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24/06/2016

Brexit : construire l'Europe d'après

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Brexit : construire l'Europe d'après
 Institut Montaigne
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Le choix fait par les Britanniques de quitter l'Union européenne ouvre une période décisive pour l'avenir du projet européen. Comment l'expliquer ? Comment préparer l'Europe d'après ? Les réponses de Laurent Bigorgne, directeur de l'Institut Montaigne.

Les Britanniques ont décidé de quitter l’Union européenne, qui sont les responsables de cet échec ?

D’abord et avant tout, le premier ministre britannique, dont la responsabilité est majeure. Il a pris la double responsabilité d’affaiblir l’Europe et de diviser son pays, voire de le fracturer. Mais nous devons aussi admettre les erreurs que l’Union européenne (UE) et ses États membres ont chacun commises. De nombreux pays européens ne respectent pas les engagements qu’ils ont pris vis-à-vis de Bruxelles, à commencer par la France. De même, d’autres devraient œuvrer pour davantage de solidarité entre les États membres. Mon regard se tourne cette fois-ci vers l’Allemagne. Si je les cite, c’est que ces deux pays ont un rôle à jouer dans la poursuite du projet européen. Leur volonté est aujourd’hui une condition nécessaire – mais pas suffisante – de la relance du projet européen.

Les institutions européennes sont aussi responsables. Elles n’ont pas été capables de démontrer l’efficacité des politiques qu’elles décident. Trop souvent, elles apparaissent déconnectées des réalités et ignorantes des préoccupations profondes des peuples européens.

Bien évidemment, les mouvements populistes jouent un rôle fondamental dans la mauvaise image dont souffre actuellement l’UE. Les dirigeants politiques doivent donc à la fois construire un contre discours crédible pour répondre à la caricature qui est faite de l’Union européenne, mais aussi réformer en profondeur le système. La tâche sera évidemment ardue, mais l’Europe a su dans le passé se construire dans la difficulté.

Comment se dérouleront les négociations qui débutent cette semaine entre le Royaume-Uni et l’Union européenne ? Quel serait le meilleur traité commercial à accorder au Royaume-Uni du point de vue des intérêts européens ?

De trop nombreuses incertitudes planent sur ces négociations, à commencer du côté britannique. Il semble à présent que le Royaume-Uni souhaite dans le meilleur des cas attendre septembre pour notifier à ses partenaires européens sa décision de quitter l’Union, selon la procédure prévue à l’article 50 du traité sur l’Union européenne. Pour l’avenir de l’Europe, il est impératif que cette date soit une date butoir, que le nouveau premier ministre britannique ait ou non été désigné à cette échéance. L’Europe a besoin de clarté et nier le vote britannique serait une erreur politique majeure. On ne peut pas relancer l’Europe "dans le dos" des peuples.

Mettons ce temps à profit pour s’assurer que les 27 sont d’ailleurs sur la même ligne. A nos yeux, il est nécessaire de marquer clairement que le statut que l’UE accordera au Royaume-Uni ne sera en aucun cas plus avantageux que celui de pays comme la Suisse et la Norvège. Si cela était le cas, cela augmenterait considérablement la probabilité que d’autres forces politiques soient tentées par une telle aventure. L’exemple de l’impréparation des partisans du Brexit, et même une certaine forme de panique face aux conséquences du processus qu’ils ont initié, devrait faire réfléchir les démagogues de tout poil.

De plus, est-ce réaliste d’imaginer conclure un traité de libre-échange avec le Royaume-Uni en moins de deux ans alors même que l’Union européenne fait l’expérience chaque jour de l’extrême complexité de ce type de négociations ? Avant même de conclure un traité de libre-échange, l’Union européenne et le Royaume-Uni devront mener à bien un divorce qui s’annonce lui aussi très complexe. On ne peut pas replâtrer!

L’Union européenne peut-elle se réinventer et regagner l’adhésion des populations ?

On ne veut plus entendre la litanie qui consiste à cacher sous le tapis bruxellois les insuffisances criantes de la France en matière de réformes économiques et budgétaires. Il faut expliquer avec force et conviction pourquoi ensemble nous sommes plus forts dans la mondialisation, pourquoi l’UE nous permet d’affronter nos compétiteurs et même ceux qui sont nos ennemis. L’Europe doit redevenir utile dans ses objectifs et pragmatique dans ses méthodes.

Elle n’est évidemment pas exempte de critiques. Celles-ci doivent être regardées avec la plus grande lucidité afin d’en tirer des enseignements utiles pour le futur. L’Europe doit notamment s’intéresser aux enjeux qui touchent au plus près la vie des gens et corriger rapidement son penchant naturel pour la bureaucratie.

Elle doit répondre en priorité à trois besoins essentiels qu’expriment les Européens. Le besoin de sécurité, à l’intérieur de l’Union comme à nos frontières. Le besoin de croissance économique. Nos entreprises doivent redevenir compétitives, doivent regagner des parts de marché à l’international. Sans cela nous ne parviendrons pas à résorber le problème du chômage. Enfin, nous avons besoin de transmettre à nos enfants les connaissances et les compétences qui feront d’eux des citoyens éclairés et des acteurs économiques pleinement intégrés dans le marché du travail. Nos systèmes scolaires et universitaires sont en train d’être rattrapés et même dépassés par ceux de nos concurrents directs. Il est temps que l’Europe s’en soucie.

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