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14/03/2016

Renationalisation du RSA : oui, mais à condition que…

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Renationalisation du RSA : oui, mais à condition que…
 Blanche Leridon
Auteur
Directrice Exécutive, éditoriale et Experte Résidente - Démocratie et Institutions



Le 25 février dernier, Manuel Valls confirmait la (re)prise en charge par l'État des dépenses de RSA, dont le montant ne cesse de croître depuis cinq ans. Saluée par l'Assemblée des Départements de France (ADF), les impacts de cette renationalisation ont été jugés "très positifs" par l'agence de notation Standard & Poor?s. Cependant, les conditions de mise en ?uvre de cette mesure sont loin de faire consensus. Trois points particulièrement clivants restent à trancher : l'année de référence pour le montant dont la dotation générale des départements devra être amputée, le montant du futur fonds d'urgence pour les collectivités les plus endettées ainsi que la possibilité d'un traitement différencié selon les territoires.

Des finances départementales exsangues

Le revenu solidarité active (ex RMI), à la charge des départements depuis 2004, voit son poids augmenter de façon significative dans les budgets départementaux. Les dépenses en faveur du RSA ont en effet cru de 7 % par an en moyenne depuis 2010. En 2014, elles atteignent 9,7 milliards d’euros, dont seulement 6,4 milliards sont compensés par l’État, soit un reste à charge de 3,3 milliards d’euros. Comme nous l’évoquions dans le rapport Décentralisation : sortons de la confusion, la très forte augmentation des dépenses liées au RSA a engendré, à elle seule, la déstabilisation de l’ensemble des finances départementales. Cette situation a provoqué la grogne des présidents de départements, portée par Dominique Bussereau, Président de l’ADF, qui a appelé l’État à intervenir. Le 25 février dernier, la renationalisation a été proposée par le Premier ministre, assortie d’un mode de financement garantissant aux départements le maintien de leurs ressources dynamiques (CVAO et DMTO notamment). La recentralisation serait donc entièrement financée par des prélèvements sur les dotations globales de fonctionnement (DGF), versées chaque année par l’État aux départements.

Des points de blocage demeurent

Si le principe de renationalisation semble aujourd’hui faire consensus, il est assorti de conditions sur lesquelles État et départements peinent à s’accorder. C’est le cas notamment de l’année de référence. Si le Premier ministre envisage d’établir la reprise en charge par l’État sur la base des dépenses de RSA engagées par les départements au titre de l’année n-1 (2015), les départements s’y opposent. En effet, l’ADF exige de son côté que l’année de référence soit 2014, jugeant que "l’année de référence ne peut pas être celle d’un pic en matière de dépenses de RSA comme 2016". Autre pomme de discorde : le montant de l’aide d’urgence qui devrait être débloquée pour les départements les plus en difficulté. De 50 millions d’euros en 2015, ce montant a été jugé bien en deçà des besoins réels des 10 départements les plus endettés. Enfin, de nombreux départements exigent que la recentralisation tienne compte des réalités et des inégalités qui existent entre départements. Le Président (PS) de la Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel, l’a rappelé lors du vote du budget de son département pour 2016 : "Appliquer de manière uniforme un mécanisme à tous les départements" reviendrait selon lui à "graver dans le marbre les inégalités créées par le transfert de charge en 2004".

Une renationalisation "très positive", mais sous conditions


L’agence de notation Standard’s & Poor a jugé la renationalisation "très positive", dans un article paru le 9 mars 2016. L’analyse de l’agence se fonde cependant sur le scénario privilégié par les départements pour son évaluation. En effet, si l’année de référence choisie est l’année 2014, "les performances budgétaires des départements pourraient être nettement améliorées avec un taux d’épargne brute supérieure à 12 % à l’horizon 2018, contre 8 % la même année" à cadre inchangé. Autre point positif : la capacité de désendettement du bloc départemental : elle serait de "5 ans environ en 2018, contre 8 ans dans le cadre actuel".  "Les départements pourraient ainsi stabiliser leurs dépenses d’investissement, voire légèrement les augmenter tout en maintenant des besoins de financement très modérés". L’agence de notation, qui avait dégradé la notation des départements français en décembre 2014, suivra donc très attentivement le processus de renationalisation. Il pourrait en effet permettre de revoir à la hausse une appréciation aujourd’hui particulièrement ternie.

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