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31/01/2014

L’apprentissage, parent pauvre du projet de loi sur la formation professionnelle

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L’apprentissage, parent pauvre du projet de loi sur la formation professionnelle
 Institut Montaigne
Auteur
Institut Montaigne


Par Bertrand Martinot, ancien délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle et auteur de la note - Une nouvelle ambition pour l'apprentissage, 10 propositions concrètes

Le "projet de loi relatif la formation professionnelle, à l'emploi et au dialogue social" présenté le 22 janvier en Conseil des ministres est pour l'essentiel consacré à la transposition dans la loi de l'accord national interprofessionnel de décembre dernier sur la formation. Il comporte néanmoins un volet apprentissage.

Un apprentissage en chute libre

Il faut dire qu’avec une chute de 8 % en 2013 (soit 26 000 entrées de moins qu’en 2012), l’apprentissage se porte plutôt mal en France, tout particulièrement au niveau des premiers niveaux de qualification.
Si la conjoncture peut expliquer une partie de cette évolution, elle ne saurait masquer une dynamique inquiétante : en 2009, au pire moment de la récession, l’apprentissage n’avait perdu "que" 10 000 entrées. On peut penser qu’en 2013, l’accent mis sur les emplois d’avenir et l’annonce de la suppression de la prime apprentissage sauf pour les TPE et de la réduction drastique du crédit d’impôt apprentissage ont pu avoir leur premiers effets.

Des améliorations techniques

Dans ce contexte, le projet de loi présente des améliorations techniques qui vont très certainement dans le bon sens. D’une part, il diminue drastiquement le nombre de collecteurs de la taxe d’apprentissage (OCTA). Il n’y aura plus désormais qu’un collecteur par région (contre environ 150 collecteurs aujourd’hui), ce qui laisse augurer une diminution des frais de gestion et une plus grande facilité de contrôle de ces fonds. Au niveau national, seuls les OPCA (organismes collecteurs, par ailleurs des fonds de la formation professionnelle) pourront collecter la taxe d’apprentissage. D’autre part, l’utilisation des fonds collectés par les OCTA et non fléchés par les entreprises devront faire l’objet d’une concertation régionale avec les autres parties prenantes : Etat, conseil régional, partenaires sociaux.

La difficile question du pilotage

Une troisième mesure est plus problématique : la suppression des conventions d’objectif et de moyens entre l’Etat et les régions. On sait que ces documents, initiés par l’Etat à partir de 2005, ont pour but de contractualiser avec les régions des objectifs de développement de l’apprentissage (nombre de nouvelles places, développement de telle ou telle filière, qualité des formations, etc.) en échange de dotations supplémentaires de l’Etat (environ 300 M€, en sus des dotations de décentralisation) conditionnelles à l’atteinte des objectifs définis en commun. Bien entendu, ce système était critiquable car il allait à l’encontre d’une décentralisation pleine et entière de l’apprentissage en région.

En outre, le volet évaluation et le "reporting" de ces documents a été globalement défaillant. Cela étant, leur suppression pure et simple (avec transfert inconditionnel des crédits afférents aux régions) pose la difficulté de conduire une politique nationale de l’apprentissage avec un Etat qui sera désormais privé de tout moyen d’animation et d’orientation. On sait que les régions sont très inégalement engagées sur l’apprentissage et que les dotations qu’elles reçoivent de l’Etat dans le cadre de la décentralisation ne dépendent en aucune façon des résultats obtenus, alors même que l’apprentissage devrait être une cause nationale.

Remettre l’apprentissage au cœur de la lutte contre le chômage

Enfin, on pourra regretter qu’au-delà de ces mesures techniques, le projet de loi ne soit pas accompagné de mesures qui permettraient de véritablement doper l’apprentissage : création systématiques de dispositifs de type pré-apprentissage, engagements réciproques des régions, de l’Etat et des entreprises, mise sous tension des missions locales, plus grande implication des branches professionnelles dans la détermination du contenu des enseignements… Il faut donc espérer que les dispositions prévues ne sont que la première pierre d’un chantier beaucoup plus ambitieux, tel que le propose l’Institut Montaigne dans sa note Une nouvelle ambition pour l’apprentissage, 10 propositions concrètes (janvier 2014).

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