AccueilExpressions par MontaignePeut-on vraiment parler d’une "refondation" de l’école ?L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.02/05/2016Peut-on vraiment parler d’une "refondation" de l’école ?ImprimerPARTAGERAuteur Institut Montaigne Tribune de Laurent Bigorgne, directeur de l'Institut Montaigne, parue dans La Croix, le 1er mai 2016. Organisées par le gouvernement pour faire le point sur les réformes éducatives entreprises depuis 2012, les Journées de la refondation de l'École de la République se sont ouvertes aujourd'hui. Elles réuniront près de 2 000 acteurs de l'éducation et soixante-dix intervenants. Pour Laurent Bigorgne, le projet de "refondation" de l'école est "bien trop vague et conceptuel". Quand la majorité actuelle est arrivée au pouvoir, en 2012, elle a hérité, sur le plan scolaire, d'une situation anormale, marquée par la réduction insensée de la semaine d'école à quatre jours et la quasi-disparition de la formation des maîtres, tout aussi dommageable (même si le système des IUFM avait montré ses limites). Et il faut reconnaître que le gouvernement a cherché immédiatement à y remédier, quand bien même les réponses apportées n'étaient pas toujours les meilleures.Mais son erreur a consisté surtout à adopter une posture de démiurge en promettant une "refondation" de l'école, un projet bien trop vague et conceptuel. En particulier, Vincent Peillon, le premier des ministres de l'éducation de l'ère Hollande, s'est beaucoup payé de mots. Il nous a fait perdre du temps en dramatisant les enjeux autour de sa loi, tandis qu'une bonne part des solutions aurait pu emprunter une autre voie.Alors qu'il avait entre les mains l'intégralité des moyens nouveaux créés dans les services publics, alors qu'il connaissait bien ce ministère, son bilan apparaît bien médiocre. Y compris en comparaison avec celui de l'actuelle ministre, Najat Vallaud-Belkacem, qui, sans avoir été préparée à occuper de telles fonctions, a affronté assez courageusement et de manière pragmatique, plutôt approfondie, la question de la lecture, des programmes, du collège. La refondation, si refondation il devait y avoir, ne peut être qu'un moyen. Elle ne peut pas tenir lieu de vision. Le vrai objectif, concret, ce devrait être de rendre l'école plus performante et plus juste. La priorité, ce devrait être de s'attaquer à l'échec scolaire. Comment ? En concentrant la totalité des moyens supplémentaires au primaire, dans l'éducation prioritaire, pour attaquer les difficultés à la racine. Et en remettant sur l'ouvrage les lycées professionnels. Car si le passage récent au bac pro en trois ans (contre quatre précédemment) est plutôt réussi, les bacheliers professionnels continuent de souffrir d'une trop faible insertion sur le marché du travail.Pour le reste, accroître la performance du système suppose de muscler le management intermédiaire et d'ouvrir le corps des recteurs, de lui donner des moyens d'action pour y attirer les meilleurs d'une génération. Cela nécessite aussi de séparer, d'un côté, les fonctions d'opération et de déploiement des réformes, de l'autre celles d'évaluation du système.La Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (Depp), le département statistique de l'éducation nationale, qui possède les vraies compétences scientifiques, doit pouvoir fonctionner de manière pleinement autonome pour répondre à la fois aux besoins du ministère mais aussi à ceux du Parlement.Lequel doit examiner chaque année les résultats de l'école, ceux des élèves, tout comme les performances managériales du système. C'est à ces conditions que l'on peut rendre l'éducation plus juste et plus performante.Pour aller plus loin : Le numérique pour réussir dès l'école primaire, mars 2016.80% des décrocheurs déjà en difficulté au primaireImprimerPARTAGER