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07/04/2016

Les réformes du marché du travail en Italie

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Les réformes du marché du travail en Italie
 Institut Montaigne
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La réforme du Code du travail par ordonnances, premier chantier du quinquennat Macron, annonce des débats virulents, tant sur la forme que sur le fond. Avant la France, de nombreux pays européens se sont engagés sur cette voie. Comment ont-ils réformé leur marché du travail ? Quels sont les résultats ? Tour d'horizon dans six pays. Aujourd'hui : l'Italie.

Blanche Leridon, Chargée d'études à l'Institut Montaigne, revient sur les réformes menées en Italie pour faire face à la crise.

LE MARCHE DU TRAVAIL ITALIEN AVANT LES REFORMES

Un marché du travail particulièrement affecté par la crise
L’Italie d’après-crise se caractérise par la persistance d’un taux de chômage élevé (12,4% en 2015 contre 6,2% en 2007 et 8,5% en 2011), un taux de chômage des jeunes parmi les plus importants d’Europe (42,7%) et un faible taux d’activité.
Particulièrement fragilisée par la crise des dettes souveraines en 2011, l’économie italienne a connu une double récession, qui a provoqué une importante contraction de son PIB (- 9% entre 2008 et 2014 contre - 1,7% en zone euro). Entre 2008 et 2014, ce sont près d’un million d’emplois qui sont détruits.

Un marché du travail très polarisé
Le marché du travail italien est, à l’instar de nombreux pays européens, marqué par une dualité forte. En 2014, 65% des contrats étaient des CDI et 70% des nouvelles embauches se faisaient en CDD. Rappelons qu’en France, le dualisme du marché de l’emploi est encore plus marqué avec 87% des emplois en CDI et 86% des embauches en CDD.

LES REFORMES DU MARCHE DU TRAVAIL ITALIEN
Les réformes du marché du travail italien, assimilées par raccourci au seul "Jobs Act" de Matteo Renzi de mars 2015, ont été entamées dès 2012 avec les réformes Fornero sous le gouvernement Monti. Ce premier mouvement de réformes, complété par un ensemble de décrets adoptés entre février et septembre 2015, a visé à réduire  la dualité du marché du travail, à renforcer l’assurance chômage, et à flexibiliser les contrats de travail.

Un nouveau CDI "à protection croissante"
Confrontée à la même dualité contractuelle que la France, l’Italie n’a pas fait le choix du contrat unique mais a considérablement assoupli la règlementation du CDI, tout en permettant un recours accru au CDD. Ainsi, le Jobs Act a créé un "contrat à durée indéterminée à protection croissante". Son principe ? Une licenciement facilité pendant trois ans, une exemption de cotisations sociales pendant cette même période et une augmentation du coût du licenciement individuel en fonction de l’ancienneté du salarié.
Ce nouveau régime est applicable à toutes les nouvelles embauches en CDI et aux conversions de CDD ou de contrats d’apprentissage en CDI. Résultat ? Une réduction des coûts salariaux (qui peut atteindre les 8 000€ par an par contrat selon un chiffrage COE) et une incitation à  embaucher en CDI, promu comme forme normale du contrat de travail.

Un CDD plus souple mais plus encadré

Depuis les réformes Fornero-Monti, les entreprises n’ont plus l’obligation d’indiquer le motif du recours aux CDD de moins d’un an.  Avec le Jobs Act, cette durée est portée à 3 ans. Depuis 2014, un CDD peut être renouvelé jusqu’à cinq fois de suite pendant 36 mois. Le recours au CDD est ainsi facilité mais il est aussi mieux encadré : il ne peut dépasser 20% de l’effectif en CDI. En cas de dépassement, l’employeur est sanctionné par une amende. Enfin, au-delà de 36 mois, l’entreprise doit convertir le CDD en CDI.

Licenciement : de la réintégration du salarié à l’indemnisation
Avant les réformes de 2012 et 2014, le licenciement, lorsqu’il était jugé injustifié par les tribunaux, donnait droit à la réintégration obligatoire du salarié à son poste de travail. Cette possibilité a été réformée successivement par les gouvernements Monti et Renzi. Avec le CDI "à protection croissante", le principe en cas de licenciement abusif devient l’indemnisation plafonnée, le droit à indemnisation allant croissant en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise. Le droit à la réintégration est désormais rendu impossible pour tout licenciement économique. 

Réduction du coût du travail   
A l’instar des initiatives menées en France depuis 2013 (pacte de responsabilité / CICE), l’Italie a adopté un certain nombre de mesures visant à réduire le coût du travail. La loi de stabilité du 23 décembre 2013 visait à réduire la fiscalité pesant sur le travail en baissant le coût du travail de 1,2Md€ en 2014. Dès 2011, le "coin socio-fiscal" (somme de l'impôt sur le revenu et des cotisations sociales obligatoires acquittées par le salarié et l'employeur) sur le travail a été diminué, en contrepartie d’une augmentation du taux normal de TVA de 2 points entre 2011 et 2013.

Un élargissement de l’assurance chômage
En contrepartie de la flexibilisation du marché du travail, les réformes de 2012 et 2015 proposent d’accroitre la sécurité des travailleurs, en rendant l’assurance-chômage plus universelle. Si jusqu’en 2012 elle ne couvrait qu’un nombre restreint de salariés, la réforme Monti-Fornero étend la couverture de l’assurance chômage à tous les salariés non agricoles ainsi qu’aux apprentis et aux artistes. Le Jobs Act a poursuivi cette réorganisation en augmentant la durée d’indemnisation mais en introduisant, en contrepartie, une conditionnalité à la recherche effective d’un emploi.

Un bilan positif à confirmer
Bien qu’il soit encore trop tôt pour apprécier le plein effet de ces réformes, de premiers éléments permettent d’en dresser un bilan partiel. Les prévisions, tout d’abord, s’accordent sur l’effet positif de ces réformes : le FMI estime que l’impact du Jobs Act sur la production sera de +1,1 % de PIB à horizon de 5 ans et de +1,8% à plus long terme. L’ISTAT (institut national de statistique italien) a  constaté en mars 2016 une hausse de 1,3 % des personnes en emploi en 2015, soit 299 000 personnes (principalement des plus de 50 ans) et un recul du nombre de chômeurs de 169 000 personnes. Le taux de chômage est ainsi passé de 12,2 % à 11,5 % en un an.

On observe également une augmentation de la part des CDI dans les embauches depuis l’introduction du nouveau CDI "à protection croissante". S’il est trop tôt pour y voir une tendance durable, il s’agit d’un signal particulièrement encourageant.

Ces constats doivent cependant être nuancés. Ils interviennent en effet dans un contexte favorable, marqué par un retour de la croissance italienne après trois ans de contraction (+ 0,6 % en 2015). Rappelons également que les allégements de cotisations sociales (jusqu’à 8 000 euros par an par embauche en CDI) ont sans aucun doute dopé de façon temporaire le passage aux CDI.

Pour aller plus loin :



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