AccueilExpressions par MontaigneLe Forum e-G8 : quel bilan ? Quels défis ?L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.12/07/2011Le Forum e-G8 : quel bilan ? Quels défis ? Coopérations internationales TechnologiesImprimerPARTAGERAuteur Frédéric Créplet L’e-G8, qui s’est tenu fin mai à Paris, a réuni l’ensemble des acteurs de l’écosystème numérique. Ce forum, organisé à l’initiative du président de la République, devait réfléchir à l’avenir de l’Internet, à son impact sur l’économie et la société, afin de présenter des pistes de réflexion aux chefs d’Etat et de gouvernement du G8. Quel bilan faire de ce premier e-G8 ? Quels défis restent à relever ?Un bilan en demi-teinte Le bilan de ce premier e-G8 est mitigé. Si, de manière générale, l’Internet a été reconnu comme un accélérateur de croissance, les débats ont mis en relief une divergence de vue importante entre, d’une part, les gouvernements qui souhaitent mettre en place une réglementation plus poussée et, d’autre part, les entrepreneurs qui réclament davantage de liberté. De son côté, le président de la République, Nicolas Sarkozy, a lancé un appel à un encadrement moral et réglementaire du web. Des sujets essentiels, tel le droit d’auteur, ont certes été discutés, mais aucune réponse concrète n’y a été apportée. Quant à la question du respect de la vie privée, la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) a déploré ne pas avoir été associée à ce débat fondamental. Quid de la vox populi ? On peut également regretter que les internautes n’aient pas été invités aux débats. Entre les géants du monde économique et les gouvernements, la société civile peine décidément à trouver sa place… Plus symptomatique encore : à aucun moment le sort des 126 blogueurs emprisonnés dans le monde n’a été mis sur la table, ce que regrette vivement le secrétaire général de Reporters sans Frontières. Ben Verwaayen, directeur général de l'équipementier télécoms Alcatel-Lucent, reconnait d’ailleurs que « cet événement, c'était une discussion par nous-mêmes sur nous-mêmes, ce qui est toujours très, très dangereux » (1). Des points positifs Le bilan comporte toutefois des points positifs. L’e-santé a, par exemple, émergé comme un sujet central lors des débats. Les discussions ont conclu que l’utilisation d’Internet dans ce domaine permettra une plus grande information des malades, une meilleure automédication et une véritable interaction entre les administrés et l’administration. L’e-G8 a donc eu le mérite de soulever des questions importantes, sans toutefois y apporter des réponses concrètes. Comment relever le défi numérique ? L’Institut Montaigne a publié, à la veille de l’e-G8, un rapport intitulé « Le défi numérique - Comment renforcer la compétitivité de la France ». Le constat qu’il dresse est sans appel : cinquième puissance économique mondiale, la France n'arrive qu’à la vingtième place dans le domaine du numérique et elle a perdu cinq places entre 2009 et 2010. Or l’impact économique de ce secteur est considérable : en 2010, la « filière Internet » représentait 3,7% du PIB français et aurait contribué à un quart de sa croissance. Internet représente également un gisement d'emplois considérable : en 15 ans, la filière a permis la création de 700 000 emplois. Or, en France, le numérique n'est pas exploité à hauteur de son potentiel alors même que nous disposons d’atouts importants dans ce domaine. A terme, notre pays ne pourra pas conserver son rang de puissance économique s’il ne fait pas un effort important pour rattraper son retard. Pour permettre à la France de saisir l’opportunité que représente le numérique, le rapport formule neuf propositions concrètes, parmi lesquelles 3 propositions phares : 1. Mettre en place un « Small Business Act numérique » pour les PME françaises Les investissements nécessaires à un bon système d’information sont rarement à la portée des PME et TPE isolées. Celles-ci ne tireront pleinement parti du numérique que si elles ont accès à des ressources partagées. C’est pourquoi le rapport préconise de mettre en place un programme « Compétitivité des PME dans l'économie numérique ». Ce programme pourrait être porté par l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie (ACFCI) et le réseau des CCI. 2. Former aux systèmes d'information dans l'enseignement supérieur Introduire de manière obligatoire dans les universités, les écoles d'ingénieurs, les grandes écoles de commerce et d’administration, une formation aux systèmes d’information et au numérique, à leur gouvernance, à leur place dans la stratégie, ainsi qu’à leurs conséquences économiques et sociales. Dans les grandes écoles de la fonction publique, cet enseignement doit être sanctionné par une évaluation. Parallèlement, et pour corriger à terme le retard de la classe dirigeante française, il faut proposer - en formation continue - un Executive Master aux meilleurs éléments des entreprises et du secteur public. 3. Créer un réseau pour la recherche dans le numérique La recherche dans le numérique doit être renforcée par une coopération entre les divers acteurs et fécondée par une démarche transdisciplinaire. Il importe de : - valoriser les pôles de recherche existant en France (dont l’INRIA en recherche fondamentale) sur les systèmes d’information et le numérique, en constituant un réseau d’acteurs publics et privés de la recherche, du conseil, du service informatique, de l’édition logicielle, des jeux vidéos ; - encourager la transdisciplinarité entre l’informatique, les sciences de gestion, l'économie, le marketing et les sciences humaines et sociales ; - développer avec ce réseau un programme de transferts de technologies dans les secteurs stratégiques identifiés dans les "Investissements d’avenir" ; - engager la constitution d’un réseau analogue à l’échelle européenne avec les grands acteurs européens.Pour favoriser la mobilité internationale de nos chercheurs, professeurs et étudiants, un dispositif d’échanges ("Erasmus du numérique" ou "Edison") doit être mis en place au niveau européen.La France a toutes les chances de relever avec succès le défi numérique, il ne s’agit plus que de volonté ! Références : (1) "L'e-G8 ferme ses portes, travaille encore sur ses conclusions", l’Express.fr, 25 mai 2011.En savoir plus : - Le défi numérique - Comment renforcer la compétitivité de la France - En marge du G8 Rencontre avec Frédéric Créplet - Un regard frais sur l'économie numériqueImprimerPARTAGER