AccueilExpressions par MontaigneIslam de France : "L'argent ne va pas là où il devrait aller"L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.13/12/2016Islam de France : "L'argent ne va pas là où il devrait aller"ImprimerPARTAGERAuteur Institut Montaigne Interview d'Hakim El Karoui, auteur de notre rapport Un islam français est possible, parue dans Le Figaro, le 11 décembre 2016.Fondateur de Volentia, société de conseil, et auteur du rapport de l'Institut Montaigne Un islam français est possible, Hakim El Karoui a signé l'appel des 41 (41 personnalités musulmanes : intellectuels, cadres, chefs d'entreprise) très critique à l'égard des structures de l'islam de France.LE FIGARO. - Comment se pose la question des finances de l'islam de France ?Hakim EL KAROUI. - L'islam est sous-financé en France et pourtant les flux financiers liés aux pratiques musulmanes sont importants. Pourquoi? Parce que l'argent qui circule ne va pas là où il devrait aller, c'est-à-dire dans la formation des imams, dans le salariat des ministres du culte, dans la construction des lieux de culte et dans le travail théologique. La très grande majorité de l'argent qui circule bénéficie à des investisseurs privés, ceux qui contrôlent le monde du halal. Quant aux dons des fidèles, leur collecte et leur usage manquent de transparence. La création du CFCM en 2005 avait notamment pour objectif de maîtriser ce financement. Pourquoi est-ce un échec ?Les conflits d'intérêts: on ne peut pas demander aux mosquées de s'organiser pour permettre à une structure tierce de se financer aux… mêmes sources qu'elles! Autre problème: tant que les mosquées et les fédérations seront liées à des pays d'origine et qu'elles ne travailleront pas exclusivement dans l'intérêt des musulmans de France, il y aura des batailles d'ego et de territoire.Quelles seraient les mesures prioritaires pour clarifier cette situation ?À ce jour, le Maroc donne 6 millions d'euros par an environ, l'Algérie autour de 2 et l'Arabie saoudite moins d'un million: les dons des États sont clairs. Mais pas les dons privés. D'autant que les mosquées sont souvent sous statut loi 1901, qui contraint moins à la transparence que les associations loi 1905. Il y a par ailleurs des dons à des associations musulmanes caritatives que l'on ne mesure pas. Dès lors, contraindre toutes les mosquées à passer sous statut loi 1905 et leur demander de publier leurs comptes, à commencer par les plus grandes, serait un grand progrès. Tracfin (l'organisme du ministère de l'Économie chargé de lutter contre le blanchiment d'argent, NDLR) doit être aussi mobilisé pour suivre les financements caritatifs islamistes. À terme, il faudra tarir les sources de financement étranger: les musulmans de France ne sont plus des étrangers, à eux de s'organiser de façon autonome.Que pensez-vous de l'instauration d'une taxe sur l'abattage rituel et sur le pèlerinage à La Mecque ?C'est réalisable à deux conditions: que la structure qui va recouvrer ces fonds soit indépendante des mosquées. Et que l'emploi de l'argent soit transparent et efficace: il faut que les musulmans qui vont être mis à contribution en aient pour leur argent.Cela ne fait-il pas dix ans qu'on évoque de telles mesures ?Si on veut de l'efficacité, il faut changer la gouvernance de l'islam de France. Le conseil d'administration de l'association cultuelle nationale en cours de création doit être composé en majorité de personnalités qualifiées indépendantes des mosquées: c'est la seule manière d'éviter les conflits d'intérêts.Avec l’aimable autorisation du FigaroAller plus loinFait religieux en entreprise : trois questions à Hakim El KarouiÉtat d'urgence pour l'islam de France, par Hakim El KarouiImprimerPARTAGER