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08/12/2016

La Finlande : un modèle en perte de vitesse ?

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La Finlande : un modèle en perte de vitesse ?
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Après avoir dominé les classements PISA depuis 2000, la Finlande a perdu son statut de première de la classe dès 2012 et se classe cinquième en 2015. Comment expliquer cette baisse de leurs performances ? Décryptage.

Un modèle en perte de vitesse ?

Depuis la première enquête PISA en 2000, la Finlande occupait régulièrement les premières places du podium. Ainsi, lors de la première édition, elle se classait première en lecture, cinquième en mathématiques, et quatrième en sciences (soit une dizaine de places devant la France). En revanche, en 2012, elle n’était plus "que" sixième en lecture, douzième en mathématiques, et cinquième en sciences (toujours loin devant la France). Dans la dernière enquête de 2015, dans une enquête qui s’articulent autour des sciences, la Finlande se classe cinquième.

Si ces résultats restent très largement supérieurs à la moyenne de l’OCDE, cette contre-performance du système éducatif finnois peut sembler surprenante. De l’avis des analystes de l’OCDE comme des dirigeants politiques finlandais, les très bons scores de la Finlande – alors érigée en modèle international – au début des années 2000, ont conduit à une absence de questionnement et de réforme de son système éducatif. Dans le même temps, d’autres pays se sont largement inspirés des pratiques finnoises, ce qui leur a permis de progresser dans le classement PISA. Enfin, la crise économique et la remise en cause du modèle nordique d’État providence pourraient également expliquer ce déclin relatif.

Les forces du système éducatif finlandais

Malgré des résultats en baisse, le système éducatif finlandais demeure l’un des plus performants et des plus équitables au monde. L’origine socio-économique des élèves y pèse moins sur leur réussite scolaire et sur leur orientation que dans la moyenne des autres pays de l’OCDE. Cela peut s’expliquer, en partie, par une approche plus individualisée de l’enseignement : par exemple, le nombre d’élèves par classe dans les régions défavorisées est l’un des plus bas de l’OCDE.

En outre, une attention très grande est portée à la formation des enseignants. Si comme en France ils sont détenteurs d’un Master 2, leur formation est fortement articulée autour de la pédagogie et de la pratique. De surcroît, l’image du métier d’enseignant jouit d’un prestige important, si bien que les universités sélectionnent, dès la première année de licence, les candidats les plus qualifiés et les plus motivés. Davantage d’autonomie est laissée aux professeurs dans la gestion de leurs enseignements : il n’existe, par exemple, ni système d’inspection, ni classements nationaux des établissements scolaires. L’évaluation est envisagée dans une démarche constructive, comme un échange, jamais comme une sanction.

Enfin, le système éducatif dans son ensemble est très décentralisé, celui qui lui confère une plus grande agilité. Par exemple, si les programmes scolaires et les objectifs éducatifs sont définis à l’échelle nationale, leur implémentation incombe aux municipalités. Par conséquent, il existe une forte interaction et une grande coopération entre tous les acteurs du système éducatif.

Un système éducatif en transformation

Dès la publication des résultats de l’enquête PISA 2012, les dirigeants finlandais ont tiré la sonnette d’alarme. La ministre de l’Éducation et de la Science, Krista Kiuru, déclarait ainsi : "La baisse générale des résultats académiques montre que nous devons agir résolument pour développer l’éducation finnoise. Nous allons associer non seulement des chercheurs en science de l’éducation, des dirigeants politiques, mais aussi des représentants des élèves et des parents".

Les premiers résultats de cette politique commencent à se faire jour, et la Finlande a récemment décidé d’opter pour le remplacement des matières scolaires par des enseignements pluridisciplinaires.

Quelles leçons en tirer pour la France ?

L’expérience finnoise montre que l’enquête PISA peut être un levier efficace pour penser l’amélioration d’un système éducatif, ou pour le réformer en profondeur comme cela a été le cas en Allemagne après le "PISA choc" de 2000. Cela suppose néanmoins que l’ensemble des acteurs de l’éducation (y compris les parents et les élèves eux-mêmes) s’inscrive dans une démarche collective constructive afin de permettre l’émergence de propositions ambitieuses mais qui fassent consensus.

De surcroît, "l’effet-maître" apparaît comme un facteur primordial pour la réussite des élèves. Afin d’améliorer la qualité de l’enseignement dispensé, la formation des enseignants ainsi que l’attractivité du métier de professeur sont des facteurs essentiels.

Enfin, un système éducatif performant repose sur une nécessaire interaction entre tous les acteurs du monde éducatif, tout en préservant l’autonomie de chacun dans la gestion de ses missions.

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