AccueilExpressions par Montaigne2012 : après l'autonomie, parlera-t-on du financement des universités ?L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.14/06/20112012 : après l'autonomie, parlera-t-on du financement des universités ? ÉducationImprimerPARTAGERAuteur Maylis Brandou Directrice adjointe Tribune publiée dans le cadre de notre partenariat avec L'Etudiant/Educpros.fr En s’appuyant sur les arguments de la politique autorisant le triplement des frais de scolarité des universités britanniques, l’Institut Montaigne plaide pour rouvrir le débat sur la hausse des droits universitaires en France. "La gratuité des études supérieures est un facteur d’injustice et accentue les écarts entre ceux qui ont accès à l’enseignement supérieur et ceux qui n’ont pas cette possibilité", affirme sa nouvelle tribune. Nous la publions en exclusivité, pour le huitième volet de notre partenariat.L’enseignement supérieur a été l’un des tout premiers chantiers auxquels s’est attelé le nouveau gouvernement britannique réunissant conservateurs et libéraux dans le cadre du plan d’austérité décrété par David Cameron au lendemain de son élection en juin 2010. Par ailleurs, avant même ces décisions, une review de la réforme conduite par le gouvernement travailliste de Tony Blair sur les fees en 2004 (Higher Education Act) était déjà en cours. En décembre dernier, le Parlement britannique a donc voté une réforme des droits de scolarité autorisant les universités à doubler, voire tripler le plafond des droits exigibles à partir de la rentrée 2012, passant de 3.200 £ (3.900 €) à 9.000 £ (10.600 €) pour le premier cycle (undergraduate degree). Cette augmentation des frais de scolarité doit compenser les coupes réalisées dans le budget des établissements de l’enseignement supérieur britannique. Le gouvernement financera, via des prêts, les frais de scolarité des étudiants jusqu’à ce qu’ils soient en mesure de rembourser cet emprunt après leurs études et à condition qu’ils aient un revenu minimum de 21.000 £ (24.050 €) par an.Les présidents d’universités britanniques se rallient à cette politique En novembre dernier, Steve Smith, le président de l’UUK (l’équivalent au Royaume-Uni de notre Conférence des présidents d’université), a soutenu le principe d’une hausse des droits d’inscription au Royaume-Uni : "La situation économique actuelle nous contraint à un choix cornélien : augmenter les droits de scolarité ou limiter le plafond du nombre d’étudiants. Or, réduire le nombre d’étudiants serait bien plus dommageable socialement que l’augmentation des frais d’inscription, surtout si cette augmentation est accompagnée d’un dispositif de remboursement progressif des prêts étudiants et d’un plus grand soutien des étudiants à faibles revenus (…). L’UUK s’est toujours opposée aux coupes disproportionnées du budget de l’enseignement supérieur. Le soutien que nous apportons est uniquement conditionné à son engagement à long terme en faveur de l’investissement public pour l’enseignement supérieur." On le voit, le débat sur le financement de l’enseignement supérieur outre-Manche n’utilise pas les mêmes arguments que ceux qui ont cours en France lorsqu’un responsable universitaire ou politique soulève cette question. Le mouvement opéré au Royaume-Uni repose ainsi sur la volonté de réduire le déficit des dépenses publiques sans sacrifier les universités, leur excellence et leur financement ni le nombre d’élèves y accédant. Autrement dit, cette réforme difficile et audacieuse repose sur la conviction que démocratisation et excellence, loin d’être opposées, sont deux perspectives indissociables. 9.000 £ de droits de scolarité pour une majorité d’universités Deux tiers au moins des universités ont déjà annoncé qu’elles souhaitaient fixer à 9.000 £ leurs droits de scolarité. Même si in fine c’est l’Office for Fair Access (OFFA) qui, au regard de critères précis, arbitrera, le gouvernement ne s’attendait pas à une demande aussi forte. Il prévoyait plutôt que les universités les plus prestigieuses élèveraient leurs droits à 9.000 £ et que les autres universités fixeraient le montant en fonction du rang qu’elles occupent dans le palmarès national. Les universités britanniques souhaitent poursuivre une ambitieuse politique de développement qui requiert des moyens financiers importants. Pour l’heure, cette réforme reste très polémique et de nombreuses interrogations subsistent. Le très attendu Livre blanc sur l’enseignement supérieur, qui devait paraître en début d’année mais dont la parution a été reportée, devrait définir le mode opératoire du nouveau système universitaire britannique. Des voix s’élèvent déjà pour faire évoluer la gouvernance des universités. Dans son rapport intitulé "University governance : questions for a new era", paru le 31 mars dernier, le Higher Education Policy Institute propose que les anciens étudiants aient plus de poids dans la gouvernance des universités. Malcolm Gillies, professeur et vice-chancelier de la London Metropolitan University, avance ainsi qu’"à mesure que l’État s’éloigne de son rôle d’agent finançant l’enseignement supérieur, cela crée un espace pour une nouvelle autorité de gouvernance. Les anciens étudiants représentent l’ensemble le plus à même de remplir cet espace." Les trois arguments plaidant pour l’augmentation des frais universitaires Si la réforme entreprise outre-Manche est impensable en France, la question des frais de scolarité dans les établissements français d’enseignement supérieur mérite d’être posée pour au moins trois motifs : • le rendement des formations dispensées par l’enseignement supérieur est en grande partie privé puisqu’il bénéficie aux étudiants eux-mêmes ; • à travers les dotations allouées par l’État, l’enseignement supérieur est majoritairement financé par les impôts de tous. Or, en dépit de l’augmentation continue du nombre des étudiants et de la durée de leurs études depuis plusieurs décennies, ce sont majoritairement des personnes issues des classes moyennes et surtout supérieures qui suivent des études supérieures ; • enfin, des frais de scolarité plus élevés, se rapprochant du coût réel des formations supérieures, peuvent remplir une double fonction d’aiguillon de la concurrence entre les établissements et de responsabilisation des étudiants dans leurs choix d’orientation. Des étudiants sollicités pour financer une partie de leurs études sont enclins à attendre en retour des enseignements de qualité.Pourquoi la gratuité des études nuit-elle ? En France, la gratuité des études supérieures est un facteur d’injustice et accentue les écarts entre ceux qui ont accès à l’enseignement supérieur et ceux qui n’ont pas cette possibilité. La faiblesse des frais de scolarité ne lève pas les obstacles financiers à l’engagement dans des études supérieures et ne permet pas de financer, par exemple, un système de bourses plus généreux pour ceux qui en ont le plus besoin. En effet, la France se distingue par la modestie de ses dispositifs d’aide aux étudiants et le montant des aides accordées ne suffit pas à couvrir leurs dépenses courantes. L’évolution du paysage universitaire et les efforts consentis vont dans le bon sens. Pourtant, la question du financement des universités et des droits d’inscription n’est pas suffisamment prise en compte, comme le montre l’absence de débat autour d’une hausse des frais de scolarité pour les étudiants non communautaires. Pour rester compétitive et attirer les meilleurs, la France doit aller jusqu’au bout de ses réformes et ne peut faire l’économie d’une réflexion sur les frais de scolarité et sur les dispositifs d’aide aux étudiants. - Lire à ce sujet : Pour une contribution plus juste au financement de l'enseignement supérieur (Institut Montaigne, 2008) ImprimerPARTAGER