AccueilExpressions par MontaigneNégociations sur l'assurance-chômage : 3 questions à Bertrand MartinotL'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.06/04/2016Négociations sur l'assurance-chômage : 3 questions à Bertrand Martinot Action publiqueImprimerPARTAGERAuteur Institut Montaigne Les grands entretiens Selon un récent rapport de la Cour des comptes, le déficit de l'Unédic ne cesse de s'aggraver. Le niveau de la dette de cet organisme paritaire chargé de gérer l'assurance-chômage devrait atteindre 35 Md' en 2018. Les négociations qui se déroulent entre les partenaires sociaux afin d'établir la nouvelle convention de l'assurance-chômage sont dès lors capitales pour assurer l'avenir du régime. Bertrand Martinot, économiste et auteur de plusieurs études pour l'Institut Montaigne, revient sur les enjeux des discussions et identifie les premiers chantiers de réforme. Le déficit du régime d'assurance chômage et le niveau alarmant de sa dette remettent en cause la viabilité du système. Pensez-vous les partenaires sociaux en mesure de trouver un accord pour renouer avec l'équilibre financier du régime ? Dans le contexte très tendu de la discussion du projet de loi travail, cela ne va pas être facile. Autant il n’est généralement pas difficile de se mettre d’accord sur des mesures très « paramétriques » (on bouge un curseur ici, on plafonne là, on modifie des règles de différé d’indemnisation, etc.), autant il est difficile de faire des réformes de fond. Le scénario le plus vraisemblable est que les partenaires sociaux parviennent à toper sur des économies assez comptables, sans trop toucher au fond. Sauf si l’Etat les met sous pression en laissant entendre qu’il pourrait reprendre la main. Mais quel intérêt aurait-il à récupérer ce bébé si turbulent ? Quant à l’endettement, il est soutenable tant que l’Etat continue à accorder sa garantie à l’Unédic et que les taux d’intérêt sont à zéro, avec une dette publique monétisée par la BCE… ! La réduction des déficits publics n’est pas sérieusement à l’ordre du jour en France. C’est très inquiétant pour l’avenir, mais c’est ainsi. La polémique sur le régime des intermittents du spectacle est-elle un moyen d'éviter le débat sur la refonte général du système ? Non. Le régime des intermittents n’est pas le seul sujet et ne doit pas monopoliser le débat, mais il est bien réel. Il y a d’ailleurs des points de convergence entre le patronat et les syndicats réformistes sur la question. Mais là, c’est l’Etat qui risque de ne pas laisser faire… ! Il faut rappeler qu’il y a eu un accord en 2014 entre les partenaires sociaux pour faire participer ce régime spécial aux efforts d’économie du régime de droit commun (calcul du différé d’indemnisation), mais l’Etat a pris des dispositions pour le contourner.Quelles sont pour vous les réformes nécessaires ? Les économies à court terme sont plutôt à faire du côté des régimes spéciaux, très déséquilibrés (intermittents, mais aussi annexes IV et certaines modalités du cumul emploi/indemnisation) plutôt que du côté du régime général. Mais il faudra également revoir à la baisse la durée maximale d’indemnisation dans la filière générale (2 ans pour la moins de 50 ans, 3 ans pour les plus de 50 ans) lorsque le chômage diminuera. En régime de croisière, il faudrait faire varier cette durée maximale en fonction du taux de chômage, comme le font les autres pays. Enfin, du côté des recettes, il faudrait remettre deux sujets à l’ordre du jour. Le premier, c’est le financement de Pôle emploi, qui pèse aujourd’hui aux deux-tiers sur l’Unédic, alors qu’il devrait, comme dans les autres pays européens, être financé plutôt par l’impôt. Le second, c’est la question de la modulation des contributions en fonction du coût que fait peser chaque entreprise sur l’assurance chômage. C’est tout l’enjeu de l’experience rating, qui existe aux Etats-Unis depuis longtemps, et qui fait payer aux entreprises une fraction du coût qu’ils occasionnent à l’assurance chômage. Un système de bonus-malus en quelque sorte. C’est un système vertueux qui permettrait aussi de tuer dans l’œuf d’autres idées beaucoup moins pertinentes comme la taxation des CDD qu’on voit revenir ces jours-ci.Pour aller plus loin :Pour en finir avec le chômage, ouvrage de Bertrand Martinot, septembre 2015ImprimerPARTAGER