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17/05/2016

Préfaces de Pierre Gattaz et Jean-Claude Mailly (1/2) - Oui, un autre droit du travail est possible !

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Préfaces de Pierre Gattaz et Jean-Claude Mailly (1/2) - Oui, un autre droit du travail est possible !
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L'Institut Montaigne dévoile la préface de Pierre Gattaz, Président du Mouvement des entreprises de France (Medef), de l'ouvrage Un autre droit du travail est possiblede Bertrand Martinot et Franck Morel.

Il y a un vrai paradoxe en France. Nos très grandes entreprises, numéros 1 mondiales pour la plupart, sont internationales ; les jeunes entreprenants ? et ils sont de plus en plus nombreux ? sont les champions de l'innovation, des objets connectés ; notre population ? jeunesse et seniors confondus ? est l'une des plus « connectées » et ouvertes sur le monde, bref, la France économique et sociétale est au diapason du monde. Mieux, notre pays a des atouts formidables dans tous les secteurs (industrie, commerce, bâtiment, services), des filières structurées, une position géographique enviée, des infrastructures plébiscitées, des écosystèmes dynamiques, des compétences reconnues en créativité, innovation, numérique? Sur tous ces sujets, nous savons bousculer les habitudes, dépasser les contraintes, sortir du cadre. Et pourtant, et c'est là que vient le paradoxe, notre droit du travail, qui régule la vie de l'entreprise, reste arc-bouté sur des principes d'un autre temps.

Ainsi, malgré cette ouverture au monde, malgré tous les atouts, notre croissance est à la peine, notre économie et notre compétitivité déclinent lentement et sûrement, notre chômage bat des records, et le malaise de nos concitoyens ne cesse de s’accroître. L’une des causes, et tout le monde s’accorde à le dire, est notre Code du travail, désormais totalement inadapté aux exigences du monde dans lequel nous vivons. Or, qu’on le veuille ou non, notre environnement est désormais celui d’un monde ouvert, fortement concurrentiel, international, global et interconnecté. Cette réalité impose une double obligation aux entreprises : la nécessité d’être compétitives, afin de s’imposer sur le marché international, tout en répondant à la demande des consommateurs de plus en plus exigeante en termes d’innovation, de qualité et de coûts.

En empêchant les entreprises de s’adapter aux exigences de leurs marchés qui nécessitent souplesse, rapidité et réactivité, et donc de se développer, de créer de la croissance et de l’emploi, le droit du travail paralyse le marché du travail et alimente le chômage. Il est donc urgent de réformer notre droit du travail. Il ne s’agit pas de « déconstruire » le modèle social français, dont l’objectif est de protéger la population contre les aléas de la vie, mais de bâtir un nouveau modèle au service de la compétitivité et donc de l’emploi.

Cela implique de s’accorder sur un double constat : la stimulation de notre économie passe par l’entreprise et seule l’activité productrice crée des emplois pérennes. À partir de là, l’entreprise doit au être au cœur de la réforme du droit du travail, qui régule la vie de l’entreprise, fondée sur un dialogue social et économique vivant entre employeurs et salariés. L’entreprise doit être la source première de la norme sociale. Pour cela, il faut renverser notre hiérarchie des normes et faire en sorte que le dialogue économique et social, au plus près de la production d’emplois, c’est-à-dire dans l’entreprise, devienne la source principale des règles sociales qui s’y appliquent. La loi doit se concentrer sur la fixation d’un cadre général sans entrer dans les détails – en quoi la représentation nationale est-elle pertinente pour légiférer sur les temps de pause ? – et se simplifier drastiquement. Quelle est l’efficacité d’un Code du travail incompréhensible par la plupart des salariés et des chefs d’entreprise ? Le temps passé à débusquer les chausse-trappes dans les milliers d’articles du Code du travail ne serait-il pas mieux employé à la recherche de marchés, à l’optimisation d’une stratégie d’entreprise ? Un tel système permettrait aux entreprises de s’adapter en permanence aux mutations de leur environnement et aux salariés de les accompagner.

Pour être efficace et performant ce modèle doit être fondé et évoluer à partir d’un dialogue économique et social constant et pragmatique qui prenne en compte la réalité sous la forme d’un diagnostic partagé. À l’opposé de ce que sont trop souvent les négociations sociales où le formalisme stérile l’emporte sur le contenu avec, à l’arrivée, une déresponsabilisation des acteurs. Pour éviter que le dialogue social ne se transforme en dialogue de sourds, il faut renforcer la légitimité des accords d’entreprise. Contrairement à ce qu’affirment certains, en effet, le dialogue social est très actif au sein des entreprises : 36 500 accords d’entreprise ont été signés en 2014. Malgré cette dynamique, l’accord d’entreprise conserve un statut subsidiaire et très encadré. C’est pourtant dans l’entreprise que peuvent être trouvés les compromis préservant à la fois la compétitivité des entreprises et l’intérêt des salariés. L’entreprise doit être le cadre naturel de la négociation, car c’est à ce niveau que le dialogue social est le plus vivace, le plus en phase avec la réalité économique, et le plus susceptible de progresser. C’est la meilleure façon de donner toute leur légitimité et leur représentativité aux partenaires sociaux de terrain.

Cela implique aussi de mieux former les élus du personnel en les associant à la marche de l’entreprise, en les formant à la compréhension des choix stratégiques. En règle générale, nous devons mieux associer les salariés à la création de valeur et optimiser les obligations de formation afin de leur garantir une employabilité tout au long de leur vie professionnelle. C’est notre responsabilité et notre obligation de chefs d’entreprise d’évoluer dans nos pratiques, nos modes de management, nos réflexions.

Mais le changement fondamental n’est pas seulement celui des règles et des lois. C’est surtout à une révolution culturelle qu’il faut s’attaquer : quitter la posture des "méchants patrons" et des "pauvres salariés" et considérer que le salarié est de plus en plus en situation de construction commune. Arrêtons de croire que le management n’a pas évolué depuis Taylor et que l’organisation du travail doit être précisément minutée, segmentée. Aujourd’hui, les réflexions et les pratiques de management autour de l’"entreprise libérée" montrent que performance économique et épanouissement des salariés sont étroitement corrélés. Dans le même temps, on voit bien que l’attrait du salariat diminue chez nos jeunes : de plus en plus veulent créer leur entreprise, être leur propre employeur, et pas seulement par difficulté à trouver un travail salarié, mais aussi parce que l’entrepreneuriat est vu comme une forme de liberté.

L’enjeu de l’évolution du Code du travail est aussi là : prendre en compte ces évolutions sociétales, managériales et sociologiques qui supposent des rapports différents entre le salarié et l’employeur, entre les salariés eux-mêmes, et bâtir un droit du travail capable de protéger les plus faibles, sans étouffer les initiatives qui sortent des cadres. Un droit protecteur et souple, évolutif et qui accepte l’expérimentation. Un droit au plus près du terrain, pragmatique et efficace. Voilà l’enjeu !

Comme on le voit, le débat ne fait que commencer, c’est pour cela que ce livre est important, car il s’intègre dans une dynamique de constats, de débats et de propositions qu’il nous faut continuer à mener pour bâtir enfin le nouveau droit du travail du XXIe siècle qui nous permettra de gagner collectivement.

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