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16/12/2009

Déficits publics et endettement souverain : la zone euro à l’heure grecque

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Déficits publics et endettement souverain : la zone euro à l’heure grecque
 Frédéric Bonnevay
Auteur
Economiste, Associé chez Anthera Partners

Alors même qu’une formidable embellie boursière semble marquer la fin de la période de tourmente ouverte l’année dernière, l’annonce de possibles défaillances souveraines pourrait bien préluder à un deuxième choc financier, beaucoup plus grave et difficile à endiguer que le précédent. Les problèmes de solvabilité que rencontre la Grèce remettent en question la pertinence du Pacte de stabilité et de croissance, pilier central mais très instable de l’édifice monétaire européen : une réforme profonde des politiques budgétaires et des mécanismes d’endettement souverain est aujourd’hui impérative.

La traumatisante expérience de l’automne 2008 semble finalement avoir trouvé une assez prompte et plutôt heureuse résolution. Une production industrielle toujours hésitante (notamment en France et en Allemagne), un marché de l’emploi encore incertain et des déficits publics d’une ampleur exceptionnelle ne doivent pas masquer l’étendue des progrès réalisés au cours des douze derniers mois. Le spectaculaire redressement des marchés financiers – le S&P500 s’inscrivant en hausse de plus de 60% depuis le début du mois de mars –, la détente observée sur les taux interbancaires et le progressif affermissement des conditions de crédit témoignent de l’efficacité des initiatives publiques.

Les interventions des gouvernements furent en effet déterminantes : à la politique monétaire particulièrement accommodante des banques centrales ont répondu des politiques budgétaires résolument expansionnistes. Ces interventions laisseront toutefois des séquelles profondes, le puissant impact conjoncturel des programmes de sortie de crise venant fragiliser un équilibre structurel déjà précaire. L’endettement souverain considérablement accru de la plupart des pays du G20 risque de limiter dangereusement la marge de manœuvre de certains gouvernements.[1]

Un secteur privé insolvable peut en dernier recours faire appel aux pouvoirs publics. Un État trop lourdement endetté, en revanche, n’a d’autre choix que d’accroître la pression fiscale, de générer de l’inflation ou de partager son fardeau avec un tiers. Les plans de relance nationaux, vastes transferts de traites privées (bancaires ou autres) au passif public, ne constituent pas une solution définitive aux déséquilibres qui ont provoqué la crise de 2008 : ils n’ont fait que contenir la propagation des ondes de surface au prix d’une forte hausse de la pression sous-jacente.

Dans ce contexte, les turbulences traversées par la Grèce soulignent les carences du Pacte de stabilité et de croissance. Les sanctions qu’il prévoit à l’encontre des pays aux déficits excessifs ne sont pas crédibles – du fait de leur nature pro cyclique – et, en pratique, jamais infligées. L’absence de contrainte budgétaire réelle et la garantie solidaire tacite dont pourraient bénéficier les États membres incitent au laxisme budgétaire et décrédibilisent tout effort de coordination. L’architecture défaillante des finances publiques dans la zone euro constitue un frein à l’intégration politique et une entrave à l’intégration économique de ses membres. La crise grecque préfigure, à un degré encore limité, les troubles à venir si aucune réforme structurelle n’est mise en œuvre. L’Institut Montaigne formulera d’ici peu des propositions en ce sens.

  • Qui est Frédéric Bonnevay ?

Frédéric Bonnevay a commencé sa carrière professionnelle à Londres, chez JPMorgan puis Morgan Stanley.

Macro-économiste, il conseille aujourd’hui des institutions privées et publiques en Europe et au Moyen-Orient.

Il est diplômé de l’École polytechnique, de Stanford University et d’HEC.

Notes

[1] La hausse inattendue du risque systémique et l’injection consécutive de liquidités par les banques centrales (quantitative easing) explique largement l’engouement des investisseurs pour le papier souverain – et la possible formation d’une bulle sur cette classe d’actifs. Les gages tangibles d’une reprise – même faible – ont progressivement transformé ce risque systémique en risque idiosyncrasique, les situations individuelles des émetteurs retrouvant soudain, aux yeux des investisseurs, une importance que ces derniers semblaient avoir oubliée au cœur de la tourmente. Il est même possible, dans un avenir proche, qu’un excès d’offre d’obligations souveraines exacerbe cette tendance, un effet d’éviction pénalisant les emprunteurs les moins solides.

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