AccueilExpressions par MontaigneNucléaire : cinq réacteurs à l'arrêt, pourquoi ?L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.27/10/2016Nucléaire : cinq réacteurs à l'arrêt, pourquoi ? Action publiqueImprimerPARTAGERAuteur Institut Montaigne EDF a annoncé la fermeture de cinq réacteurs supplémentaires, sur la demande de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Cette décision doit permettre de procéder à des vérifications sur les générateurs de vapeur. Elle porte à 26 le nombre de réacteurs à l'arrêt. Que reflète cette décision ? Quelles sont ses conséquences ? Anne-Sophie Maignant, co-rapporteur de notre rapport Nucléaire : l'heure des choixrépond à nos questions. Comment expliquer les décisions prises par l'ASN ? Elles illustrent bien le principe de précaution maximum qu’applique l'ASN. Elle considère ainsi que la survie de la filière nucléaire ne peut être assurée qu'avec un niveau de sûreté maximum. Ces décisions s’inscrivent dans une logique d’amélioration continue des référentiels de sûreté. Cette démarche apparaît comme une caractéristique de notre modèle de sûreté nucléaire. Inversement, aux États-Unis, les référentiels de sûreté appliqués à une installation nucléaire demeurent identiques tout au long de la durée de fonctionnement de l’installation. Rappelons que le cadre institutionnel et juridique français de sûreté est en outre particulièrement strict : ne pas se soumettre à une décision de l’ASN constitue une infraction au regard de la loi. Selon EDF, les vérifications auxquelles doit procéder l’autorité administrative doivent "conforter la démonstration que les générateurs de vapeur du parc nucléaire concernés par la problématique de ségrégation carbone sont aptes à remplir leur fonction en toute sûreté". Pour autant, il semble encore difficile d’évaluer la durée de ces fermetures. Comment l'application du principe de précaution peut-elle encore s'articuler avec la sécurité de notre approvisionnement et la facture énergétique ? Si le gouvernement considère qu'EDF doit être garante de la sécurité d'approvisionnement énergétique de la France, cette responsabilité implique :d’une part, une plus grande visibilité sur l'avenir de la filière afin de mieux programmer les investissements et gérer la disponibilité des centrales. Le silence du gouvernement sur certaines décisions majeures et l’absence de décision structurante sur le nucléaire dans la planification pluriannuelle de l’énergie (PPE) présentée en juillet, repoussant de fait toute résolution à 2018, sont inacceptables ;d’autre part, mettre en regard les bénéfices des décisions de l’ASN avec les coûts et risques économiques engendrés, en privilégiant une approche probabiliste rationnelle (évaluation du risque en fonction de la probabilité d’occurrence) à une approche purement déterministe (évaluation du seul risque).Bien sûr, ces questions sont très délicates et peu audibles dans le débat public. Elles présupposent que les pouvoirs publics adoptent une communication sans tabous pour redonner de la rationalité au débat sur l’approvisionnement en énergie du pays.Peut-on d'ores et déjà évaluer les conséquences économiques de ces décisions qui perturbent notre production d'électricité à l'échelle nationale ? À court terme, EDF produira et vendra moins d'électricité que prévu. Par conséquent, ses ressources devraient diminuer. À moyen terme, on peut craindre un éventuel risque de pénurie pour l'hiver à venir. Notre sécurité d’approvisionnement dépendra donc des importations depuis les pays voisins, et notamment de l’Allemagne : or, on ne dispose d’aucune garantie quant à la disponibilité de cette électricité… En tous cas, le prix de gros de l'électricité continuera d’augmenter. En conséquence, les fournisseurs d'électricité pourront faire valoir leur droit à l'Arenh (accès régulé à l'électricité nucléaire historique) dans des mesures plus importantes que d'habitude. Or, l’Arenh ne permet pas de couvrir tous les coûts d'EDF. D’ailleurs, l’électricien a demandé à ce que soit suspendu le dispositif de l'Arenh compte tenu de la situation actuelle Enfin, suivant les résultats des tests sur les générateurs de vapeur, on peut donc craindre un renchérissement du coût du grand carénage, voire un avancement du calendrier correspondant. Par ricochet, ces arrêts pourraient également compliquer la restructuration de la filière... À plus court terme, ils pourraient également compliquer l'augmentation de capital prévue en envoyant un mauvais signal aux investisseurs.Propos recueillis par Marc-Antoine AuthierImprimerPARTAGER