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07/10/2022

Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 : quels enjeux pour les transports en commun franciliens ?

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Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 : quels enjeux pour les transports en commun franciliens ?
 Iona Lefebvre
Auteur
Ancienne responsable de projets - Territoires et société

La Ville de Paris a fait de son réseau de transport un point fort de sa candidature pour accueillir les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, en affichant une ambition de 100 % des spectateurs se rendant aux évènements en transport en commun ou en mobilités douces (vélo, marche…). Garantir l'accès à des transports collectifs fiables est en effet un élément clé de la réussite de l'organisation d'un tel évènement. Pour cela, l'Île-de-France compte sur le Grand Paris Express (GPE), l'un des plus importants projets de transports urbains d'Europe, approuvé en 2011, qui doit contribuer à un agrandissement et une modernisation quasi sans précédent du réseau de transports publics régional. Ainsi, dès 2024, de nouvelles lignes auraient dû être prêtes pour relier les différents sites des JO, et permettre le transport de plus de 10 millions de voyageurs supplémentaires. Mais l'annonce de retards dans les chantiers bouleverse ce calendrier. Il va donc falloir composer avec le réseau actuel afin de répondre aux besoins de mobilité générés par les Jeux et tenir la promesse de déplacements décarbonés - dans un contexte où les transports en commun souffrent de leur saturation, de perturbations récurrentes (les incidents lors de la finale de la ligue des champions le 28 mai dernier au stade de France ne sont qu'un exemple), de grèves (que le processus d’ouverture à la concurrence ne saurait diminuer) et se remettent doucement des effets économiques de la crise sanitaire (qui avait créé un déficit de plus d’un milliard d’euros). 

À l’aube de l'un des évènements sportifs les plus importants et les plus suivis du monde, à quels défis sont confrontés les transports en commun franciliens ? Dans notre rapport Mobilités en Île-de-France : ticket pour l’avenir (juin 2022) l'Institut Montaigne relevait déjà les difficultés rencontrées par les réseaux de transports d’Île-de-France, mises en exergue par la crise sanitaire. Quelles fragilités du modèle francilien, notamment financières, la perspective des JO révèle-t-elle et comment les surmonter ? 

Le Grand Paris Express : chantiers inachevés

Le GPE est un projet urbain que l'on peut qualifier d'hors normes. Il représente un investissement total de 35 milliards d’euros, et a été pensé pour développer les transports de manière circulaire, en "rocades" (contrairement au modèle "en étoile", qui prévalait jusqu’alors), avec l'objectif d'assurer la liaison de banlieue à banlieue, en créant une double couronne de transports collectifs rapides et fiables. Il doit ainsi permettre de couvrir d'importants besoins de mobilité encore non couverts, et contribuer à diminuer l'utilisation, souvent contrainte, de la voiture individuelle en périphérie de la capitale. Il ajoutera 200 kilomètres de lignes entre 2024 et 2030 (autant que le métro actuel) et créera 68 gares. Les 4 nouvelles lignes de métro automatiques 15, 16, 17, 18 permettront de recevoir entre 2 et 3 millions de voyageurs supplémentaires et de désaturer le réseau actuel. 

Selon le calendrier initial, les chantiers visant à desservir et relier les sites des JO auraient dû être prêts pour 2024.

Selon le calendrier initial, les chantiers visant à desservir et relier les sites des JO auraient dû être prêts pour 2024. Or, des retards ont été pris dans les travaux, contraignant même au déplacement de certains sites des JO afin d'assurer leur liaison sans trop d’encombre (par exemple, la natation a été déplacée de Saint-Denis à Nanterre, mieux reliée par les transports collectifs). À ce stade, seul le prolongement de la ligne 14 au Sud jusqu’à Orly et au Nord jusqu'à Saint Denis Pleyel pourra voir le jour en 2024. 

La ligne 16, qui avait pourtant été dénommée "la ligne officielle" des JO (qui devait relier entre eux des sites des Jeux en Seine-Saint-Denis) et la ligne 17 reliant Saint-Denis Pleyel au Mesnil Amelot (notamment le tronçon de la ligne qui devait relier jusqu'à l'aéroport du Bourget - site où devait être installé le village médias) ne seront prêtes qu'après les Jeux. 

En réponse à ces retards de travaux, le 8 juin dernier, Île-de-France Mobilités, l'autorité organisatrice des transports franciliens, et le comité d’organisation des JO, Paris 2024 ont dévoilé un plan spécifique pour assurer les déplacements des millions de voyageurs attendus. Il s'agira de renforcer l'offre vers les sites de compétition, le village des athlètes et celui des médias, en affrétant notamment 1 400 bus et cars spécifiques sur des voies dédiées pour les 200 000 personnes accréditées, dont 15 000 athlètes, qui bénéficieront de la gratuité des transports collectifs. Pour les visiteurs, IDFM s'est engagée à "adapter l'offre de transport public et à assurer la desserte des sites de compétitions pour les millions de spectateurs". Cela sera-t-il suffisant ? Dans la mesure où ce plan ne précise pas encore quelles seront ces adaptations et ce qui sera concrètement mis en place pour assurer les déplacements des visiteurs, on ne peut pas affirmer clairement que le réseau francilien sera prêt pour cette échéance majeure. En outre, l'organisation des JO pose des problématiques particulières, comme la création d'un centre international de broadcast au Bourget ouvert 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, contraignant à acheminer des flux de voyageurs en continu, ou encore la localisation de certains sites assez excentrés de Paris (au Château de Versailles, au Vélodrome de Saint-Quentin en Yvelines…). Cela nécessite non seulement de répondre aux enjeux des flux de voyageurs et de la disponibilité des transports pour assurer leur mobilité, mais aussi à celui de l'accessibilité des gares et de leur capacité d'accueil… ce qui, pour l'instant, ne semble pas garanti, même si IDFM réfléchit à des solutions pour desservir certains sites grâce à plusieurs gares, en mettant en place des navettes et des bus dédiés. Encore faudra-t-il prévoir suffisamment de bus pour cela et mettre en place une information voyageurs fiable et accessible à tous les visiteurs.

Au-delà des doutes sur la capacité réelle d'IDFM à répondre aux attentes posées par l'organisation de cet évènement d'ampleur planétaire, il convient de rappeler que le réseau de transport francilien fait déjà face à des enjeux majeurs, que la crise sanitaire a contribué à révéler, et qui s’inscrivent sur un temps plus long que celui des seuls jeux olympiques et paralympiques de 2024. 

Un modèle en perte de qualité de service et financièrement insoutenable 

D'abord, même si le réseau francilien est en pleine expansion et connaît d'importants investissements (GPE, chantier d'extension du RER R (Eole), mise en œuvre du Charles de Gaulle Express, extension des lignes de tramways…), cela se traduit par une forte tension opérationnelle. En attendant la fin de ces différents travaux, des perturbations sont possibles sur des réseaux et matériels roulants qui restent vieillissants, notamment les RER B et D qui seront parmi les plus empruntés lors des JO (et ne vont pas être renouvelés d'ici 2024). Par ailleurs, les récents incidents provoqués suite à un signal d'alarme ayant conduit à évacuer les voyageurs "sous tunnel" en juillet dernier, période de forte canicule, témoignent d'une dégradation de la qualité de service et de fortes difficultés opérationnelles des opérateurs de transport. Si IDFM assure pouvoir garantir une qualité de service pour les millions de voyageurs à venir dans le cadre des Jeux, dans les conditions actuelles, rien ne présage une montée en puissance de l'efficacité et de la fiabilité des réseaux d'ici à 2 ans.

Le niveau de saturation des réseaux pose également question : quelle cohabitation attendre entre les voyageurs habituels et les visiteurs des JO ? Dans un contexte de forte congestion, notamment aux heures de pointe, pour faire face aux 9 millions de déplacements quotidiens en transports en commun, cela reste un défi à relever. Par ailleurs, de nombreux sites des JO seront localisés en dehors de Paris, là où s'effectuent plus de 70 % des déplacements quotidiens en temps normal. 

Le niveau de saturation des réseaux pose également question : quelle cohabitation attendre entre les voyageurs habituels et les visiteurs des JO ? 

L'offre de transports en commun en petite, et surtout en grande, couronne n’est pas suffisante pour assurer l'intégralité des déplacements (un tiers des déplacements en Île-de-France est effectué en voiture et 9 déplacements en voiture sur 10 se font en dehors de Paris), que peut-on alors espérer lors des JO ? Comment l'autorité organisatrice pourra-t-elle assurer le déplacement de tous les visiteurs en transports ou en modes "actifs" ? Cela demande de développer l'offre de transports en périphérie, ainsi que l'intermodalité avec les mobilités dites douces (vélo, marche) pour assurer un meilleur maillage du territoire, tant dans l’objectif des JO que dans la nécessité structurelle d’améliorer la desserte des habitants des petite et grande couronnes ainsi que leurs déplacements quotidiens.

Ensuite, la période des JO coïncide avec celle de la mise en concurrence des opérateurs de transports en commun, processus analysé par l'Institut Montaigne en février dernier. Cela signifie donc une réorganisation de l'exploitation des réseaux de transport, avec des transferts de personnel de la SNCF ou de la RATP vers des opérateurs privés, qui a commencé en janvier 2021 et devra durer jusqu'en 2040. Ce processus fait courir le risque de grève des personnels, comme cela a été le cas des conducteurs de bus en Seine-et-Marne fin 2021, qui dénonçaient une forte détérioration de leurs conditions de travail suite à l'ouverture à la concurrence. À partir de janvier 2024 les premiers transferts vers d'autres opérateurs des réseaux de bus de la RATP auront lieu, ce qui peut venir fortement perturber le fonctionnement opérationnel de ce mode de transport, au moment où la Région se préparera à accueillir les Jeux Olympiques et Paralympiques. 

Finalement, si la tenue des JO en Île-de-France pouvait représenter une formidable opportunité de modernisation et d'amélioration de la qualité de service du réseau francilien, des doutes subsistent sur la capacité de l'autorité organisatrice de transport à faire face à ces défis, compte tenu de la situation actuellement dégradée. Cela est d'autant plus vrai que le modèle a fortement été affecté par la crise sanitaire. D’ailleurs, tous les voyageurs franciliens n’ont toujours pas retrouvé le chemin des transports en commun suite à la crise, contrairement à la plupart des autres métropoles, qui affichent un taux de fréquentation de leur réseau urbain à plus de 95 % par rapport à 2019. La situation en Île-de-France reste toujours à un niveau de 80 % de fréquentation par rapport à 2019, d’après les dernières données du mois de juillet, et l’offre, en conséquence, n'a pas été rétablie à 100 %. 

Cette baisse de fréquentation est aussi à l'origine d'un déficit important dans le financement des transports franciliens, qui accusent une dette de 7 milliards d’euros en 2021.

Cette baisse de fréquentation est aussi à l'origine d'un déficit important dans le financement des transports franciliens, qui accusent une dette de 7 milliards d’euros en 2021 selon le rapport annuel de la cour des comptes paru en février 2022. IDFM prévoit un financement du plan pour les JO à hauteur de 100 millions d'euros, mais comment cela est-il envisageable dans un contexte si déficitaire ? Le GPE représente à lui seul un déficit de plus d'un milliard d'euros par an entre 2023 et 2030, ajouté au milliard de la crise sanitaire et aux 950 millions d'euros estimés manquants en 2023 face à l'augmentation du prix de l'énergie et des matières premières. Sur ces 950 millions, si la Région estime pouvoir trouver 200 millions en faisant des économies, il reste encore un déficit de 750 millions.

Enfin, la mise en service des nouvelles lignes du GPE va nécessiter des investissements incompressibles en matériel roulant supplémentaire, ce qui ne présage qu'un endettement croissant dans les années à venir. Notons également la faiblesse du ratio recettes sur dépenses du modèle économique, qui s'élève à 26 % (à savoir 2 869 M€ de recettes pour 10 894 M€ de dépenses), ce qui met en difficulté l'autorité organisatrice et interroge sur sa capacité à dégager des ressources pérennes. Ce ratio a été affaibli par la crise sanitaire et la chute de fréquentation du réseau, qui, comme nous l'avons vu, n'a pas encore retrouvé son niveau d'avant crise. La faiblesse des recettes d'IDFM peut également s'expliquer par leur inégale répartition entre les recettes tarifaires (27 %), les subventions publiques (18 %) et le versement mobilité (43 %), un impôt de production supporté par les entreprises du territoire. 

Alors, comment financer les projets de développement et d’amélioration de l'offre de transports en commun nécessaires en Île-de-France, dans un contexte marqué par d'importantes fragilités économiques ? 

Les pistes de solutions pour consolider le modèle des transports en commun francilien

Nous l'avons vu, les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 sont révélateurs de défis pour les transports franciliens qui sont en réalité structurels, et dont les conséquences pèsent aujourd'hui sur la capacité d'IDFM à assurer des transports fiables et efficaces aux millions de visiteurs attendus dans 2 ans.

Dans ce contexte, quelles pistes de solution peut-on envisager pour répondre aux enjeux du réseau de transport francilien, tant pour la nécessaire amélioration de l'offre de transport que pour son financement, à court comme à moyen-long terme ?

À court terme, des solutions pour développer l'offre peuvent être facilement envisagées. Comme le préconisait l'Institut Montaigne dans son rapport Mobilités en Île-de-France : ticket pour l’avenir, il est possible d'agir sur au moins deux leviers. D'abord, pour répondre à l'enjeu de la saturation des lignes de transport, l'autorité organisatrice peut agir sur la demande, en incitant à des changements d'habitudes de transport. 

Ainsi, il est possible d'étaler l'heure de pointe dans les déplacements en transports en commun en heures pleines (matin et soir) en concertation avec les entreprises dans les pôles économiques proches de lignes saturées et avec les établissements d'éducation et de formation. Cela permettra de jouer sur les pics de fréquentation, particulièrement utile lors des jeux paralympiques de septembre, qui interviennent au moment de la reprise des activités économiques et scolaires. 

L'autorité organisatrice peut agir sur la demande, en incitant à des changements d'habitudes de transport. 

À plus long terme c'est une incitation efficace pour désengorger les réseaux et améliorer facilement la qualité de service, sur le modèle de ce qui est expérimenté en Seine-Saint-Denis par plusieurs entreprises du quartier d'affaires de la Plaine Saint Denis, desservi par les RER B et D.

À Rennes, une expérimentation similaire a été menée à l'université : la moitié des étudiants a vu ses cours décalés de 15 minutes, pour des résultats notables : les flux ont baissé de 5 % et la charge des rames de 17 % à l'heure de pointe. Dans le cadre des jeux, IDFM affirme qu'un système de "Transport Demand Management" est à l'étude, une solution similaire à la piste du décalage des horaires en jouant sur la demande. Ce système consiste à disposer d'une information voyageurs complète afin de proposer des alternatives de trajets aux voyageurs et éviter de saturer les lignes. Cette piste est à explorer sérieusement, à condition de se doter d'un système solide d'analyse de la demande et des flux, et à l'inscrire dans le temps aux côtés d’un système de décalage des horaires en négociation avec les entreprises et les écoles sur le territoire.

L'information voyageurs est clé pour assurer un système intelligent et flexible, qui s'adapte aux attentes des voyageurs, caractéristique essentielle pour répondre à une demande croissante et changeante, comme lors des Jeux de 2024. Pour cela, de nombreux réseaux nationaux et internationaux se dotent de système de "MaaS" : Mobility as a Service ou mobilité servicielle. Le MaaS doit permettre d'apporter aux usagers, via une plateforme numérique, un outil intégré de planification, de paiement et d'information voyageurs favorisant le passage d’un mode de déplacement à un autre, dans une vision intégrée de bout en bout, articulant les modes traditionnels et les nouvelles offres de mobilité. Cela doit permettre de lutter contre la congestion en facilitant la transition entre les modes de déplacement et en visant un usage optimal des infrastructures de transport en temps réel grâce au digital. SNCF, RATP et IDFM avancent également dans cet objectif avec le développement d'applications pour smartphones. Cela nécessite d'être encouragé et l'Institut Montaigne préconisait dans son rapport de juin 2022 de développer le MaaS par l'expérimentation publique-privée, sous le pilotage d'IDFM qui pourrait rédiger un cahier des charges avec des attentes partagées permettant l'émergence d'acteurs du MaaS "vertueux" (qui s'engagent à suivre la politique de mobilité du territoire, en faveur de la décongestion et des objectifs de transition écologique). Cette piste est envisageable à court terme, les applications existant déjà, mais il faudra encore assurer l'interopérabilité de la billettique afin de permettre un paiement de billets "intégrés" (comprenant plusieurs moyens de transport) sur une même application, et la conception de ce cahier des charges commun aux différents acteurs du MaaS, sous l'impulsion d'IDFM.

Une solution de moyen terme consisterait à favoriser l'intermodalité par le développement de bus et de cars à haut niveau de service, circulant sur des voies réservées. 

Enfin, une solution de moyen terme consisterait à favoriser l'intermodalité par le développement de bus et de cars à haut niveau de service, circulant sur des voies réservées. Cela permettrait d'optimiser le rabattement vers les modes "lourds" en offrant un service grâce auquel les habitants de la périphérie pourront avoir accès à son centre ou à un pôle de transports collectifs. L'avantage de ce type de services réside dans la flexibilité, la rapidité et la qualité de services. Il nécessite des investissements moins lourds en termes d'infrastructures, pour des résultats rapides et permettant de répondre aux besoins des voyageurs de grande couronne, qui actuellement sont contraints d'utiliser leur voiture.

Couplé au développement de gares multimodales (regroupant différents services : transports lourds, cars et bus, parkings à vélo sécurisés…), cela permettrait de créer les conditions idéales pour déployer un véritable réseau de transport intermodal profitant au plus grand nombre. 

Reste une question essentielle : comment renforcer le modèle économique des transports franciliens pour assurer sa soutenabilité et les projets de développement aujourd’hui indispensables à l’amélioration de la qualité de service ?

Là encore, le rapport de l'Institut Montaigne Mobilités en Île-de-France : ticket pour l’avenir ouvre plusieurs pistes. D'abord, le soutien aux recettes d'usage - la tarification - doit être affirmé. Bien entendu, tout redressement de la tarification doit nécessairement être modulé et prendre en compte les enjeux de pouvoir d'achat, notamment pour les populations les plus modestes, sachant qu'en France le transport représente 16,4 % du budget des ménages, soit le premier poste de dépenses juste devant le logement. Cependant, au regard de la situation actuelle des transports franciliens, il apparaît indispensable d’engager une réflexion sur les recettes tarifaires, qui semblent insuffisantes au vu des dépenses, surtout quand on sait que le GPE va venir augmenter sensiblement la qualité de desserte et de service pour de nombreux franciliens. Il apparaît donc particulièrement opportun d'encourager IDFM à envisager dans la durée un redressement progressif et socialement modulé du poste des recettes tarifaires. Pour cela, l'Institut Montaigne propose de faire évoluer le tarif unique du pass Navigo par l'instauration d'une double tarification, soit à l’usage soit au forfait, tout en encourageant une tarification sociale afin de répondre aux besoins des publics les moins favorisés. Dans les faits, le prix actuel du pass Navigo resterait inchangé, tout en rendant possible une majoration du tarif du billet pour les voyageurs "occasionnels" et les trajets "non contraints". Les trajets "contraints" et dont l'usage est à définir comme essentiel resteraient soumis au pass Navigo ; les autres trajets seraient tarifés en fonction de leur usage (sur le modèle du système des télécoms qui proposait une consommation en "crédits" : en fonction de la distance parcourue, de l'heure de déplacement - creuse ou pleine -... et d’autres critères à définir collectivement). En parallèle, les transports collectifs jouant un rôle crucial d'inclusion, il apparaît nécessaire de poursuivre la mise en œuvre de tarifs adaptés aux populations dont les revenus sont les plus faibles et qui sont souvent les plus contraintes en termes de déplacement. 

Mais la tarification ne doit pas être le seul levier pour augmenter les recettes du réseau de transport francilien. D'autres mécanismes peuvent être activés, notamment ceux visant à mieux couvrir les externalités liées à l'usage de la route. Cela pourrait donc passer par l'instauration, à titre expérimental, d’une redevance d'infrastructure en Île-de-France, qui consisterait à mettre en place une vignette d'infrastructure applicable à tous les véhicules, à assiette large et taux faible, modulable en fonction du type de véhicules et de ses nuisances. 
 
Au-delà de l'échéance des Jeux de 2024, dans un contexte d'urgence quant à la décarbonation de nos mobilités, les transports collectifs doivent s’imposer comme modèle de référence pour les déplacements d'aujourd'hui comme de demain, en répondant aux enjeux des flux, de la disponibilité, de la flexibilité et de la qualité de service. Et cela ne saurait se faire sans dégager de ressources supplémentaires et pérennes, à la hauteur des enjeux et de l’attractivité de la Région capitale.

 

 

Copyright : PASCAL PAVANI / AFP

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