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19/01/2016

En France, les "pactes" sont des simulacres

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Tribune de Laurent Bigorgne et Bertrand Martinot parue dans Le Figaro le 18 janvier 2015

Le chômage de masse demeure plus que jamais un trait caractéristique de la France. Les spécificités de la société française rendent vain le recours aux «pactes », argumentent Laurent Bigorgne, directeur de l'Institut Montaigne et Bertrand Martinot, auteur de Pour en finir avec le chômage.

Après le pacte de responsabilité, le pacte de compétitivité, le pacte de sécurité, sans oublier le pacte pour l'école et le pacte national pour la croissance, on évoque aujourd'hui un pacte républicain pour l'emploi. Certes, l'ajout de l'adjectif "républicain" renouvelle un peu l'exercice. Mais il n'est pas rassurant pour autant: au mieux,il fleure bon les discours des grands fondateurs de la IIIe République - dite "République des Jules" -, mais on voit mal le rapport avec notre époque, nettement moins héroïque. Au pire,il nous rappelle les discours des derniers dirigeants de cette même République- les Daladier, les Herriot, les Blum,les Reynaud -, qui masquaient par leur brillante rhétorique républicaine leur aveuglement et leur impuissance face à la menace totalitaire.

Nous vivions auparavant au rythme des "plans". Le premier "plan jeunes" est dû à Raymond Barre en 1979. Le premier ministre de l'époque promettait, déjà !, de relancer l'apprentissage. On connut ensuite le "plan Marshall pour les banlieues", le "plan de cohésion sociale" et le "plan pour l'emploi des seniors".

Puis vint le temps des "pactes". Ce glissement sémantique témoigne d'une incapacité des gouvernements à trancher et à montrer le chemin. Selon eux, il conviendrait d'associer à leur action des tiers, qui seraient les garants et les auxiliaires de l'action publique.

Après tout, pourquoi pas ? Mais il faut rappeler trois des attributs classiques d'un pacte, qui le distingue du plan unilatéral et technocratique d'antan. Le premier attribut d'un pacte efficace tient en la maxime de droit romain Pacta sunt servanda -les pactes doivent être respectés, c'est-à-dire les engagements tenus. Convenons qu'au vu des résultats des dizaines de pactes lancés ces dernières années, ce n'est pas gagné !

Comment expliquer ces échecs ? On en vient au deuxième attribut d'un pacte : il suppose une contrepartie pour le signataire, qui s'engage, porte une part de responsabilité et met tout en œuvre pour atteindre des objectifs fixés en commun. Or, compte tenu de la fragilité des corps intermédiaires en France, c'est rarement le cas dans notre pays. Ainsi, le pacte de compétitivité, à l'origine du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), n'était en définitive qu'un pacte entre l'État… et lui-même.

Examinons le pacte de responsabilité, plus élaboré. Des centaines de branches professionnelles devaient s'engager sur l'emploi en échange d'une réduction des charges sociales. Or, le bilan, deux ans après son annonce, est plutôt mince. Ce n'est pas que les acteurs soient de mauvaise foi, mais ils n'ont aucune possibilité de s'engager concrètement: ce sont les entreprises qui créent ou non des emplois, pas les branches professionnelles.

La troisième différence entre un pacte et un plan, enfin, tient à ce qu'un pacte suppose la confiance mutuelle des signataires. Bien sûr, la confiance ne se proclame pas dans un pacte. Elle lui préexiste, ou non. Cependant, pour créer cette confiance préalable, évitons au moins de conclure des pactes entre des acteurs obéissant à des arrière-pensées, qui aboutissent à des combinaisons politiques artificielles ou des alliances de circonstance. Dans une démocratie en bonne santé, les majorités doivent avoir pour base des projets entérinés par des élections.

Bref, aucune de ces trois conditions n'étant réunie, on peut parier que les derniers pactes en date ne resteront que des paroles, c'est-à-dire, comme l'écrit joliment Saint-Simon à propos du Régent, "du bruit qui frappe l'air". Nous avons besoin d'un gouvernement qui agit, pas qui recherche d'improbables combinaisons "pactitocratiques". Si l'exécutif a de bonnes idées, qu'il n'hésite surtout pas à les proposer, soit directement au peuple - par référendum -, soit à ses représentants au Parlement! En tout état de cause, les citoyens jugeront en 2017. Cela s'appelle le "pacte républicain". C'est le seul pacte politique qui vaille, et c'est celui qui est aujourd'hui menacé.

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