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20/12/2012

Enquête inédite sur la culture économique des juges en France

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 Institut Montaigne
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La jurisprudence française en matière de droit du travail fait peser sur le licenciement économique un contrôle fort, allié à une importante insécurité juridique, comparé à nos principaux partenaires européens. Dans une étude publiée ce jour intitulée Les Juges et l’économie : une défiance française, l’Institut Montaigne présente une enquête inédite réalisée en France auprès de magistrats professionnels et du grand public. Menée par les économistes Pierre Cahuc (CREST et Ecole Polytechnique) et Stéphane Carcillo (Université Paris 1 et Sciences Po), ce travail analyse les liens entre le rapport à la concurrence des magistrats français et la jurisprudence en matière de marché du travail.

Alors que le quatrième pilier de la négociation en cours entre les partenaires sociaux sur la sécurisation de l’emploi est consacré à la clarification et à la sécurisation des procédures de licenciements collectifs, l’accord devra conférer un rôle plus important à l’accord collectif et redéfinir les modalités de l’intervention des tiers, et notamment du juge, dans ces procédures.

Des magistrats défiants envers la concurrence et les entreprises

Les enquêtes internationales montrent que les Français ont une confiance très limitée dans l’économie de marché. En particulier, ils croient peu aux vertus de la concurrence et se méfient des entreprises du secteur privé.

Afin de sonder plus spécifiquement l'opinion des juges français envers le marché du travail, une étude a été réalisée en septembre 2011 auprès d'une population représentative de 305 magistrats exerçant en France et de 940 personnes vivant en France, comprenant des salariés du secteur privé, de la fonction publique et des indépendants. Les magistrats ont été interrogés sur leur formation en économie, en sciences sociales, en comptabilité, sur leur intérêt pour l'économie ainsi que sur leur opinion sur la concurrence, l'intervention de l'État et la propriété privée. Les questions posées sont proches de celle des deux grandes études d’opinion internationales que sont la World Values Survey et l’European Values Survey, ce qui permet de comparer les résultats avec ceux constatés dans d’autres pays.

Selon cette enquête jamais menée auparavant en France, les magistrats du siège se prononcent deux fois plus que le reste des Français contre une plus grande liberté laissée aux entreprises plutôt qu'à un contrôle accru de l'Etat. Or les pays où la confiance dans l'économie de marché est moindre ont aussi une réglementation du travail plus rigoureuse, marquée par une plus forte intervention de l'Etat et qui laisse moins de champ à la négociation entre employeurs et employés.

Plus surprenant encore, cette étude inédite révèle que les magistrats sont nettement plus défiants vis-à-vis de l'économie de marché et des entreprises que les employés du secteur public.

Une défiance liée à la formation et à l’information des magistrats

Au-delà des facteurs culturels et historiques qui expliquent en partie la défiance générale des Français envers la concurrence, les données de l’enquête montrent également que la formation des magistrats joue un rôle déterminant dans leur approche de l’économie de marché. Par exemple, les magistrats qui ont réalisé un stage en entreprise sont 2,6 fois plus prompts à laisser davantage de libertés aux entreprises, plutôt qu'à favoriser un contrôle de l'Etat. Il en va de même et dans une proportion identique pour ceux qui ont suivi une formation initiale en économie.

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A propos des auteurs

Stéphane Carcillo est maître de conférences à l'Université Paris 1, professeur affilié au département d'économie de Sciences Po (Paris), et research fellow à l'Institute for the study of labor (IZA, Bonn). Il est directeur exécutif de la chaire "Sécurisation des parcours professionnels" (CREST-ENSAE, Sciences Po, AFPA, DARES, Groupe Alpha). Ses recherches concernent le fonctionnement du marché du travail et les politiques de l'emploi. Il a co-écrit récemment, La machine à trier: comment la France divise sa jeunesse, avec Pierre Cahuc, Olivier Galland et André Zylberberg (Eyrolles, 2011).

Pierre Cahuc est professeur d'Economie à l'Ecole Polytechnique, directeur du laboratoire de macroéconomie du CREST, directeur du programme de recherche "Labor market institutions" à l'Institute for the study of labor (IZA, Bonn) et chercheur au CEPR (Londres). Il co-dirige la chaire "Sécurisation des parcours professionnels" (CREST-ENSAE, Sciences Po, AFPA, DARES, Groupe Alpha). Il est aussi membre du Conseil d'Analyse Economique. L'essentiel de ses recherches concerne le marché du travail et la macroéconomie. Il a écrit de nombreux articles de recherche et ouvrages, dont, récemment, La machine à trier: comment la France divise sa jeunesse avec Stéphane Carcillo, Olivier Galland et André Zylberberg, (Eyrolles, 2011) et La fabrique de la défiance avec Yann Algan et André Zylberberg (Albin Michel, 2012).

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