AccueilExpressions par MontaigneEmprunts toxiques et collectivités : quels sont les enjeux ?L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.09/06/2011Emprunts toxiques et collectivités : quels sont les enjeux ? Cohésion socialeImprimerPARTAGERAuteur Jean-Luc Boeuf Professeur à Sciences Po au sein du Master Stratégies territoriales et urbaines L'Assemblée nationale s’est prononcée, le mercredi 8 juin 2011, en séance publique, sur la création d'une commission d'enquête "relative aux emprunts et produits structurés contractés auprès des établissements bancaires par les collectivités territoriales, leurs groupements, les établissements publics locaux, entreprises publiques locales et autres acteurs publics locaux". La réussite de cette commission passe par quelques préalables.Comprendre ce dont il s’agit. Rappelons tout d’abord que les collectivités locales et leurs satellites disposent d’une grande liberté pour emprunter et choisir les modes d’indexation choisis. Elles peuvent emprunter à taux fixe ou à taux variable. A partir des années 1990, les établissements bancaires ont proposé des produits dérivés - les swaps - puis des produits structurés. La crise financière mondiale de 2008 n’a pas épargné les collectivités locales françaises. Après la crainte de ne pas pouvoir "lever" les emprunts votés et nécessaires, et ce pour insuffisance de financement, on a "découvert" que les "prêts structurés" au sein de l’encours de dette des collectivités avaient provoqué de très forts surcoûts. Soumis à l’extrême volatilité des marchés, ces types d’emprunts souscrits facilement quelques années plus tôt, ont généré des coûts d’intérêt très élevés à l’arrivée des échéances ; ces dernières étant fondées sur des indices "exotiques" dont le retournement s’est révélé particulièrement douloureux pour les collectivités concernées. Vouloir mettre en perspective. N’oublions pas que de tels montages ont permis d’afficher à court terme un endettement particulièrement peu coûteux pour les collectivités bouclant leurs investissements à la veille des élections municipales de 2008. Mais, en réalité, ils ont méconnu le prix du temps, faisant accroire que les "flux financiers" étaient équivalents alors qu’ils étaient simplement déterminés à des moments différents. Ne cédons pas à la démagogie. Certains élus pourraient être tentés, pour se disculper, de faire porter la responsabilité de ces montages aux banques et aux responsables administratifs desdites collectivités. Il convient cependant de ne pas oublier que, au-delà de la complexité des formules d’emprunt, ce sont les élus eux-mêmes qui étaient demandeurs de financements immédiats, au regard de la situation de leurs collectivités, en reportant d’autant plus loin dans le temps le paiement réel des échéances. Précisons par ailleurs que ces emprunts dits "toxiques" représentent une très faible part du stock d’ensemble de la dette publique locale et que, d’autre part, les "gains" engrangés dans les années fastes n’ont pas été annihilés par la crise – au sens de moment brutal – de 2008-09. Agir sur le long terme. Cette commission ne devra pas céder pas à la tentation d’isoler ces emprunts de la situation d’ensemble des collectivités locales. La situation macroéconomique des collectivités locales nécessite un coup d’œil panoramique : en 2010, le chiffre des dépenses cumulées des collectivités locales est comparable au seul déficit de l’Etat. Et quand on rappelle que l’Etat contribue pour près de 40% aux budgets des collectivités locales, on comprend que le problème ne peut être traité isolément. De plus, le chemin sera particulièrement étroit entre la répétition, à satiété, de l’autonomie des collectivités locales et de la volonté de s’exonérer, à un moment, de ses propres responsabilités ; d’autant plus que certains élus appartenaient aux majorités ayant voté ces emprunts, rappelons le ! Ce pourrait être l’occasion de s’interroger sur les cumuls des fonctions et des mandats. C’est à ces conditions seulement que cette commission d’enquête parlementaire ne sera pas un dérivatif politique masquant les véritables enjeux des finances locales, à la veille d’élections présidentielles. - Trois propositions pour une meilleure gestion de la dette locale, note de Jean-Luc Boeuf et d'Éric Dussoubs, février 2011- En vidéo : Comment mieux gérer la dette des collectivités locales ?ImprimerPARTAGER