AccueilExpressions par MontaigneLes Entretiens de la Cohésion sociale - "Nouveau pacte social : nouvelles exigences pour le droit ?"L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.25/09/2012Les Entretiens de la Cohésion sociale - "Nouveau pacte social : nouvelles exigences pour le droit ?" Cohésion socialeImprimerPARTAGERAuteur Institut Montaigne August & Debouzy avocats, Entreprise&Personnel, et l'Institut Montaigne ont inauguré vendredi 7 septembre 2012 le premier rendez-vous des Entretiens de la Cohésion sociale à la Maison de la Chimie, sur le thème "Entreprises et pacte social : quelle nouvelle donne?". Après l'introduction de Jean-Paul Bailly et la première table ronde élaborée sur le thème "De l'Entreprise engagée à l'Entreprise-Providence ?", une seconde table ronde a été consacrée au sujet "Nouveau pacte social : nouvelles exigences pour le droit ?" autour d'Emmanuelle Barbara, associée responsable du département droit social d'August & Debouzy, de Loïc Mahé, ancien directeur des ressources humaines de Thalès, et d'Etienne Wasmer, professeur à Sciences Po et spécialiste de l'économie du travail. Michel Sapin, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, a conclu les discussions.L’ "Entreprise-Providence", évoquée lors de la première table ronde, est difficile à mettre en œuvre dans un contexte de crise. De fait, l’environnement juridique dans lequel évoluent les entreprises reste inchangé en dépit des évolutions profondes qui ont marqué notre économie ces dernières décennies (concurrence internationale, nouvelles technologies, hausse du chômage, désindustrialisation, etc.). Il est par conséquent pertinent de concevoir des voies d’amélioration de l’environnement juridique et notamment du Code du travail.Le paradoxe français : la France se caractérise par l’existence d’une forte anxiété au travail en dépit d’un niveau de protection très élevé Selon Emmanuelle Barbara, la situation actuelle de la France est marquée par un contexte où "tout bouge, sauf le droit du travail qui reste assez immuable". D’un point de vue historique, la France vit un instant de rupture. De fait, le modèle social français, bâti après la Seconde Guerre Mondiale, s’est construit sur l’idée d’un emploi obtenu et conservé au sein de la même entreprise jusqu’à la retraite. Les salariés raisonnent encore aujourd’hui à partir de ces deux piliers que sont l’ancienneté et les avantages acquis au cours de la carrière au sein de la même organisation. La France occupe par ailleurs une position étonnante selon Etienne Wasmer puisqu’elle présente apparemment un niveau de protection élevé des salariés d’une part et des salariés extrêmement anxieux, d’autre part. Les Français sont en effet les "champions du monde de l’anxiété" avec les Portugais. Pourtant, 85 % des emplois pourvus sont des CDI, et les plans sociaux ne représentaient que 3 % des ruptures de contrat en 2009. Loïc Mahé complète ces propos en précisant que le Code du travail, de plus en plus complexe, est effectivement très difficile à manier pour les entreprises. Il souligne l’aspect essentiel des relations avec les magistrats qui créent les jurisprudences. Si le Code du travail a son importance, il est opportun de s’interroger sur les manières de le "faire vivre" au sein des entreprises. Pour Etienne Wasmer, la notion de stress est difficile à cerner précisément et peut varier d’un pays à l’autre. Néanmoins, il est possible d’observer que le stress est surtout présent en France au sein des petites et des grandes entreprises, alors que les salariés des entreprises de taille intermédiaire se situent dans la moyenne européenne en termes de stress. Si les conditions de travail ne sont objectivement pas mauvaises en France, quelques facteurs permettent de comprendre cette situation : d’une part, il existe un déficit de dialogue social au niveau de l’entreprise, le Code du travail est très formaliste d’autre part et enfin, la rémunération des employés à travers des indicateurs de performance chiffrés et individualisés est très importante en France et peut générer également de l’anxiété.Le CDI : "Graal" des salariés ? Emmanuelle Barbara met en avant le statut du CDI devenu essentiel pour trouver un logement ou contracter un emprunt bancaire. Cette situation constitue un vestige du modèle de l’après-guerre et ne correspond plus à la réalité actuelle. Contrairement aux idées reçues, de nombreux salariés changeant de structures au cours de leur carrière professionnelle le vivent de façon positive. Il s’agit bien d’un enrichissement tant individuel que professionnel. Néanmoins, la succession de CDD demeure incompatible avec l’imaginaire actuel et renvoie vite à des notions négatives telles que précarité et instabilité. Loïc Mahé précise que Thalès, conscient de l’intensité des mutations actuelles, ne garantit pas à ses employés "un emploi à vie". En revanche, l’entreprise propose un engagement, un "pacte" pour favoriser le développement professionnel des salariés. Il s’agit concrètement de gérer la crainte du changement et de donner plus de sécurité aux collaborateurs. Etienne Wassmer rappelle que la mobilité subie est tout de même importante en France. Il est difficile de "sortir" d’un système basé en grande partie sur les droits à l’ancienneté. Il n’est également pas dans l’intérêt des entreprises de préparer leurs employés à une reconversion. Pour cette raison, les entreprises "citoyennes" qui forment les employés devraient être encouragées à travers la mise en œuvre de mécanismes d’incitation. Actuellement, les entreprises forment peu. Pour l’économiste, consacrer l’intégralité des ressources financières de la formation aux chômeurs n’est par conséquent pas une bonne idée.Les changements à apporter en matière de législation sociale Il s’agit d’une question centrale pour Emmanuelle Barbara. L’avocate estime qu’il convient avant tout de changer le rapport à l’autorité, dès l’école. De fait, il existe une "défiance" vis-à-vis de la hiérarchie, qui ne constitue évidemment pas un élément juridique mais qui demeure essentiel. Il faudrait également "revoir la promotion des autres statuts à côté du CDI" en valorisant les CDD, les stages et l’auto-entreprenariat. Enfin, il serait opportun de trouver un autre vecteur à l’acquisition des droits, aujourd’hui principalement basée sur l’ancienneté dans l’entreprise pour valoriser les droits sur l’ensemble des carrières des salariés. En France, il est "mal vu" de quitter un emploi. Avant de changer le droit, il est donc nécessaire de faire évoluer ces représentations.Aller plus loin : - Voir les vidéos de Jean-Paul Bailly et de Michel Sapin - Voir la vidéo de la table ronde "De l’Entreprise engagée à "l’Entreprise-Providence" ?" - Voir les photos - Consulter le programmeImprimerPARTAGER