AccueilExpressions par MontaigneLes bienfaits de la donnéeL'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.28/05/2018Les bienfaits de la donnée TechnologiesImprimerPARTAGERAuteur Institut Montaigne Faut-il encourager ou restreindre l’utilisation des données personnelles ? Le 25 mai 2018, le Règlement général sur la protection des données, marqueur de la volonté européenne de se distinguer de ses voisins chinois et américains concernant l’utilisation des données personnelles, est entré en vigueur. Ancré dans un contexte de défiance croissante des utilisateurs envers les grandes plateformes de la Silicon Valley, le RGPD doit garantir la protection de la vie privée des internautes français et européens. Alors que le monde entier a regardé Mark Zuckerberg, PDG de Facebook, répondre aux questions des députés européens, l’heure est aujourd’hui celle du rejet et non de l’adhésion. Une utilisation contrôlée des données, garantissant la sécurité et la confidentialité, au service de l’amélioration de la qualité des services et de l’action publique, est pourtant possible. La preuve avec quelques exemples concrets, analysés par les chargés d’études de l’Institut Montaigne. L’enjeu des données - Théophile LenoirOn le répète régulièrement, la quantité de données produite chaque jour est considérable. L’année dernière, l’International Data Company évaluait à un facteur huit l’augmentation du volume de données à analyser dans les dix prochaines années. Pour IBM, 90 % des données existantes aujourd’hui auraient été créées durant les deux dernières années. A mesure que les technologies de communication se développent, le nombre de données créées et stockées augmente de manière exponentielle. Les conséquences économiques, politiques et sociales de ce développement sont importantes. En 2015, une estimation économique réalisée dans le cadre du rapport de l’Institut Montaigne Big Data et objets connectés : Faire de la France un champion de la révolution numérique par AT-Kearney chiffrait à 138 milliards d’euros (soit 7 % du PIB) le potentiel de création de valeur des données en 2025. Les données sont également, comme nous l’avions noté dans un article de décembre 2017 sur ce blog, déterminantes pour le développement des méthodes de recherche telles que le machine learning, qui redéfinit chaque jour un peu plus les équilibres sociaux et économiques que nous connaissons.Si nous sommes méfiants vis-à-vis de l’utilisation des données, c’est qu’elles sont avant tout des outils de contrôle. Comme le dit l’adage, on ne contrôle que ce que l’on mesure. Sur les réseaux sociaux, les données permettent de mesurer l’intérêt de certaines audiences afin de contrôler la distribution de l’information. Cela donne un pouvoir aux entités usant de ce contrôle, qui sont en mesure d’augmenter mécaniquement leur visibilité. Tout cela n’est pas sans générer des questions complexes lors des périodes électorales par exemple (à quel moment le mécanisme crée-t-il de la manipulation ?). Cependant, dans d’autres domaines leur potentiel est moins dangereux. Lorsqu’un urbaniste mesure les flux de population d’une ville pour en optimiser l’éclairage et ainsi en réduire la consommation énergétique, le contrôle devient source de solutions à un problème collectif. La technologie se développe constamment en tension entre deux extrémités : une vision utopique et libertarienne, selon laquelle la technologie libère l’homme ; une autre, dystopique, selon laquelle la technologie crée les outils de contrôle qui l’asservissent. Les débats dans la veine de celui autour de Cambridge Analytica sont les résultantes de cette dernière. Le défi est de créer le cadre réglementaire permettant d’encourager l’utilisation de données pour résoudre des problèmes importants (par exemple dans les domaines des transports et de la santé, comme nous allons le voir) tout en minimisant les craintes qu’elles suscitent.Une donnée dans la ville - Victor PoirierLa donnée, au coeur de la ville de demain ? Si les exemples en la matière sont nombreux, l’Institut Montaigne a décidé, dans le rapport Quelle place pour la voiture demain ?, de consacrer sa première étude en la matière aux enjeux de mobilité. Ainsi, le rapport publié en juin 2017 accorde une place importante à la question des données dans les déplacements quotidiens des Français, avec un accent porté aux trois défis qui se dressent sur la route de l’automobile – sociétal, environnemental et économique. Véhicule connecté ou autonome, infrastructures connectées, régulations intelligentes… L’exploitation des données de conduite représente un gisement pour de nouveaux services – donc un levier de compétitivité pour l’industrie française – mais aussi un risque potentiel (cybersécurité), qui impose de protéger et rassurer les citoyens.La collecte et l’utilisation collective des données issues des calculateurs de bord doit être encouragée, afin d’en maximiser les bénéfices communs. Pour ce faire, l’Institut Montaigne propose de définir, au niveau européen, les “données d’intérêt général de la mobilité” et d’en fixer les règles d’accès, de partage et d’exploitation. Cette utilisation doit être encouragée mais aussi contrôlée, afin d’en garantir la sécurité et la confidentialité.D’autres données, ayant trait par exemple aux émissions de polluants en temps réel, permettraient d’informer les conducteurs de leur impact environnemental et de les comparer à leurs pairs, afin de les inciter à conduire de façon plus fluide et moins polluante (selon une logique de nudge). Une fois cette phase d’autoévaluation achevée, des mécanismes incitatifs financiers intelligents (micro-péages dynamiques) pourraient être mis en place, s’appuyant sur les diverses données produites pour les véhicules, afin de permettre une tarification intelligente fondée sur plusieurs critères objectifs (taux de remplissage du véhicule, niveau de pollution, état du trafic et de la qualité de l’air…). Enfin, d’autres bienfaits sont attendus, dans de nombreux domaines, via un meilleur usage des données dans le secteur automobile :gagner en sécurité, par une connaissance en temps réel de l’usure du véhicule, par une détection automatique des signes de fatigue du conducteur, ou encore par la possibilité d’alerter facilement les secours en cas d’accident ; mieux maîtriser les coûts, notamment en ajustant beaucoup plus finement le niveau des primes d’assurance à la qualité réelle de la conduite ;améliorer l’expérience du conducteur et des passagers, par la diffusion de contenus audio et visuels. Ces technologies pourraient monter en puissance avec l’avènement de voitures semi ou totalement autonomes, qui libéreraient du temps pour le conducteur ;économiser du temps, grâce à une gestion en temps réel du trafic (ce qui commence à être le cas avec des systèmes de GPS connectés tels que Waze). Ce type d’outil pourrait être généralisé, dans le but de mettre en place de manière progressive une gestion plus globale des flux de véhicules.Comme nous l’avons mentionné plus haut, il convient néanmoins d’être prudent : la crainte de voir ses données personnelles piratées est forte auprès des citoyens, en témoigne le résultat du sondage mené par l’Institut Montaigne à l’occasion de la sortie du rapport. Ainsi, plus d’un quart des Français, des Californiens et même un tiers des Allemands ont peur de voir leurs données utilisées de façon malintentionnée.Les données de santé et leur application - Angèle Malâtre-Lansac ; Emma Ros Dans le domaine de la santé, il existe différents types de données : les données cliniques (qui sont les résultats de tests médicaux tels que des radiographies, des tests sanguins etc.), les données médico-administratives (issues des systèmes de remboursement et des établissements de santé) ou encore l’ensemble des données produites par la personne elle-même lors de son usage des applications mobiles de santé par exemple. Leur particularité est qu’elles ont toutes un caractère très personnel qui nécessite de sécuriser leur usage. Cependant, elles possèdent également une réelle valeur collective. Ces données sont essentielles pour la recherche et le progrès médical : l’étude de données recueillies par des études cliniques ou encore le suivi de cohortes permet une meilleure compréhension des maladies (en identifiant des causes génétiques ou des mécanismes biologiques) et offrent la possibilité de développer des traitements innovants. On pense notamment à la médecine prédictive et aux potentiels de l’IA qui permettent de croiser diverses données afin d’élaborer un diagnostic. Elles sécurisent (et rendent ainsi possible) l’accès au marché précoce des nouvelles innovations par le biais des données en vie réelle, qui reflètent dans les véritables conditions de leur usage les performances d’un nouveau traitement. Les données médicales peuvent aussi être un excellent levier pour la prévention par les études épidémiologiques et l’identification de facteurs environnementaux dans le développement de maladies. Les données de santé représentent également un réel enjeu économique. La filière de santé numérique (télémédecine, objets connectés, applications etc.) ouvre de nombreuses opportunités de création d’emplois et de richesses notamment pour de jeunes startups. Pour autant, cette filière nouvelle nécessite une impulsion politique forte afin de se structurer et être pleinement visible. Par ailleurs, les données de santé sont source d’efficacité pour notre système de santé : d’après une étude de l’OCDE, près de 30 % des dépenses de santé relèveraient du gaspillage. Ces dernières sont la conséquence d’actes inutiles, d’errances thérapeutiques, de mauvaise coordination des soins. Pour autant, il est possible d’éviter ces gaspillages, de fluidifier les parcours et de mieux cibler les soins pertinents tout en sécurisant les données : à ce titre, la blockchain permet de créer les conditions de cette traçabilité, en conservant l’ensemble des échanges effectués depuis le début de création de la chaîne. Des pays comme l’Estonie ont d’ores et déjà utilisé cette technologie pour sécuriser l’ensemble des données médicales. Pour finir, les données de santé offrent les conditions nécessaires à la mise en oeuvre d’une meilleure transparence de notre système de santé. La France accuse un profond retard dans la mesure de la qualité et de la performance des acteurs. Des indicateurs précis pertinents pour les patients doivent être mis en place pour l’ensemble des citoyens en s’inspirant des Patient Reported Outcome Measures (PROMs) qui mesurent la qualité de vie retrouvée suite à un acte médical. Néanmoins, afin d’exploiter le plein potentiel de ces données, la France doit relever quelques défis techniques. Dans un premier temps, la France doit déterminer le juste niveau de régulation, afin de ne pas freiner l’innovation : le contrôle a posteriori des autorités permet à ce titre d’assurer une protection de l’usage des données tout en offrant une réelle marge de manoeuvre aux acteurs. Les méthodologies de référence introduites récemment par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) vont dans le bon sens : elles fournissent aux acteurs les conditions à remplir afin de pouvoir initier leur projet sans la nécessité d’une validation en amont de la CNIL. La France doit également permettre d’exploiter le plein potentiel de ces données en les rendant interopérables. En effet, bien que disposant d’une des bases médico-administratives les plus importantes au monde (le Système national des données de santé - SNDS), la France n’a pas de base commune à même de regrouper des données de sources et natures diverses. Une étude réalisée par Maddyness et Sanofi estime que ce manque d’opérabilité entre les différentes données représente une perte de 18,6 milliards d’euros par an. A ce titre, le rapport Villani préconise la création d’une plateforme unique de mutualisation des données afin de favoriser la recherche et l’innovation. ImprimerPARTAGERcontenus associés 24/04/2018 Protection des données : l’Europe à la rescousse ? Regards croisés de Gille... Institut Montaigne 10/01/2018 Marché numérique unique : et après ? Gilles Babinet