AccueilExpressions par MontaigneChina Trends #2 – Imposants mais faibles : l’avenir des ports chinoisL'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.04/07/2019China Trends #2 – Imposants mais faibles : l’avenir des ports chinois AsieImprimerPARTAGERAuteur Viviana Zhu Analyste Chine - Anciennement Research Fellow - programme Asie, Institut Montaigne Les ports intérieurs chinois ont connu un essor rapide au cours des dernières décennies. Cet essor se reflète dans leur nombre, leur taille et leur trafic. Néanmoins, la quantité semble avoir primé sur la qualité. Les tentatives d'amélioration de la compétitivité de ces ports ont été constantes mais les attentes fixées par les autorités locales et nationales n'ont pas été satisfaites. Outre le problème – classique en Chine – de la compétition débridée des autorités locales entre elles, il y a des enjeux de gestion qui amènent certains observateurs à recommander davantage de coordination et de spécialisation régionales et de séparer les missions des autorités portuaires publiques de la gestion privée des terminaux.L’essor de ces ports a non seulement rendu possible la montée en puissance de l'économie maritime de la Chine, mais sert également son objectif de construction d’un réseau puissant de transport mondial (交通强国). Selon le World Shipping Council, parmi les dix premiers ports à conteneurs mondiaux, classés selon le volume traité, sept sont chinois (Shanghai, Shenzhen, Ningbo-Zhoushan, Hong Kong, Guangzhou, Qingdao et Tianjin). Le débit global de fret des ports chinois a été multiplié par 1434 entre 1949 et 2018. La phase d’expansion portuaire commence en 2001. Les documents officiels [1] publiés en 2001 et 2002 mettent fin à la participation du ministère des Transports à la planification portuaire et à la décentralisation du pouvoir de gestion des ports, cette planification étant désormais prise en charge par les gouvernements provinciaux et départementaux où les ports sont situés. Cette décentralisation de la planification et l'adhésion de la Chine à l'OMC ont stimulé la construction et la modernisation des ports au début de notre siècle. Prenons pour illustration le débit de conteneurs du port de Shanghai. En 1996, il est encore inférieur à 2 millions d'EVP ; il atteint 21,72 millions d'EVP en 2006, puis 42,01 millions en 2018.Les ports se livrent à une rivalité mesquine, une compétition impitoyable pour capter les ressources et ainsi obtenir cargaisons, approvisionnements et canaux de distribution.Peu à peu, les problèmes inhérents à une construction portuaire de cette envergure sont apparus. Les ports chinois se heurtent à la réalité suivante, consacrée par la formule utilisée par des médias chinois : ils sont "imposants mais faibles" (大而不强). L’obsession des autorités locales chinoises envers la construction portuaire, avec l'idée que chaque littoral doit avoir son propre port (有海岸线的地方就要有建港口), a conduit à une surcapacité et à une concurrence désordonnée. Ces ports se livrent à une rivalité mesquine, une compétition impitoyable pour capter les ressources et ainsi obtenir cargaisons, approvisionnements et canaux de distribution. La concentration de ports similaires au sein d’une même région donne à voir une allocation défectueuse des ressources publiques et révèle les lacunes du développement de la logistique portuaire moderne et des services associés.En raison de ce manque de coordination, les ports chinois n'ont pas eu la possibilité d’exploiter pleinement leur potentiel. De nombreux experts chinois s’accordent sur la nécessité d'une planification intégrée au niveau régional qu’ils voient comme un moyen de sortir du paradigme de l’"imposant mais faible". En vertu de l'intégration régionale, il s’agit de choisir un port principal et de le faire bénéficier d’un plus grand soutien financier et d’une attention plus forte accordée à sa gestion. L’objectif est ainsi de doter chaque région d’un port central dominant. Cette intégration est censée permettre à chaque port de "tirer profit de la force de l'autre" (优势互补) et de "se développer harmonieusement" (错位发展). La création d'une chaîne portuaire conjuguée à une meilleure répartition de l’activité permettra d'inclure les petits ports les moins favorisés au plan d’ensemble. Cela signifie également que certaines ressources, autrefois attribuées aux ports les plus développés en raison de leur position avantageuse, seront réaffectées à des ports plus petits. Cette situation n’est pas sans susciter un certain mécontentement, qui entrave le processus d'intégration.L'idée d'intégration ne date pas d’hier. Le 16 janvier 1996, le Premier ministre Li Peng avait approuvé la création d'un comité d'administration portuaire chargé de rapprocher les ports de Shanghai, Zhejiang et Jiangsu. Cependant, le moyen d’atteindre cet objectif reste encore à trouver. Pour mener à bien ce processus d’intégration, il y a deux voies possibles, le marché et l'État.[2] Chacun a son mode de fonctionnement propre et répond à des objectifs différents. Une supervision par l’Etat implique un processus plus complexe, qui nécessite des changements dans l'administration, mais elle a un impact plus fort sur la promotion de l'économie régionale au service de la stratégie nationale. Le marché est quant à lui plus flexible et guide l'investissement en fonction de l'intérêt de l'entreprise. Mao Yanhua, expert en économie régionale à l'Université Sun Yat-sen de Guangzhou, a déclaré que"les ports sont des ressources stratégiques nationales, le développement de chacun doit être conforme à l'intérêt national". Il n'est donc pas surprenant que la Chine ait surtout utilisé les moyens étatiques pour favoriser l'intégration. Néanmoins, bien que le contrôle d'État soit essentiel, il n’est pas suffisant.Sur le plan administratif, la gestion des ports a épousé le principe "une ville, un port, une politique" (一城一港一政), qui signifie que le gouvernement local en charge de la gestion portuaire a la liberté d’appliquer ses propres statuts et règlements. Chaque autorité locale prend librement sa décision (各自为政) et se sert du port pour appuyer ses propres intérêts. Les différences constatées dans les modèles de gestion, les capacités, les niveaux de développement, tout comme les jeux de concurrence entre les gouvernements locaux, ont retardé le processus d’intégration et entravé la réalisation de la planification régionale.[3] La réforme portuaire a également acté la séparation entre les compétences des gouvernements locaux et des entreprises. Dans la pratique, cette division reste ambiguë. L'exploitation portuaire est souvent gérée par des entreprises publiques locales, c’est-à-dire sous l'influence du gouvernement local et au profit de ce dernier. Les rares cas de réussite, comme celui de l’intégration des ports à conteneurs de Xiamen, s’expliquent par le fait que les différents ports étaient sous l'autorité d’un même gouvernement local, réduisant par là même les conflits d’intérêt.Selon Tang Qiangrong, directeur de l'Institut maritime de Guangzhou, l'intégration doit prendre en considération les intérêts de toutes les parties et rechercher un équilibre entre elles. Il ajoute que la politique intransigeante poussée par le gouvernement et les acquisitions forcées ne sont pas la solution idéale. Dans le cas chinois, si le gouvernement a joué un rôle important dans la promotion de l'intégration portuaire, c'est pourtant le marché qui peut rassembler des groupes d'intérêts divers ; un équilibre entre l'État et le marché est nécessaire.Dans le cas chinois, si le gouvernement a joué un rôle important dans la promotion de l'intégration portuaire, c'est pourtant le marché qui peut rassembler des groupes d'intérêts divers.Les premiers effets bénéfiques de l'intégration se font déjà sentir. On observe une tendance à l’abandon progressif de la concurrence fragmentée (分散竞争) et l’accroissement de la coopération ordonnée (有序协同). Ces dernières années, la relation entre l'offre et la demande a atteint un niveau plus proportionné, et la croissance des investissements dans la construction a connu six années consécutives de ralentissement. Pour améliorer encore le potentiel de développement portuaire, une solution possible, suggérée par le professeur Xu Jianhua et Lu Mengzhou, diplômé de l'Université maritime de Shanghai, serait de s’inspirer du modèle portuaire de base (dit "Landlord Port Model") pour constituer un modèle portuaire fidèle aux caractéristiques chinoises et tracer une démarcation claire entre ce qui relève du gouvernement et ce qui relève des entreprises. Cela signifie qu'une autorité locale autoriserait une entité publique à planifier, développer et construire le port, puis louerait les terminaux aux opérateurs. De cette façon, l'influence de l'État serait cantonnée au niveau de la planification, tandis que les acteurs du marché dirigeraient les opérations.En plus des questions de concurrence et de gestion portuaire, les experts chinois s’intéressent également à la relation entre le port et la zone urbaine qui lui est liée. Les villes portuaires bénéficient d'un avantage géographique naturel, et la coopération entre port et ville doit être mutuellement profitable, avec pour but ultime la fusion entre la ville portuaire et son port (港城融合). Shi Ting, ingénieur en chef du Guangzhou Port Group, résume ce qui caractérise à ses yeux les ports internationaux réussis : le port doit encourager la production, la production doit enrichir la ville, donc le port et la ville doivent prospérer ensemble (以港促产、以产兴城、港以城兴、港城共荣). Ce n'est, en pratique, pas toujours le cas. Une province comme celle de Hebei a ainsi été critiquée pour ne pas être parvenue à assurer conjointement le développement urbain et social, ce qui a conduit aux problèmes "Grand port, petite ville" (港大城小), et en cas extrême, de "grand Port sans ville" (港大无城).En conclusion, les ports chinois doivent maintenant passer d'un développement à grande échelle à un développement de haute qualité. La clé ? L’intégration. Le principal défi réside dans le fait de lier efficacement les différents intérêts (利益捆绑). Cela vaut pour la relation entre autorités portuaires et entreprises, mais aussi pour la relation entre ports et villes portuaires. Le gouvernement, par ses incitations et son implication, restera présent, mais il s’agira d’en reconsidérer au moins le niveau et la méthode. Une intégration réussie n'est que la première étape de ce processus qui doit mener à "devenir plus fort". Découvrez la version intégrale [1] 2001年下发的《关于深化中央直属和双重领导港口管理体制改革的意见》和2002年下发的《关于贯彻实施港口管理体制深化改革工作间见和建议的函》[2] Tong MengDa, "China's Ports integration Shifts to Economic Integration(中国港口整合向以经济手段整合转变)", China Ports, No. 1, 2019[3] "Understanding 30 Years of Chinese Port Development Through Container Transportation (从集装箱运输 看中国港口30年)", Zhongguo Gangkou Jizhuangxiang (China Port Container), 18 November 2016ImprimerPARTAGERcontenus associés 01/07/2019 China Trends #2 - Investissements portuaires, entre commerce et intérêts de... 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