"L’outil numérique est une chance pour l’école", entretien avec Christophe Gomes

Christophe Gomes, directeur adjoint de l'association Agir pour l'école, plateforme d'expérimentation de nouvelles méthodes d'apprentissage, nous explique comment le développement du numérique comme outil scolaire est une des clés de la réussite de l'école de demain.

Vous travaillez aujourd’hui au sein d’une association qui agit dans le milieu scolaire. Quelle est la valeur ajoutée de votre démarche ? Comment le milieu éducatif vous perçoit-il ?

L’immense avantage d’une démarche telle que la nôtre est d’agir pendant le temps scolaire, dans les murs de la classe directement auprès de l’enseignant. Les élèves passent 24 heures par semaine avec leur professeur, il faut s’assurer avant tout qu’ils puissent faire face aux difficultés durant ce laps de temps grâce à des outils pédagogiques validés par la recherche scientifique. Agir pour l’école traduit les conclusions de la recherche en éducation pour les mettre à disposition de la salle de classe, suivre et accompagner l’enseignant dans l’usage de ces outils, et en évaluer l’impact.

Nos résultats sont très positifs et les professeurs volontaires pour s’engager dans notre démarche sont chaque année plus nombreux. Le changement de pratiques pédagogiques qu’induit notre projet est très bien vécu par les enseignants : tous les acteurs de l'Éducation nationale veulent le meilleur pour la réussite de tous les élèves, ils veulent des outils pédagogiques rigoureusement conçus et une démarche qui fonctionne. C’est ce qu’ils trouvent en s’engageant à nos côtés. Et je crois comme eux que dans cette bataille si importante pour notre société, toutes les bonnes volontés sont bienvenues, qu’elles viennent de l’intérieur ou de l’extérieur de l’institution.

Vous développez notamment des applications pour accompagner l’apprentissage de la lecture de la grande section de la maternelle au CE1. Ces outils sont-ils de nature aujourd’hui à faire la différence pour aider les élèves les plus en difficulté ?

L’outil numérique est une chance pour l’école, s’il est utilisé de façon très ciblée et qu’il sert un scénario pédagogique bien identifié, accepté et mesuré. Les élèves les plus en difficulté ont besoin de plus de temps pour atteindre un niveau qui leur permettra de poursuivre sereinement leur cursus scolaire. L’école aujourd’hui n’a notamment pas les moyens humains de permettre la réussite de tous les élèves, ce déficit d’encadrement rend la tâche impossible là où la difficulté est la plus aigüe. Réduire les effectifs dans ces classes est un pas important dans la bonne direction, et le numérique peut utilement renforcer cette mesure pour personnaliser l’apprentissage et libérer l’enseignant d’un grand nombre de tâches, le rendant plus disponible pour des interventions ciblées.

Vous avez récemment développé un outil incorporant du machine learning. Quelles sont les voies que pourrait ouvrir l’intelligence artificielle dans le champ éducatif pour les années à venir ?

L’usage de l’outil numérique produit énormément de données qui nous permettent de mieux comprendre les moindres inflexions de la progression d’un élève au cours de son apprentissage. La machine peut aujourd’hui apprendre de ces données, et permettre une assistance plus fine et pertinente pour la réussite de tous.

Les progrès de l’intelligence artificielle ouvrent de nombreuses voies et vont notamment redéfinir la dynamique des classes telles que nous les connaissons aujourd’hui. Le rôle de l’enseignant va évoluer et commence déjà à muter. Il ne s’agit plus pour lui de tout faire lui-même, un nombre important de tâches peuvent être déléguées sereinement à la machine. L’enseignant assisté de l’intelligence artificielle est un chef d’orchestre capable de se démultiplier et de savoir ce qu'il se passe à chaque instant devant chacun de ses élèves, lui permettant ainsi de proposer les tâches les plus adaptées à chacun d’eux.