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03/11/2016

Le Traité Transatlantique et le débat sur le libre-échange aux Etats-Unis

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Le Traité Transatlantique et le débat sur le libre-échange aux Etats-Unis
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Traditionnellement, l'opinion publique et la classe politique américaines sont favorables à la libéralisation des échanges internationaux. Depuis les deux mandatures de Ronald Reagan de 1981 à 1989, tous les derniers présidents en ont soutenu le principe. Néanmoins, les dernières élections primaires du Parti démocrate et du Parti républicain ainsi que la campagne présidentielle actuelle ont vu de nombreuses voix, parmi les plus fortes, remettre en cause les effets bénéfiques de ce type d'accord pour la société américaine.

En tête des sceptiques : Donald Trump, qui a fait de la critique de l’ALENA, l’accord de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique entré en vigueur en 1994, l’un des principaux arguments de sa campagne. Mais également Hillary Clinton qui, malgré ses positions passées en faveur du libre-échange, s’est déclaré opposée à une ratification en l’état du Trans-Pacific Partnership (TPP), l’important accord de libre échange conclu en 2016 entre 12 pays du pourtour pacifique. 


L’exemple de l’Indiana et les déboires de la classe moyenne
 
L’exemple de l’Indiana permet en partie d’expliquer les raisons d’une telle modification du paysage politique américain. En une dizaine d’années, près de 60 000 emplois dits de "middle-class" ont disparu, remplacés par des emplois faiblement rémunérés dans les secteurs de la santé et de la restauration rapide. De manière concomitante, durant les vingt dernières années, le salaire des individus titulaires seulement de diplômes d’études secondaires a chuté de 19 %

Le 3 mai dernier, c’est dans ce même État que Donald Trump a réussi à écarter définitivement Ted Cruz, son dernier adversaire sérieux dans la primaire républicaine. En faisant campagne contre le "carnage" pour les travailleurs qu’il impute à l’ALENA, Donald Trump est parvenu à réunir 53,3 % des voix contre 36,7 % pour son adversaire. Côté démocrate, Bernie Sanders a lui aussi remporté cet État après avoir dénoncé les effets du libre-échange et la montée des inégalités sociales et économiques.

Plusieurs semaines auparavant, l’annonce de la délocalisation au Mexique de deux usines d’appareils électroménagers appartenant à des filiales de United Technologies Corporation a beaucoup choqué l’opinion publique de cet État. Qualifiant ces actions de "dégoûtantes" et de "non-américaines", Donald Trump en a profité pour affirmer avec insistance qu’il aurait empêché ces usines de partir s’il avait été au pouvoir.

Au global, pour la première fois depuis les années 1970, les familles américaines appartenant à la classe moyenne constituent une minorité, avec 120 millions de ménages contre 121 millions de riches et pauvres confondus.
  
Quelles conséquences pour le TTIP ?

Malgré ce climat de défiance, le projet de traité commercial entre l’Union européenne et les États-Unis occupe une place bien moindre dans le débat public américain que le TPP. Il semble qu’un tel partenariat entre économies développées ne suscite pas les mêmes craintes de délocalisations. L’AFL-CIO, la plus grande fédération syndicale du pays, a ainsi déclaré n’être pas opposée à un accord avec l’Europe, en raison d’une amélioration potentielle du droit du travail que le TTIP permettrait.
 
En dépit des arguments développés par Donald Trump et Bernie Sanders, la majorité de la population américaine demeure favorable au libre-échange. Selon un sondage du Pew Research Center de mai 2016, 58 % des américains pensent que les accords de libre-échange sont bénéfiques pour leur pays, dont 62 % des électeurs indépendants, 58 % des démocrates et 53 % des républicains. Même la population non-diplômée, laquelle serait plus vulnérable à la concurrence salariale engendrée par ces accords, partage cet avis à 57 %.
 
L’opinion américaine au sujet du TTIP exige néanmoins une interprétation nuancée. Selon un sondage réalisé par YouGov pour la Fondation Bertelsmann en avril 2016, 15 % des résidents aux États-Unis soutiennent le TTIP, contre 53 % en 2014. Cette baisse ne signifie pas pour autant une augmentation des personnes qui y sont opposées. En effet, seuls 18 % des sondés s’opposent au traité, contre 20 % en 2014. En réalité, la plupart des Américains - soit 46 % - déclarent n’être pas suffisamment informés pour se faire une opinion.

Ce chiffre s’explique en partie par l’absence de toute campagne d’information sur le TTIP de la part du gouvernement américain. De plus, contrairement à l’Union européenne, le gouvernement des États-Unis ne publie aucun document présentant tout ou partie des positions qu’il défend dans ces négociations. Il n’a pas non plus suivi l’exemple de la Commission européenne qui a créé des salles de lecture à travers l’Europe pour tout eurodéputé ou parlementaire national qui souhaite lire les textes "consolidés" résumant les positions européennes et américaines en discussion.

Actuellement, l’espace médiatique réservé au TTIP est donc uniquement occupé par les revendications de certaines ONG. Celles-ci, rarement favorables à l’accord, se concentrent sur les menaces pour l’environnement ou les consommateurs que poseraient les mécanismes de résolution des différends entre investisseurs et Etats (RDIE) et les autres mesures de protection des investisseurs.

Le 20 janvier 2017, un nouveau président américain entrera en fonction. L’élection de Donald Trump porterait très certainement un coup fatal aux négociations sur le TTIP. En revanche, si Hillary Clinton arrivait au pouvoir et que le TPP dans sa forme actuelle était ratifié, le projet de TTIP pourrait certainement aboutir à moyen terme.

Par Jonathon Holler, coprésident du Youth Caucus des Democrats Abroad en France


L’Institut Montaigne a récemment publié une étude sur le TTIP, Traité transatlantique : pourquoi persévérer présentant les principaux enjeux de cet accord de libre-échange et analysant les raisons du blocage actuel des négociations. Cette note explique pourquoi un accord ambitieux avec les États-Unis pourrait être bénéfique pour les économies européennes et formule cinq propositions afin de parvenir à un accord une fois que de nouveaux gouvernements seront arrivés au pouvoir aux États-Unis, en France et en Allemagne.

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