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27/06/2013

Formation professionnelle : oui à l’évaluation !

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 Lucile Romanello
Auteur
Chargée d'études

Alors qu'elle représentait 1,5 % du PIB français soit plus de 30 milliards d'euros en 2011, la formation professionnelle et ses effets en termes de retour à l'emploi ou de gains de productivité restent très peu connus en France, les principaux résultats d'évaluation provenant des pays voisins. Dans le cadre du premier colloque international de la Chaire "Sécurisation des parcours professionnels", le 12 juin à Sciences Po, ce thème a été largement abordé au travers de la présentation d'une étude réalisée par Marc Ferracci, professeur à l'Université de Nantes et chercheur associé au Crest et au LIEPP.

Un système de formation présentant de nombreuses limites

Le système de formation professionnelle français présente aujourd’hui de nombreuses faiblesses qui limitent grandement son efficacité. Il se caractérise tout d’abord par de fortes inégalités d’accès. Les données de l’enquête emploi de 2010 montrent que la probabilité d’accès à la formation continue est de 34 % pour un salarié diplômé du supérieur contre seulement 10 % pour un salarié sans diplôme. La formation professionnelle tend actuellement à renforcer le dualisme du marché du travail et ne répond que marginalement aux besoins des travailleurs dont l’employabilité est la plus faible. Ces effets sont amplifiés par le système de l’obligation légale faite aux entreprises de verser pour le financement de la formation professionnelle un pourcentage de leur masse salariale, système qui n’incite en rien les employeurs à investir sur les salariés les moins employables. Les mécanismes de financement contribuent également à renforcer l’opacité du système de formation professionnelle dont la gestion paritaire participe au financement direct et indirect des partenaires sociaux. Enfin, le système actuel conduit à un faible degré de responsabilisation des acteurs et notamment des salariés à qui les formations sont largement imposées par l’employeur qui les finance et qui en capte la majeure partie des rendements.

L’impact de la formation professionnelle sur la sortie du chômage

Si les travaux réalisés en France comme à l’étranger se sont attachés à évaluer l’effet de la formation professionnelle des chômeurs sur le retour à l’emploi, ils ne permettent cependant pas d’établir un consensus sur ce point, notamment parce que les effets de la formation professionnelle sont largement hétérogènes, et ceci sur plusieurs dimensions : le moment de l’évaluation, les publics ciblés ou encore le contenu de la formation. Les travaux de Crépon, Ferracci et Fougère (2012) sur des données françaises soulignent le caractère ambigu des effets de la formation professionnelle : si l’effet de la formation sur la sortie du chômage serait plutôt négatif, il apparait en revanche positif sur la durée de l’emploi retrouvé. En France, la formation professionnelle augmenterait ainsi la durée moyenne des épisodes de chômage de 102 jours mais allongerait la durée de l’emploi retrouvé de 330 jours en moyenne.

Evaluer pour mieux réformer

Comme souligné par Marc Ferracci dans son étude, une réforme pertinente de la formation professionnelle passera nécessairement par une évaluation rigoureuse de ses effets sur l’emploi et la compétitivité des entreprises. Dans un contexte budgétaire contraint, il apparait nécessaire de mener une analyse coût-bénéfice des dispositifs de formation professionnelle afin d’allouer au mieux les ressources disponibles. Une analyse des effets par type de formations mais aussi par type de financements permettra d’identifier les dispositifs les plus efficaces qui pourront ensuite être généralisés. Mesurer les externalités de la formation professionnelle sera nécessaire pour définir une réforme intelligente qui tienne compte des effets d’équilibre général. Favoriser l’accès aux données sur la formation professionnelle s’avère essentiel pour permettre la conduite de nouveaux travaux de recherche. Enfin, la définition d’indicateurs objectifs faciliterait également l’évaluation des quelques 55 000 organismes et opérateurs actuellement présents sur le marché de la formation professionnelle.

- Marc Ferracci, "Etude relative à l’évaluation des dispositifs de formation professionnelle des demandeurs d’emploi et des salariés" , Chaire sécurisation des parcours professionnels, 2013.

- Pierre Cahuc, Marc Ferracci, André Zylberberg, "Formation professionnelle : en finir avec les réformes inabouties", Institut Montaigne, 2011.

- Institut Montaigne et ASMEP/ETI, "Remettre la formation professionnelle au service de l’emploi et de la compétitivité", Mars 2013.

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