AccueilExpressions par MontaigneLe drame du Brexit n’est pas encore terminéL'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.02/10/2020Le drame du Brexit n’est pas encore terminé Environnement Union EuropéenneImprimerPARTAGERAuteur Georgina Wright Directrice adjointe des Études Internationales et Expert Résident Vous pensiez que le Brexit était derrière nous ? Vous n’êtes pas les seuls. Boris Johnson a été élu en promettant d’en terminer avec le Brexit, et à la suite de la signature de l’accord de retrait en janvier 2020, on sentait chez le Premier ministre – et dans l’opinion publique – une volonté de passer à autre chose. La pandémie a naturellement encore plus détourné l’attention sur le sujet.Cependant, les dernières semaines ont vu le Brexit revenir au cœur des préoccupations. Ce n’est pas étonnant ; l’UE et le Royaume-Uni ont désormais moins de 100 jours pour conclure un accord. Aucune des deux parties n’était prête à faire de grosses concessions avant l’automne, et même si aussi bien l’UE que le Royaume-Uni s’accordent sur la nécessité d’un accord, il reste de nombreux sujets qui risquent à tout moment de faire dérailler le processus. Alors que le compte à rebours est lancé et qu’il y a beaucoup d’acteurs à satisfaire, la fin d’année pourrait vite devenir explosive.Le Royaume-Uni et l’UE ne sont toujours pas parvenus à un accordLe Royaume-Uni et l’UE concluent leur neuvième round de négociations formelles le 2 octobre. Les sujets de désaccords sont bien connus: les deux parties ne sont pas d’accord sur la nécessité d’un niveau de concurrence égale ("level playing field"), sur les quotas de pêche, ni sur l’accès aux eaux britanniques des bateaux de pêche européens.Bien que le bruit de fond soit plutôt positif – les deux parties affirment qu’elles souhaitent parvenir à un accord – personne ne veut faire de concessions trop rapides de sorte qu’une réelle avancée dépendra sans doute de la conversation entre le Premier ministre et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le weekend du 3-4 octobre.L’accord de retrait devra être appliqué dans son intégralitéL’UE a toujours été claire sur le fait que la conclusion d’un accord commercial avec le Royaume-Uni était conditionnée à l’application complète de l’accord de retrait, conclu en janvier 2020.L’UE a toujours été claire sur le fait que la conclusion d’un accord commercial avec le Royaume-Uni était conditionnée à l’application complète de l’accord de retrait, conclu en janvier 2020. Les deux partis ont encore des décisions concrètes à prendre au sein du comité adjoint, à savoir les critères selon lesquels un bien quittant la Grande Bretagne pour l’Irlande du Nord peut être dispensé de droits de douane. Ces discussions au sein du comité adjoint prennent lieu en parallèle des négociations sur l’accord de libre échange.Pour le Royaume-Uni, ces discussions n’avancent pas assez vite. C’est l’une des raisons pour lesquelles le Royaume-Uni a décidé d’agir unilatéralement à travers le projet de loi sur le marché intérieur ("UK internal market bill"). Le gouvernement a indiqué que ces dispositions serviront de solution de secours: si le Royaume-Uni et l’UE ne parviennent pas à un accord sur tous les aspects pratiques du protocole de l’Irlande du Nord, alors cette loi donnerait aux ministres britanniques la possibilité de prendre des actions unilatérales afin de déterminer la marche à suivre afin que les flux commerciaux restent fluides à l’intérieur du Royaume-Uni. Pour l’UE, ces dispositions sont une violation directe de l’accord de retrait. Résultat : la Commission européenne a entamé une procédure d’infraction le 1 octobre 2020.Le Royaume-Uni et l’UE ont besoin de temps pour les vérifications finalesBien que la période de transition ne se termine que le 31 décembre, la fenêtre de négociations est bien plus étroite. En effet, les deux parties voudront que leurs avocats passent le texte en revue afin de ne pas laisser de place à une interprétation erronée. Les avocats auront besoin de temps.Boris Johnson jouit d’une majorité confortable au parlement, ce qui veut dire que l’adoption de nouvelles lois, même de dernière minute, ne devrait pas poser de problème.Ensuite vient la question du vote. La ratification au Royaume-Uni devrait se faire sans trop d’encombres étant donné que l’accord final ne sera pas obligatoirement soumis à un vote. Le gouvernement devra sans doute faire adopter de nouvelles lois afin de l’incorporer au droit britannique. À l’inverse de Theresa May, Boris Johnson jouit d’une majorité confortable au parlement, ce qui veut dire que l’adoption de nouvelles lois, même de dernière minute, ne devrait pas poser de problème.En revanche, le vote côté européen devrait se révéler plus compliqué. Au fil des années, l’UE a tenté d’attribuer un plus grand rôle et droit de regard au Parlement européen en matière de politique commerciale. Aujourd’hui, l’UE a besoin d’au moins deux votes afin de ratifier un accord commercial: un du Conseil – qui rassemble les 27 gouvernements – et un du Parlement européen. Les 27 peuvent donner leur accord informel, mais ne ratifieront rien tant que le Parlement européen ne se sera pas prononcé.Les entreprises et les citoyens auront besoin de temps afin de se conformer aux nouvelles relations commerciales qui débuteront le 1er janvier – qu’il y ait ou non un accord.Ceci doit intervenir au plus vite, idéalement entre le 14 et le 17 décembre, dates de la dernière séance plénière de l’année. Les parlementaires européens pourraient être rappelés pour un vote extraordinaire, mais personne n’en a vraiment envie en période de fêtes. Ils voudront débattre de l’accord en commission et en plénière avant de passer à un vote. Le moins de temps ils auront, plus ils seront mécontents.Les deux parties doivent s’attendre à des turbulencesEnfin, et c’est peut-être le plus important, les entreprises et les citoyens auront besoin de temps afin de se conformer aux nouvelles relations commerciales qui débuteront le 1er janvier – qu’il y ait ou non un accord. Ceci implique d’être en règle, de prendre en compte les délais supplémentaires aux frontières et de s’assurer que votre animal de compagnie a le passeport et les vaccins nécessaires. Le gouvernement britannique doit aussi s’assurer que la frontière entre la Grande Bretagne et l’Irlande du Nord soit prête.Vu les ajustements demandés aux entreprises par la situation engendrée par la Covid-19, et l’incertitude des négociations, les deux parties pourraient n’avoir d’autre choix que d’explorer de nouvelles mesures afin d’étaler l’entrée en vigueur de cette nouvelle relation. Si on en venait à cela, ces nouvelles mesures devraient elles aussi être négociées.Il est essentiel de se préparer à un scénario sans accordAvec de tels enjeux, et si peu de temps, l’absence d’accord demeure possible par défaut. La pression pour se préparer à toute éventualité ne devrait qu’augmenter au fur et à mesure que la pression afin d’obtenir un accord se fait plus lourde sur les deux parties. C’est ce que devrait dire en substance le président du Conseil de l’UE, Charles Michel, dans son point informel avec les Etats membres aujourd’hui.L’été a été tranquille pour les observateurs du Brexit, mais les prochaines semaines devraient se révéler déterminantes. Au-delà de la politique, il y a des ajustements juridiques et techniques à mettre en place, et tout cela demande du temps. Préparez-vous, la route promet d’être compliquée. Copyright : JOHN THYS / AFPImprimerPARTAGERcontenus associés 15/07/2020 L'isolement du Royaume-Uni n'a plus rien de splendide Dominique Moïsi 02/06/2020 En pleine tempête coronavirus, le Royaume-Uni garde-t-il le cap ? Georgina Wright