AccueilExpressions par MontaigneGaz de schiste : connaître nos sous-sols. L’exemple de la politique des "petits pas" au DanemarkL'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.16/10/2014Gaz de schiste : connaître nos sous-sols. L’exemple de la politique des "petits pas" au DanemarkImprimerPARTAGERAuteur Institut Montaigne Fortement impliqué dans le développement des énergies renouvelables, avec une production éolienne atteignant 34,1 % du taux de couverture de sa consommation énergétique en 2013 (1), le Danemark a récemment accordé un permis à Total et Nordsøfonden ? la compagnie pétrolière nationale ? pour l'exploration de gaz de schiste. L'Institut français des relations internationales (Ifri) souligne que "Total est opérateur et détient 80 % des parts. Les 20 % restants sont détenus par la [?] Nordsøfonden" (2).Selon les évaluations de l’Agence internationale de l’énergie (AIE ou EIA), les ressources techniquement récupérables du Danemark en gaz de schiste sont de l’ordre de 32tcf (trillions de pieds cubes). Ces réserves sont largement supérieures à celles de l’Allemagne ou du Royaume-Uni (3). Toutefois, Total et Nordsøfonden ont dû patienter avant de recevoir le feu vert. En 2010, l’Agence Danoise pour l’Energie (Danish Energy Authority, DEA) a délivré deux permis d'exploration, mais ce sont les autorités locales danoises concernées qui in fine approuvent ou non les projets (4). En l’occurrence, la municipalité de Frederikshavn était compétente pour donner son aval.L’autorisation de conduire les premiers travaux exploratoires n’a été accordée par la municipalité de Frederikshavn qu’après une étude environnementale complète – dite VVM ("Vurdering af Virkninger på Miljøet") qui signifie littéralement "étude d'impact environnemental". Il a pour objectif d'analyser et de mesurer toutes les conséquences qu'un projet de construction peut avoir sur l'environnement. Le VVM a été demandé avant tout forage. Les conclusions de l'étude environnementale ont été publiées peu avant l'été et, le 25 juin 2014, la municipalité de Frederikshavn a donné son accord pour que Total conduise des travaux d'exploration de gaz de schiste. C'est la première fois qu'une licence d'exploration est accordée au Danemark pour cet hydrocarbure (5).Cependant, pour répondre aux inquiétudes environnementales (en particulier liées à l'émission de produits chimiques dans les ressources en eau), la municipalité a interdit le recours à la fracturation hydraulique : seuls des forages horizontaux "classiques" seront autorisés et les premiers devraient débuter d’ici le début de l’année 2015. Le recours à la fracturation hydraulique nécessitera une autorisation ultérieure que la municipalité ne rendra qu'une fois connus les résultats du forage classique. Cette avancée en la matière est un bon exemple d’une politique des "petits pas" qui peut permettre de répondre aux enjeux énergétiques et environnementaux en procédant par étapes. Le Danemark s’est ainsi engagé uniquement, pour l’heure, à conduire des travaux visant à mieux connaître son sous-sol par des prélèvements d’échantillons en profondeur et des mesures de différents paramètres physiques (dont la perméabilité et la porosité de la roche).Le rapport Gaz de schiste : comment avancer ? proposait ainsi la création d’un cadre souple permettant d’encadrer les premiers projets d’exploration et à termes les éventuels projets d’exploitation, tout en tenant compte des inquiétudes environnementales et des exigences des populations locales.L’engagement des populations locales et de la société civile dès le début de toute exploration et avant le commencement des travaux est en effet une étape nécessaire pour prendre en compte les inquiétudes, en particulier environnementales, exprimées. Par exemple, les Français sont 90 % à considérer que les produits chimiques utilisés pour la fracturation hydraulique polluent les nappes phréatiques, exprimant ainsi une forte exigence de transparence et d’information de la part de l’Etat et des opérateurs privés (6).L’Institut Montaigne suggère plusieurs pistes pour assurer une évolution progressive et contrôlée en la matière :- mettre en place une commission temporaire dédiée à la supervision des projets d’exploration du gaz de schiste, qui aura pour objectif de proposer des aménagements du cadre réglementaire selon les retours d’expérience issus de projets pilotes ;- développer un (ou plusieurs) sites-pilotes sur la fracturation hydraulique pour montrer ses implications techniques et son impact environnemental ;- créer des structures d’information et d’échanges avec les populations locales ;- rendre systématique et contraignante la réalisation d’études d’impact environnemental dès la phase d’exploration.(1) Quelle intégration des énergies renouvelables dans le mix énergétique ?, Euractiv, 10 octobre 2014.(2) Ifri, Gaz de schiste en Pologne, au Royaume-Uni et au Danemark: vers un modèle européen ?, janvier 2014.(3) EIA, Technically recoverable Shale Oil and Shale Gas Resources: An Assessment of 137 Shale Formations in 41 Countries Outside the United States, juin 2013.(4) Institut Montaigne, Gaz de schiste : comment avancer ?, juillet 2014.(5) “Danish municipality approves country's first shale gas drilling licence”, Euractiv, 27 juin 2014.(6) Ifop, Sondage – Les Français et le gaz de schiste, 27 mars 2013.ImprimerPARTAGER