Rechercher un rapport, une publication, un expert...
L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.
15/03/2016

Loi travail : trois questions à Angèle Malâtre-Lansac

Imprimer
PARTAGER
Loi travail : trois questions à Angèle Malâtre-Lansac
 Institut Montaigne
Auteur
Institut Montaigne



À L'occasion de la présentation du projet de loi sur la réforme du marché du travail en Conseil des Ministres, lundi 14 mars, Angèle Malâtre-Lansac, directrice adjointe de l'Institut Montaigne, décrypte les principales modifications apportées au texte.

1/ Selon vous, quelles ont été les modifications majeures dans le projet de loi sur le travail présenté par le Premier ministre ?

L’avant-projet de loi initialement dévoilé par la ministre du Travail comportait des avancées notables pour le marché de l’emploi dans trois domaines :

  •  Il facilitait la vie des entreprises en sécurisant les règles du licenciement ;
  • Il renforçait le dialogue social en favorisant la négociation d’entreprise ;
  • Il sécurisait les parcours des salariés à travers le compte personnel d‘activité.


Dans les déclarations faites par le Premier ministre hier, on note un net recul sur le premier point avec le retrait de la mesure emblématique du plafonnement des indemnités prud’homales. Si ce point est relativement indifférent pour les grandes entreprises qui ont les moyens de faire face à l’insécurité juridique, il semble problématique pour les PME qui, devant des règles du jeu peu claires, peuvent se montrer frileuses à l’embauche.

Concernant le dialogue social, on peut déplorer que le champ du référendum, qui donnait aux salariés la possibilité de valider des accords (à l’initiative des organisations syndicales), soit réduit aux seules questions du temps de travail. Il serait au contraire judicieux d’étendre largement cette possibilité d’entendre la voix des salariés, et de permettre que les référendums ne soient pas du seul ressort des organisations syndicales.


2/ Quels éléments vous semblent positifs dans la dernière version du texte pour les entreprises et pour les salariés ?

Ce projet de loi met bien l’accent sur la négociation sociale et notamment la négociation d’entreprise, qui reste au cœur du dispositif. Comme le montrait l’Institut Montaigne dans son rapport Sauver le dialogue social, priorité à la négociation d’entreprise, il est essentiel d’organiser la négociation sur les sujets relatifs à l’emploi et à l’organisation du travail au plus près du terrain, au sein des entreprises.

Concernant la protection des salariés, on peut se réjouir du fait que les droits à la formation inclus dans le compte personnel d’activité (CPA) soient très ciblés vers les jeunes peu qualifiés. La formation professionnelle en France ne bénéficie pas suffisamment aux peu qualifiés, qui sont les plus éloignés de l’emploi. Espérons surtout que le CPA soit un outil simple d’utilisation pour les salariés comme les employeurs et permette de sécuriser les parcours de l’ensemble des actifs.


3/ Côté entreprises, côté salariés : qui sont selon vous les grands perdants de ces changements ?

Côté entreprises, ce sont clairement les PME, plus fragiles et pourtant à la source de la grande majorité des embauches en France, qui risquent de pâtir de ces évolutions. Le risque d’un CPA "usine à gaz" et l’absence de plafonnement des indemnités prud’homales ne va pas leur simplifier les choses.

Côté salariés, il faut rappeler que le marché du travail est nettement divisé avec une grande majorité d’ "insiders" très protégés face à des "outsiders" qui peinent à entrer sur le marché de l’emploi. Ce sont ces actifs, pour la plupart peu qualifiés, qu’il faut accompagner et pour qui il est essentiel d’ouvrir l’accès à l’emploi. Avec 3,5 millions de chômeurs, la France est le seul grand pays d’Europe à ne pas avoir fait baisser le chômage l’an dernier, il est urgent de réagir ! Malheureusement, on peut craindre que les dernières modifications apportées au projet de loi lui aient enlevé de sa substance et n’aillent pas dans le sens d’un vrai choc pour l’emploi tel qu’ont pu le mener nos voisins (Italie, Allemagne ou encore Grande Bretagne).

Recevez chaque semaine l’actualité de l’Institut Montaigne
Je m'abonne