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07/04/2016

Génération sacrifiée ? trois questions à Laurent Bigorgne

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Génération sacrifiée ? trois questions à Laurent Bigorgne
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1. François Hollande avait fait de la "jeunesse" la priorité de son quinquennat. Une partie d'entre elle se retrouve aujourd'hui dans la rue. Comment en est-on arrivé là ?

A chaque élection présidentielle, les candidats promettent de faire de la jeunesse une priorité et ils sont sans aucun doute sincères. Pourtant, ils ne parviennent pas à changer les performances globales du système éducatif, ni à lutter efficacement contre le chômage des jeunes qui depuis très longtemps est le double de celui de la population active. Ce sont plus de 110 000 jeunes qui sortent du système éducatif sans diplôme chaque année en France. Les politiques déployées pour faire baisser le chômage des jeunes s'avèrent tout aussi inopérantes : fin 2015, 24,6 % des 16-25 ans étaient touchés par le chômage. Enfin, preuve d'une inéquité intergénérationnelle préoccupante, ils ne parviennent pas non plus à freiner la progression des moyens dédiés à une politique de départ en retraite précoce, extrêmement coûteuse comparée à celles déployées par nos voisins européens : comme nous le rappelons dans notre récente note Retraites : pour une réforme durable, les dépenses de retraites représentaient 13,8 % du PIB de la France en 2012, contre 9,7 % en moyenne dans l'UE. La Jeunesse aura à acquitter demain les déficits courants produits par les grands régimes sociaux : retraites, santé, assurance chômage? Ce n'est pas raisonnable.

2. Peut-on parler de guerre de génération, nourrie ou entretenue par les politiques publiques ?

Le terme d'égoïsme générationnel me semble plus adéquat. Les responsables politiques se désintéressent de la jeunesse car elle n’est pas, à leurs yeux, un vivier électoral conséquent. L’abstention grandissante des jeunes, couplée à la progression de leur vote pour le FN, n’incitent pas les partis traditionnels à être audacieux pour les jeunes et ils ont bien tort. Au contraire, les personnes retraitées représentent une manne de voix non négligeable pour les politiques, qui semblent concentrer vers eux une part croissante de leurs efforts.  

En outre certains jeunes - les moins qualifiés, ou ceux issus d’un milieu défavorisé - n'ont pas ou très peu de moyens pour se faire entendre. L’égoïsme générationnel ne s’appréhende donc pas uniquement de façon verticale, il a aussi une dimension horizontale : c’est le cas de certains jeunes, dont la voix s’élève au détriment de celles des moins qualifiés. Prenons l’exemple de la loi dite "El Khomri", qui vise à améliorer la situation du chômage qui touche 80 % des non qualifiés en France et relevons que les principales protestations contre celle-ci émanent de syndicats étudiants de l’enseignement supérieur pour qui les espérances de revenus futurs sont les plus fortes. Ceux qui manifestent viennent de milieux relativement favorisés, ont les perspectives de diplômes et d’emplois à moyen terme les plus intéressants et sans vrai risque de chômage durable.

3. Que proposer ?

Notre pays ne parvient pas à enrayer la dégradation des performances de son école, pas plus qu’il ne parvient à corriger les travers d’un système de plus en plus inégalitaire. Ces deux constats sont terribles pour la France, qui échoue à proposer un horizon à toute une partie de sa jeunesse, condamnant de très jeunes élèves, dès l’âge de 7 ans – ce qui correspond à la classe de CP -, à un parcours scolaire en forme d’impasse. La recherche montre pourtant très clairement que toute ambition pour l’égalité des chances impose d’agir le plus tôt possible. Des travaux ont ainsi prouvé que 1€ consacré à un enfant naissant permet d’économiser jusqu’à 8€ plus tard, dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la sécurité, de la justice ou des services sociaux. Il est donc urgent d’agir sur l’école primaire.

Second terrain prioritaire : l’apprentissage. Alors même qu’il constitue le levier le plus efficace pour lutter contre le chômage des jeunes, l’apprentissage ne cesse de reculer en France. Le taux de chômage varie pourtant du simple au double selon que le bac professionnel ait été obtenu en apprentissage ou par voie scolaire. Les solutions existent et fonctionnent, comme nous l’avons démontré dans notre étude Apprentissage : un vaccin contre le chômage des jeunes.

Autre remède,  la formation professionnelle. Le récent "plan 500 000 formations", en se focalisant uniquement sur le nombre de formations délivrées, s’éloigne du véritable sujet. Le retard français en matière de formation ne peut s’apprécier uniquement en termes quantitatifs. La capacité d’une telle mesure à résorber durablement le chômage déprendra essentiellement de la qualité des formations délivrées et d’un ciblage cohérent des bénéficiaires de celles-ci. Un meilleur ciblage en direction des peu qualifiés (rappelons qu’en zone urbaine sensible le taux de chômage des jeunes atteint 40%), doublé d’un contrôle accru de la qualité des prestations est aujourd’hui nécessaire.

Enfin, la lutte contre les discriminations à l'embauche de ceux qui sont parvenus à aller au bout de leurs études doit demeurer une priorité. Rappelons les résultats d’un testing que nous avons réalisé l’année dernière et qui dresse pour la première fois un état des lieux chiffré de la discrimination religieuse sur le marché du travail. Les résultats révèlent une forte discrimination à l’égard des candidats perçus comme musulmans. Ces derniers ont deux fois moins de chances d’être contactés par les recruteurs que les catholiques. Les hommes musulmans sont particulièrement discriminés : leur taux de réponse est quatre fois plus faible que celui des hommes perçus comme catholiques.

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