AccueilExpressions par MontaigneCes inconnus du G20 : les nouveaux pays émergentsL'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.30/11/2010Ces inconnus du G20 : les nouveaux pays émergents Coopérations internationalesImprimerPARTAGERAuteur Christophe Jaffrelot Expert Associé - Démocratie et Populisme, Inde Les pays émergents ont acquis une place de plus en plus importante dans l’économie mondiale, comme sur la scène politique internationale. Ce développement n’est naturellement pas sans conséquence pour le rôle que la France peut jouer dans le monde, notamment en tant que présidente du G20 et du G8, mais aussi pour le rayonnement de son économie. Bien compris, ce phénomène pourrait constituer une formidable opportunité pour notre pays et pour l’Europe. Cependant, les pays émergents, et notamment ceux qui ne font pas parti des BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), sont mal connus en France. L’Institut Montaigne vient de mettre en place un groupe de veille "Pays émergents" sous la présidence de Christophe Jaffrelot, spécialiste reconnu de l'Inde et du Pakistan. Voici son analyse des "inconnus du G20".Dynamisme économique Le phénomène "pays émergents" ne peut se résumer aux seuls BRIC. Le poids croissant des autres pays émergents au sein du G20 en témoigne. Et leur dynamisme économique ne se dément pas, à quelques exceptions près. L’Afrique du Sud, l’Arabie Saoudite, l’Argentine, l’Australie, la Corée du Sud, l’Indonésie, le Mexique et la Turquie ont enregistré, en moyenne, des taux de croissance annuel de 3,7 % sur les années 2000-2009, soit moitié moins que les BRIC (6,5%), mais le triple du G7[1], 1,15%. Or l’effet de moyenne n’est pas que trompeur : aucun pays du G7 n’a, sur la décennie qui s’achève un taux de croissance annuel moyen supérieur à 2,3 % (le Canada) – le taux le plus faible étant de 0,5 % (l’Italie), tandis qu’aucun pays du groupe des BRIC n’a un taux de croissance inférieur à 3,3 % (le Brésil) – le taux le plus élevé étant celui de la Chine, 10,3 % – et aucun autre pays émergent du G20 n’a un taux inférieur à 1,9 % (le Mexique), l’Indonésie ayant un taux de 5,1 %.Effort de défense Au moment où l’Occident baisse sa garde en tranchant dans ses dépenses de défense, les émergents – "anciens" comme "nouveaux" - accentuent leur effort. Sur la période 2000-2008, les dépenses militaires ont représenté en moyenne 2 % du PIB des pays du G7, quand elles s’élèvent à 2,55 % du PIB des autres pays du G20.Reconnaissance internationale Cette montée en puissance se reflète dans la reconnaissance croissante dont jouissent les émergents dans les institutions multilatérales comme le FMI où la quote-part des différents pays - liées à leurs droits de vote - reflète l’évolution des rapports de force économique. La réforme de l’organisation proposée par son Conseil exécutif le 5 novembre 2010 fera passer les BRIC parmi les dix premiers (la Chine monta sur le podium) et portera en outre le nombre des autres émergents à cinq, tous au G20.Activisme diplomatique Les nouveaux pays émergents sont longtemps restés dans l’ombre des BRIC, notamment à l’OMC où l’Inde, le Brésil et la Chine continuent à être leaders. Mais les choses changent, certains "nouveaux émergents" s’associant à de plus anciens pour peser sur le cours de la diplomatie internationale. Le symbole de cette évolution a été en 2010 l’initiative turco-brésilienne dans le dossier iranien. Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, son homologue brésilien Lula et le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan ont en effet signé, le 17 mai 2010, un accord aux termes duquel l'Iran s'engage à mettre en dépôt, en Turquie, 1 200 kilogrammes d'uranium faiblement enrichi en échange de la livraison de 120 kilogrammes de combustible enrichi à 20 p. 100 pour son réacteur de recherche.Le nouveau Conseil de sécurité Cette forme de coopération entre des BRIC et des poids plus légers est susceptible de se manifester dans un avenir proche dans une enceinte stratégique, le Conseil de sécurité des Nations unies, où viennent d’être élus des membres non permanents que nous déjà avons cités, l’Inde, l’Afrique du Sud, la Turquie rejoignant des permanents – la Russie et la Chine – et des non permanents déjà en place comme le Brésil. Les nouveaux venus ont remporté un scrutin très disputé dont le Canada a fait les frais.La Chine et les pays proliférateurs L’appui que des BRIC trouvent auprès de nouveaux émergents rend le monde multipolaire d’autant plus compliqué à gérer, lorsque des pays qui "émergent" grâce à des méthodes illégales reçoivent la protection de certains BRIC, à commencer par la Chine. L’Iran, la Corée du Nord et le Pakistan – qu’un responsable de Beijing a récemment décrit comme "l’Israël de la Chine" par analogie à la relation spéciale entre Tel Aviv et Washington –, trois pays ayant favorisé la prolifération nucléaire bénéficient ainsi de la protection chinoise.A côté des BRIC, de nouveaux pays émergents font leur apparition sur la scène mondiale, leur poids économique justifiant leur entrée au G20. Au-delà encore, d’autres pays s’invitent sur la scène internationale grâce à une forte ambition nucléaire et à la protection de la Chine. Nul doute que la gouvernance mondiale se trouvera durablement compliquée par ces réalités nouvelles si Beijing ne modifie pas son attitude.Notes[1] G7 : Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni.ImprimerPARTAGER