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01/03/2017

[Anti-brouillard] Le revenu universel : cinq questions pour y voir plus clair

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[Anti-brouillard] Le revenu universel : cinq questions pour y voir plus clair
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L'une des mesures phares du programme de Benoît Hamon, candidat à l'élection présidentielle 2017, est de refonder en profondeur le système de protection sociale français. Dans cette perspective, Benoît Hamon propose la création d'un revenu universel d'existence de 750 ? par mois versé à tous les Français majeurs, sans condition de ressources.

Cinq questions pour y voir plus clair.

Pourquoi le revenu universel ?

Pour ses défenseurs, le revenu universel répond à un enjeu fondamental : il permet d’assurer à chacun un revenu minimum suffisant pour vivre décemment et envisager de consacrer tout ou partie de son temps à d’autres activités que le travail salarié. Il s’agit d’un revenu versé à tous les citoyens, en complément ou en remplacement de leurs revenus du travail, sans condition de ressources ni limite dans le temps. Benoît Hamon, y voit une nouvelle forme de protection sociale, qui répond au besoin de repenser la place du travail dans une société marquée par la révolution numérique en cours qui bouleverse les équilibres économiques et menace un grand nombre d’emplois.

Ces enjeux sociétaux sont appréhendés différemment par les candidats à l’élection présidentielle : alors qu’à droite François Fillon propose de fusionner toutes les aides sociales en une prestation unique, tout en plafonnant les allocations à 75 % du SMIC ; Benoît Hamon prône le versement d’un revenu universel et inconditionnel. Une idée à laquelle s'opposait Jean-Luc Mélenchon et que Manuel Valls jugeait trop coûteuse, il défendait l’idée d’un “revenu décent”, octroyé sous condition de ressources et plafonné à 800-850 €, durant les primaires de la gauche.

Selon quelles modalités serait-il mis en place?

Si Benoît Hamon était élu, la création du revenu universel d’existence devra être inscrite dans une loi et fera ensuite l’objet de décrets, afin d’en préciser les modalités.

Le candidat a prévu une mise en place progressive en trois étapes :

  • Dès 2018, le RSA socle, réservé aux plus de 25 ans et dont le montant varie selon la composition du foyer, passerait de 514 euros à 600 euros (+10%) pour tous les ayant-droit, soit 7 200 euros  par an. Il serait étendu aux 18-25 ans quel que soit leur niveau de ressources.
  • Dans un second temps, une conférence citoyenne permettrait de fixer les contours de la mesure. Un revenu universel d’existence de 600 euros par mois serait généralisé à l’ensemble de la population majeure, avec une condition éventuelle de ressources.
  • À terme, le revenu universel serait fixé à 750 euros par mois, soit 9 000 euros par an, pour tous, sans condition de ressources.

Néanmoins, plusieurs facteurs pourraient venir complexifier son déploiement. En effet, le RSA est actuellement financé par les départements. Or, les discussions sur une possible recentralisation du RSA ont échoué en juin 2016, et la négociation nécessaire entre l’État et l’Association des départements de France s’annonce particulièrement difficile.

De plus, la mise en place de cette mesure aura nécessairement des impacts sur le montant et l’allocation d’autres prestations sociales, comme les prestations familiales ou l’allocation adulte handicapé (AAH). Ainsi, certaines personnes pourraient être plus particulièrement concernées par la suppression de ces allocations : les familles avec enfants, les adultes en situation de handicap, mais aussi les personnes bénéficiant actuellement de niches fiscales.

Comment financer le dispositif  ?

À terme, l’instauration d’un revenu universel implique une réforme profonde du système de protection sociale. Benoît Hamon envisage plusieurs pistes de financement pour cela. Le revenu universel pourrait être financé par une fusion ciblée avec les minima sociaux ; une réforme de la fiscalité en faveur d’une individualisation de l’impôt sur le revenu, une lutte accrue contre les niches fiscales “injustes et inefficaces” ou encore une lutte renforcée contre l’optimisation et l’évasion fiscale.

Cependant, les modalités encadrant précisément la mise en place de cette mesure - ses interactions avec d’autres prestations sociales, le type de ressources prises en compte, le montant global de l’évasion fiscale, son impact sur le comportement - ne sont pas définies dans le projet de Benoît Hamon, ce qui complique considérablement son évaluation et son chiffrage et ne permettent actuellement pas de projeter une implémentation effective et concrète de la mesure.

En retenant l’hypothèse d’un revenu mensuel de 750 euros versé à l’ensemble de la population de 18 ans ou plus, conformément au principe d’universalité le plus strict, l’instauration du revenu universel aurait un coût annuel net compris entre 305 Md€ et 424 Md€, à terme, et son coût médian serait de 349 Md€.

Soulignons que lorsque Benoît Hamon chiffre sa proposition à 300 Md€, il se rapproche du scénario minimaliste.

Le coût brut de la proposition de Benoît Hamon étape par étape :

Étape 1

Revalorisation du RSA, son automatisation et le versement d’un revenu universel aux jeunes

Entre 32,1 Md€  et 44,7 Md€

(si les aides familiales transitant par la famille sont maintenues)

Étape 2

Un revenu universel de 600 € par mois

260 Md€ avec un plafond de ressources de 2000 € par mois

(soit dans une situation où 70 % de la population percevait le revenu universel)

Étape 3

Un revenu universel de 750€ par mois

Entre 464 Md€ (21 % du PIB en 2015) et 325 Md€ si une condition de ressources est prise en compte

Quels seront les impacts de cette proposition ?

La proposition de l’instauration d’un revenu universel d'existence s’ancre dans un contexte de raréfaction du travail et d’une crise de notre modèle social qui interpelle de plus en plus d’acteurs.

D’un point de vue macro-économique, il semble que la proposition de Benoît Hamon puisse avoir un effet positif sur la croissance à court terme. Néanmoins sa mise en place aurait également de multiples travers concernant l’équilibre du marché du travail et l’inflation.

Enfin, il faudra prévoir une réponse hétérogène sur le territoire, en raison de la disparité des niveaux de vie ainsi que d’importants effets redistributifs entre les ménages, qui dépendent de la façon dont cette mesure s’articule avec la politique familiale, le système des retraites et l’assurance chômage.

 

À court terme

À long terme

Effets positifs de la mesure

Si hausse du pouvoir d’achat, choc positif de demande favorable à la croissance et diminution de la pauvreté (absolue)

Augmentation de l’investissement favorable à la croissance potentielle (dans les secteurs où les salaires diminueraient)

Effets négatifs de la mesure

Diminution du taux d’activité

Modification de la structure productive en faveur des secteurs peu qualifiés, moins innovants

Le revenu universel en France et à l’international, une première ?

Le revenu universel d’existence n’a jamais été appliqué en France.

De nombreuses propositions de “revenu universel” ou “revenu de base” ont toutefois été formulées récemment dans le débat public. En ce sens, suite à une mission sénatoriale constituée en mai 2016 afin d’examiner cette question, une expérimentation de trois ans devrait être lancée en 2018 dans le département de la Gironde afin d’évaluer l’impact d’une telle mesure.

Par ailleurs, le revenu universel d’existence a fait l’objet d’expérimentations à l’étranger (au Canada dans les années 1970, aux Pays-Bas depuis janvier 2016 et en Finlande à partir de 2017), mais n’a jamais été généralisé à l’échelle d’un pays.

 

Par Blanche Leridon et Lara Oliveau pour l'Institut Montaigne

 

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