est pas un acte de foi aveugle ou un simple prolongement d’une doctrine traditionnelle. Le président a observé que la multipolarité nous oblige à "réapprendre la complexité du dialogue mais aussi sa fécondité". Il a bien saisi en parlant des dérèglements climatiques que c’est par un effort allant bien au-delà des États – et impliquant la société civile – que la coopération internationale doit se déployer. Et surtout il a longuement réclamé une refondation du multilatéralisme car celui-ci est "utile lorsqu’il se dote d’armes efficaces". Ce n’est donc pas un chèque en blanc.

Emmanuel Macron, en second lieu, n’est pas anti-américain. Les responsables français ont souvent irrité les dirigeants américains en énonçant publiquement des critiques à l’encontre des États-unienne qu’ils s’abstenaient de mentionner dans leurs entretiens bilatéraux. Ce n’est pas la méthode Macron : il a rencontré M. Trump avant de prendre la parole à l’Assemblée Générale et lui a fait part directement de ses objections quant à l’approche américaine sur le climat, sur la non-prolifération et sans doute sur d’autres sujets.

D’ailleurs, le langage du président ne s’écarte pas de la courtoisie la plus marquée lorsqu’il évoque le rôle de l’Amérique comme au demeurant celui de la Russie ou de la Chine, même si par exemple sur la Corée du Nord ces deux pays sont invités à en faire plus, et sur l’Ukraine, la Russie est rappelée à son devoir de respect des accords conclus.

On peut ainsi discerner une ébauche de géopolitique implicite dans l’approche du président de la République : la France d’Emmanuel Macron défend ses positions avec force et sur les grands enjeux globaux – climat, développement, sécurité collective – tient sans démagogie d’ailleurs un langage propre à la rapprocher du "Sud global". Assez étrangement, cette proximité potentielle avec les grands émergents notamment est peu relevée par les commentateurs. Emmanuel Macron a trouvé par ailleurs un ton vis-à-vis des grandes puissances qui permet de conserver une relation constructive. Le caractère central qu’il accorde au combat contre le terrorisme – l’un des leitmotivs de son discours - y contribue certainement, mais il y a peut-être plus : ne s’agit-il pas au fond de suggérer qu’il faudra bien à un moment ou à un autre s’entendre entre grands de ce monde ? Et dans cette hypothèse, la main de la France ne sera-t-elle pas renforcée de son crédit auprès du monde émergent ? L’engagement pro-européen du président s’atténue nettement lorsqu’il s’agit des grands équilibres mondiaux.

Reste à voir comment cette sorte d’alchimie qu’Emmanuel Macron essaie de créer peut s’appliquer dans le règlement des crises. Le président de la République a répété sous plusieurs formes à New-York le mantra selon lequel les options militaires sont insuffisantes, ou même nocives en absence de schéma politique pour sortir des crises, plaçant une fois de plus sur le même plan, dans sa conférence de presse, l’intervention en Libye et l’invasion de l’Irak. Il a appelé fortement la communauté internationale à soutenir les efforts du G5 Sahel et la médiation libyenne en Libye. Sur la Syrie, il a redit dans sa conférence de presse, comme il l’avait fait devant les ambassadeurs fin août, que Bachar al-Assad, qualifié cette fois de "criminel", devrait passer en jugement, tout en soulignant la nécessité d’une "feuille de route inclusive". Il a rappelé la proposition qu’il a faite d’un "groupe de contact" et a laissé entendre que celui-ci dans un premier temps se bornerait à des réunions entre membres permanents du conseil de sécurité, la France pouvant assurer une sorte de liaison avec l’Iran en attendant l’association de celle-ci (et d’autres acteurs régionaux) au processus.

On ne peut que souhaiter le succès de cette entreprise mais sans dissimuler une interrogation de fond : comment atteindre un règlement politique satisfaisant dans une situation comme celle de la Syrie, où un pays a été détruit, un peuple massacré, et où un rapport de force tellement déséquilibré a été établi ?

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