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29/01/2008

Industrie européenne : pour un protectionnisme éclairé !

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 Michaël Cheylan
Auteur
Contributeur sur les questions africaines

Établir une liste des savoir-faire industriels à conserver ou acquérir en Europe, est-ce preuve d’un protectionnisme déplacé ? A cette question, l’Institut Montaigne répond sans ambigüité par la négative. Oui, l’établissement d’une telle liste est éminemment souhaitable. Simplement, pour ne pas tomber dans l’excès du patriotisme économique borné et obtus, une condition doit impérativement être respectée : que cette liste soit limitative.

Quel est en effet l’objectif ? C’est de maintenir un potentiel européen en matière industriel sur des secteurs clés à forte valeur ajoutée. Car si l’Europe veut combiner compétitivité et préservation de son modèle social, elle doit faire le pari de l’excellence ; autrement dit, se positionner sur des segments à plus forte valeur ajoutée, là précisément où les pays émergents ne peuvent encore la concurrencer.

Comment procéder ? Il convient d’identifier les entreprises clés que l’Europe ne doit pas laisser passer sous contrôle étranger (volet « défensif »), mais aussi de promouvoir une meilleure coordination des efforts de développement technologique entre les États-membres (volet « offensif »), à l’image de ce qui se fait aujourd’hui dans le secteur de l’armement (avec la mise en place d’une Agence européenne). D’ailleurs, en ce domaine, l’habitude a été prise depuis longtemps de raisonner en termes de « technologies critiques », dont le contrôle doit être préservé. Pourquoi, dans ces conditions, ne pas étendre cette approche à d’autres secteurs ? L’on peut songer ici, non pas aux yaourts, mais aux bio et nanotechnologies, à l’aéronautique, etc.

Les conditions actuelles semblent en tout cas être plutôt favorables. Dans les milieux industriels, des voix s’élèvent contre la cécité des dirigeants européens qui trop souvent font du droit de la concurrence l’alpha et l’oméga de la régulation des marchés. Les États-membres commencent eux-mêmes à évoluer. Ainsi l’Allemagne, durement touchée par les phénomènes de délocalisations, se met à militer en faveur d’une politique industrielle européenne après s’être longtemps gaussée de l’existence d’un ministère de l’Industrie en France. Les Britanniques eux-mêmes reconnaissent aujourd’hui la nécessité de raisonner en termes de maintien de savoir-faire industriel.

Le patriotisme économique recèle beaucoup de dangers. Mais il a également ses vertus. A l’Union européenne de faire preuve de discernement et de mesure. L’établissement d’une liste limitative des savoir-faire à conserver ou acquérir en Europe, gage d’un protectionnisme éclairé, devrait l’y aider.

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