AccueilExpressions par MontaigneLe baccalauréat est-il irréformable ? Trois questions à Christian ForestierL'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.13/06/2017Le baccalauréat est-il irréformable ? Trois questions à Christian ForestierImprimerPARTAGERAuteur Institut Montaigne Les grands entretiens Chaque année, la période du baccalauréat s'ouvre avec son lot de débats et de controverses. Donné, inadapté, coûteux, etc... les critiques vont bon train. Pourtant, aucune réforme d'ampleur n'est lancée pour en corriger les éventuels dysfonctionnements. Le baccalauréat serait-il irréformable ? C'est la question que nous avons posée à Christian Forestier, ancien recteur.L'impératif de modernisation du baccalauréat a été réaffirmé récemment par le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer. A la veille des premières épreuves, une telle réforme vous paraît-elle réaliste ? Souhaitable ? La réforme du baccalauréat est une nécessité mais elle se heurte à une forme de tabou en France. Du fait de son caractère sacré, le baccalauréat échappe à toute approche rationnelle. D’anciens ministres n’hésitaient d’ailleurs pas à le qualifier de " monument historique ". Une nuance importante doit être rappelée ici : lorsqu’on parle de "baccalauréat", l’opinion pense spontanément aux filières générales. Or, la filière générale ne représente qu’un gros tiers d’une génération. La majorité des bacheliers sont donc soit en filière technologique soit en filière professionnelle. Or, toute réforme du bac technologique et professionnel passe totalement inaperçue. Inversement, dès qu’il est question du sacrosaint baccalauréat général, bien qu’il ne concerne qu’une minorité d’élèves, on assiste immanquablement à des levées de boucliers. Quels archaïsmes subsistent aujourd’hui dans son fonctionnement ? Le baccalauréat est désuet pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il est la poursuite et l’émanation du mode d’enseignement au lycée, qui demeure aujourd’hui archaïque. Cette séquence d’apprentissage est basée presque exclusivement sur l’acquisition de connaissances, et omet toute préparation à l’autonomie, à l’apprentissage de compétences et de méthodes de travail. Le second cycle français se différencie ainsi des autres pays dans son incapacité à promouvoir un apprentissage pratique. Nous restons dans un schéma où seule l’assimilation de connaissances est encouragée et développée. Il s’inscrit, plus largement, dans une séquence située entre le niveau bac - 3 et le niveau bac + 3, au sein de laquelle on observe une mauvaise articulation. La préparation à l’enseignement supérieur, par l’acquisition de connaissances et de méthodes de travail, y est mal assurée. La préparation, pour les filières professionnelles et technologiques, à l’insertion sur le marché du travail est également traitée de manière insatisfaisante. La France privilégie la formation in vitro à la formation in vivo. La mission d’insertion professionnelle, fondamentale pour les élèves de ces filières, doit être accomplie en étroite liaison avec le monde professionnel par un renforcement de l’apprentissage et de l’alternance. Demain, que serait un " bac moderne " ? A quelles conditions pourrait-il permettre une meilleure articulation avec l’enseignement supérieur et le monde professionnel ? Toute proposition de réforme sur le baccalauréat doit intégrer une réflexion plus globale sur l’accès à l’enseignement supérieur. Aujourd’hui, deux systèmes fondamentalement différents coexistent. Un secteur " fermé ", basé sur la sélection (le post bac lycée - les classes préparatoires -, les IUT ou les BTS) et un système dit " ouvert " : l’accès à la licence. La tendance naturelle aujourd’hui est de vouloir s’orienter vers le secteur " fermé " et de n’accepter les formations ouvertes qu’en dernier recours. Un tel système est source de mal être pour tout le monde : pour les élèves eux-mêmes, tout comme pour ceux qui doivent les former. Il est donc impératif d’aller vers plus de régulation pour remédier à ce déséquilibre. L’introduction de davantage de sélection n’a en aucun cas pour objet de réduire l’accès à l’enseignement supérieur. Il n’y a pas trop d’étudiants en France ! Ça n’est pas la restriction que l’on vise, mais la rationalisation. Un certain nombre d’inégalités entre les différentes filières (au profit des filières scientifiques tout particulièrement) doivent également être résorbées. Les bacheliers S sont non seulement acceptés mais attirés par l’ensemble des filières, alors même que l’on manque d’étudiants dans les voies scientifiques post bac. A contrario, les bacheliers littéraires bénéficient d’un spectre beaucoup plus étroit de débouchés, ce qui dégrade l’attractivité de cette filière. La conviction qu’une sélection par les mathématiques est la plus démocratique de toutes est ainsi complètement erronée. Pourquoi, par exemple, ne pas instaurer une voie sciences humaines en médecine ? Enfin, l’instauration du contrôle continu, avec maintien en parallèle des épreuves finales du bac, paraît impérative. Un équilibre, avec, par exemple 50 % de contrôle continu et 50 % d’examen final, devrait être trouvé. Il faut redonner au livret scolaire l’importance qu’il a déjà officieusement via la sélection sur APB. L’examen n’a, dans les faits, aucune valeur ajoutée dans la mesure où l’orientation s’effectue bien en amont des épreuves du baccalauréat. Cette réforme ne sera cependant pas aisée : beaucoup de professeurs refusent le principe du contrôle continu. ImprimerPARTAGER