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18/03/2020

L’Italie, le coronavirus et l’Union européenne

L’Italie, le coronavirus et l’Union européenne
 Marc Lazar
Auteur
Expert Associé - Démocratie et Populisme, Italie

L’Italie est le pays le plus touché par la diffusion du coronavirus. À la date de l’écriture de cet article, le 18 mars, on comptait plus de 29 000 personnes infectées et plus de 2 900 décès. Lorsque l’épidémie sera jugulée viendra le temps du bilan sanitaire global. Il sera aussi nécessaire de comprendre les raisons d’une pareille contagion et de cette véritable hécatombe. Le fléau qui ravage le pays, surtout dans sa partie septentrionale du moins pour le moment, met à jour les comportements et les attitudes contradictoires de la population italienne.

"Andrà tutto bene"

D’un côté, le cliché si répandu en Italie et plus encore hors d’Italie, selon lequel les Italiens sont l’un des peuples les plus indisciplinés en Europe a été mis en pièces. Certes, à l’annonce du confinement général et très sévère décrété par le président du Conseil Giuseppe Conte le 9 mars, les supermarchés ont été pris d’assaut et des milliers de Milanais se sont précipités dans les gares et les aéroports pour chercher refuge dans d’autres parties de la péninsule risquant ainsi de contaminer d’autres co-nationaux. Certes, les autorités enregistrent des infractions aux mesures prises par le gouvernement : à titre d’exemple, le 16 mars, on en a comptabilisé 7 890 infractions sur le territoire national sur plus de 172 000 contrôles selon un article de La Repubblica daté du 17 mars, cependant qu’en Lombardie un pourcentage élevé de déplacements sont relevés. Cependant, comparé à ce que l’on a pu observer en France ces derniers jours, tout cela semble relativement bénin. En revanche, la population semble communier dans un grand esprit d’unité nationale du nord au sud en passant par les îles.

Les Italiens, enfermés chez eux et alors même qu’ils sont éloignés physiquement, redoublent paradoxalement de sociabilité, cherchant par tous les moyens à retisser du lien entre eux .

Une volonté de combattre le virus a été clairement et volontairement affichée : "andrà tutto bene", "tout ira bien", est devenu le slogan largement repris et inscrit sur les banderoles accrochées aux façades des immeubles et des maisons. Les Italiens, enfermés chez eux et alors même qu’ils sont éloignés physiquement, redoublent paradoxalement de sociabilité, cherchant par tous les moyens à retisser du lien entre eux : ils s’appellent au téléphone, s’écrivent des mails, échangent sur les réseaux sociaux, entonnent en chœur depuis leurs balcons et leurs fenêtres à heures régulières l’hymne national, les morceaux célèbres d’opéra ou encore les airs de leurs auteurs-compositeurs favoris.

"De l’Union européenne on attend des aides, point des obstacles"

Mais plus l’Italie fait nation, plus elle s’éloigne de l’Union européenne. Celle-ci se retrouve sous le feu des critiques. Matteo Salvini a fustigé Christine Lagarde qui, dans une conférence de presse le 12 mars, expliquait que la BCE n’avait pas à s’occuper d’intervenir pour réduire les spreads. Il a critiqué l’Allemagne et la France qui, dans un premier temps, ont refusé d’envoyer des masques de protection aux Italiens. Il a dénoncé l’égoïsme et la cécité de Bruxelles. D’où ses propos du 16 mars dans un entretien donné au quotidien Libero, "moins d’Union européenne, plus de régions". Toutefois, à chaque fois que Salvini s’est attaqué au gouvernement Conte, les Italiens l’ont désavoué car ils considèrent que, pour l’instant, les polémiques domestiques n’ont pas lieu d’être. De son côté, le président de la République, Sergio Mattarella, européen convaincu, est intervenu également et, sans citer Madame Lagarde, a déclaré le 12 mars que "de l’Union européenne on attend des aides, point des obstacles". Des propos partagés par tous les pro-européens en Italie quelle que soit leur couleur politique.

En fait, une nouvelle fois, l’Union européenne a déçu les Italiens. Cette déception vient s’ajouter aux précédentes : l’introduction de l’euro qui n’a pas été à la hauteur des espérances d’une majorité d’Italiens, la crise financière et économique de 2008 qui a si fortement impacté le pays, la crise des migrants au cours de laquelle l’Italie s’est sentie abandonnée. Tout cela explique l’essor de l’euroscepticisme que n’enrayent pas les décisions prises plus récemment par la Commission européenne ou la solidarité, tardive, venue de Paris et de Berlin.

Davantage, nombre d’Italiens estiment que l’Union européenne se désagrège devant leurs yeux, avec la suspension des accords de Schengen et l’impossibilité d’élaborer une politique coordonnée de la santé, chaque état-nation agissant comme il l’entend. Cela conforte les arguments des populistes qui réclamaient, dès les premiers jours de l’épidémie, la fermeture des frontières et le repli national. Résultat, de manière spectaculaire, l’image de l’Union européenne ne cesse de se dégrader. Selon un sondage Monitor Italia, publié le 13 mars, 88 % des Italiens estiment que l’Union européenne n’aide pas l’Italie face au coronavirus. 67 % considèrent qu’appartenir à l’UE constitue un désavantage contre 47 % en novembre 2018, date de la précédente enquête.

88 % des Italiens estiment que l’Union européenne n’aide pas l’Italie face au coronavirus. 67 % considèrent qu’appartenir à l’UE constitue un désavantage contre 47 % en novembre 2018.

L’épidémie du coronavirus aura donc des conséquences notables sur le rapport à l’Union européenne des Italiens. Lesquels, il y a encore plus d’un quart de siècle, formaient le peuple le plus europhile. Cela appartient désormais à un passé révolu.

 

 

Copyright : MARCO BERTORELLO / AFP

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