AccueilExpressions par MontaigneBrexit : le réglement du divorceL'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.01/07/2016Brexit : le réglement du divorce Union EuropéenneImprimerPARTAGERAuteur Institut Montaigne Trois questions à Emmanuel Moulin, ancien directeur général délégué de groupe Eurotunnel, contributeur de la note Bremain ou Brexit : Europe, prépare ton avenirQuelle analyse faites-vous du Conseil européen qui s’est tenu mercredi 28 et jeudi 29 juin ? Pensez-vous qu’une fois sorti de l’Union européenne, le Royaume-Uni pourra conserver l’accès au marché intérieur européen ? Le 28 juin, les chefs d’État et de gouvernement européens se sont réunis sous la forme d’un Conseil européen à 28 et de manière informelle le lendemain en l’absence du premier ministre britannique. Dans la déclaration qu’ils ont ensuite publiée, les vingt-sept ont réaffirmé que "l'accès au marché unique passe obligatoirement par l'acceptation de chacune des quatre libertés", c’est à dire la libre circulation des biens, des services, des personnes et des capitaux. Une telle formulation procède sans doute plus d’un raccourci politique que d’une véritable définition juridique. Le respect des quatre libertés est une condition nécessaire mais pas suffisante. Pour avoir accès au marché intérieur européen, les États tiers doivent, en particulier dans le secteur financier, disposer d'une législation considérée comme équivalente à celle édictée par les institutions européennes. Cela signifie qu’en cas de modification du droit européen en vigueur ils doivent obligatoirement adapter leur propre législation à la norme européenne afin de conserver l’accès au marché. N’étant pas membres de l’Union européenne, ces États ne peuvent cependant pas faire valoir leur point de vue ou leurs intérêts dans l’édiction de la norme européenne. De plus, concernant le secteur financier : les pays extérieurs à l’Union européenne bénéficiant du passeport européen doivent également reconnaître l’application directe de certaines des décisions des agences de supervision telles que l’European Banking Authority ou l’European Securities and Markets Authority. En outre, des pays comme la Norvège et la Suisse contribuent également au budget européen. Ainsi, il me paraît inimaginable que le Royaume-Uni puisse bénéficier du "passeport européen" pour ses services financiers sans une équivalence entre sa législation et celle de l’Union. Il n'est pas question d'accepter un "dumping" réglementaire ! Compte tenu des arguments mis en avant par les partisans du Brexit durant la campagne, il sera difficile pour le prochain Premier ministre britannique, qui aura en charge la négociation d’un nouvel accord avec l’Union européenne, d’expliquer à son opinion publique qu'il sort de l'Union européenne mais que la réglementation européenne continuera à s’appliquer sur son territoire et que le Royaume-Uni continuera à verser une contribution budgétaire à l’Union. Le Royaume-Uni semble vouloir attendre l’arrivée au pouvoir d’un nouveau Premier ministre pour notifier officiellement à ses partenaires européens sa décision de quitter l’Union. Pensez-vous qu’une telle notification soit trop tardive ? L’article 50 du traité sur l’Union européenne laisse toute latitude à un État membre désireux de quitter l’Union pour le notifier à ses partenaires. Il n’existe aucun moyen de forcer le Royaume-Uni à le faire. En l’espèce, il semble que l’administration britannique ne se soit pas complètement préparée à la possibilité d’un Brexit. Dans ces conditions, on comprend que le gouvernement souhaite gagner du temps afin de préparer au mieux ces négociations. De plus, l’article 50 prévoit qu’après un délai de deux ans, l’État qui a notifié sa volonté de quitter l’Union cesse de jure d’être membre de l’Union européenne. Un tel délai semble très court pour négocier à la fois les conditions du divorce et celles d’un nouvel accord commercial. David Cameron a annoncé que le Royaume-Uni ne notifierait pas son départ avant l’automne, cette date parait convenir aux vingt-sept et il est probable qu’eux aussi souhaitent prendre le temps de préparer au mieux ces tractations. Néanmoins, il me semblerait inacceptable que le Royaume-Uni repousse une nouvelle fois ces négociations. L’Union européenne et ses États membres ne devraient en aucun cas se laisser dicter les modalités techniques de la procédure de sortie engagée par le vote britannique. Une fois que l'article 50 est enclenché, il n'y a plus de retour en arrière. Au bout de deux ans, même en l'absence d'accord, et sauf extension du délai à l'unanimité, le Royaume-Uni sortira de l'UE.Après la démission du Commissaire européen britannique, pensez-vous que les députés européens britanniques ainsi que les fonctionnaires devraient en faire de même ? Le Royaume-Uni restera membre de l’Union européenne jusqu’à la fin du délai de deux ans prévu par l’article 50 du traité sur l’Union européenne, ce délai pourrait même être prorogé si le Conseil européen le décidait à l’unanimité. Concernant le possible remplacement du commissaire britannique, l’article 246 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoit que :"Le membre démissionnaire ou décédé est remplacé pour la durée du mandat restant à courir par un nouveau membre de la même nationalité nommé par le Conseil d'un commun accord avec le président de la Commission, après consultation du Parlement européen et conformément aux critères visés à l'article 17, paragraphe 3, deuxième alinéa, du traité sur l'Union européenne.Le Conseil, statuant à l'unanimité, sur proposition du président de la Commission, peut décider qu'il n'y a pas lieu à remplacement, notamment lorsque la durée du mandat du membre de la Commission restant à courir est courte."Le président de la Commission a proposé que le successeur de Jonathan Hill soit désigné rapidement, la Commission devant compter un Commissaire par État membre. Mais le Conseil européen pourrait s’opposer au remplacement de Jonathan Hill. Et même s'il est remplacé, on peut s'interroger sur le portefeuille qui sera confié à son successeur. Concernant l’avenir des fonctionnaires britanniques des institutions européennes, avoir la nationalité d’un des États membres de l’Union européenne est une des conditions nécessaires pour pouvoir présenter les concours de la fonction publique européenne. Il serait ainsi logique que les fonctionnaires britanniques quittent leur poste le jour où le Royaume-Uni ne sera plus membre de l’Union européenne. Une période de transition pourrait cependant être envisagée. Ceux disposant d’une double nationalité avec un autre État membre de l’Union devraient pouvoir conserver le statut de fonctionnaire européen. Dans ces conditions, on peut imaginer que de nombreux fonctionnaires britanniques décident d’acquérir une nouvelle nationalité européenne. Concernant les députés européens, ils devront évidemment quitter leur siège après le délai de deux ans. En revanche, ils resteront membres de droit du Parlement européen durant toute la durée des négociations. ImprimerPARTAGER