Autre exemple de cette approche systémique : Peter Thiel, l'un des fondateurs de Paypal, autrefois ami d'Elon Musk, incarne l'un des plus puissants représentants des mouvements anti-systèmes, finance des candidats comme le sénateur républicain Ron De Santis et investit dans une entreprise comme Rumble - un réseau social d'extrême droite sans modération.
Vers davantage de régulation aux États-Unis ?
L'omniprésence des discours d’extrême droite sur les réseaux a notamment permis ces derniers mois aux discours de QAnon, aux narratifs pro Poutine, anti Taiwan ou encore contre les valeurs libérales de se développer de façon considérable aux États-Unis. Au point que Joe Biden a publié, le 11 janvier dernier, une tribune dans le Wall Street Journal, appelant un rassemblement bi partisan visant à réguler davantage les Big tech. En cause, la section 230 du Communication Decency Act qui protège les plateformes et les réseaux sociaux et leur permet de modérer les contenus comme ils l'entendent. Il écrit notamment "Comme beaucoup d'Américains, je m’inquiète de la façon dont certains acteurs du marché collectent, partagent et exploitent nos données les plus personnelles, aggravent l'extrémisme et la polarisation dans notre pays, faussent les règles du jeu de notre économie, violent les droits civils des femmes et des minorités, et mettent même nos enfants en danger". Biden souhaite limiter le ciblage publicitaire, une voie déjà empruntée par l'Union européenne qui a adopté en octobre dernier le Digital Services Act (DSA).
Pour Asma Mhalla, la modération est essentielle mais elle ne résoudra pas tout, idem s'agissant de l'éducation des plus jeunes. La bataille de l'information qui se joue appelle une mobilisation bien plus vaste, qui éduque l'ensemble de la population d'un pays et lui permette de bâtir des contre-récits. C’est ce qu'a fait par exemple la Finlande, afin de contrer le narratif russe.
Le poids du capitalisme de surveillance en question
Venons en maintenant aux sous-jacents. Pour David Chavalarias, comme il l'explique dans son ouvrage Toxic Data, le capitalisme de surveillance, souvent mis en cause, n'explique pas seul l'affermissement des mouvements populistes dans le monde. Trois phénomènes convergent, qui sont autant de défis adressés à nos démocraties : 1) la psychologie humaine n'est pas adaptée aux nouveaux environnements numériques et informationnels ; 2) l'économie de l'attention développée par les Big Tech optimise le tissus social numérique ainsi que les flux de circulation d’information indépendamment du bien-être individuel ou collectif ; 3) les nouvelles guerres hybrides, portées par des régimes totalitaires comme le Kremlin ou le Parti communiste chinois (désinformation et subversion) profitent des possibilités offertes par ces nouveaux environnements relativement ouverts tout en se protégeant de pareilles ingérences en verrouillant leurs propres environnements informationnels. Selon D. Chavalarias, le modèle économique actuel des Big Tech, fondé sur leur capacité à modeler le tissu des relations sociales et à commercialiser l'influence sociale, est incompatible avec le maintien de nos démocraties, comme il a pu le documenter et l'observer grâce à l'outil "Politoscope".
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