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25/01/2016

Franck Morel : "Il faut viser l'inversion de la hiérarchie des normes pour privilégier l'entreprise"

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Franck Morel :
 Institut Montaigne
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Institut Montaigne


Interview de Franck Morel, avocat associé Barthélémy avocats, membre du groupe de travail qui a produit le rapport Sauver le dialogue social , parue dans Les Echos , le 25 janvier 2016. Propos recueillis par Leïla de Comarmond

Quels sont, selon vous, les ingrédients d'une réforme réussie du Code du travail ?
Le mot-clef doit être la sécurité. Attention au mirage de la fausse simplicité, c'est-à-dire de l'édiction de principes vagues rencontrant l'assentiment de tous. Ce qui est flou, imprécis, général doit être interprété. Cela donne la clef aux juges a posteriori. Exemple : le principe de faveur, selon lequel entre deux normes, on doit appliquer la plus favorable pour le salarié. La future réforme du Code du travail doit viser l'inversion de la hiérarchie des normes pour privilégier l'entreprise comme niveau de fixation des règles, au plus près du terrain. Mais le principe de faveur peut conduire à relativiser ce déplacement souhaitable du lieu de construction de la norme.

L'exécutif maintient l'ambiguïté sur la place de la branche dans le futur dispositif. Quelle doit-elle être ?
Il faut mieux préciser son rôle. Privilégier le niveau de l'entreprise est souhaitable, à trois exceptions près où la branche doit imposer ses règles : les très petites entreprises, qui ne sont pas armées pour négocier des accords ; la mutualisation de la protection sociale, de la formation ; l'égalisation des conditions de concurrence. Sur ce dernier point, je plaide pour un champ restreint : peut-être les indemnités de rupture, assurément les grilles de classification et le salaire minimum… Le rapport de l'Institut Montaigne auquel j'ai contribué propose ainsi que le SMIC soit fixé par les branches. Si c'était le cas, cela ne signifierait pas une diminution de leur pouvoir, bien au contraire. Cela implique aussi que le mouvement de regroupement des branches engagé par le gouvernement aille à son terme.

Faut-il imposer des accords majoritaires systématiquement ?
C'est une évolution inéluctable, qui s'inscrit dans le prolongement de la réforme de la représentativité syndicale prévue dans la loi du 20 août 2008. Et cela fonctionne. Regardez ce qui se passe pour les plans de sauvegarde de l'emploi. Avant la loi de 2013, à peu près un accord de méthode sur quatre était signé avec les syndicats sans exigence majoritaire. Depuis, on est à 60 % d'accords majoritaires signés.

Faut-il aussi que l'accord d'entreprise s'impose au contrat de travail ?
Oui. Il faut une règle simple. Mais la question importante concerne les conséquences du refus par le salarié de la modification de son contrat de travail. Que se passe-t-il si un ou plusieurs salariés refusent ? Je ne suis pas partisan de contraindre les réfractaires à la démission. Mais plutôt de s'inspirer du mécanisme que prévoyait la loi Aubry sur les 35 heures. En cas de refus par un salarié de la modification de son contrat de travail, c'était un motif sui generis de licenciement et non un licenciement économique. Il faut aller plus loin et créer un régime de licenciement ad hoc avec des indemnités moins élevées que pour un licenciement économique pour éviter que cela se transforme en un faux plan de départ volontaire.

Ne craignez-vous pas avec une loi "light" un renforcement du poids de la jurisprudence ?
C'est un risque fort auquel on doit être attentif. Il faut trouver la bonne maille entre un principe général trop imprécis qui ne simplifie rien et un luxe de détails. C'est aussi un des enjeux essentiels de la réforme. Il faut, en outre, que la norme négociée ne soit pas regardée par le juge comme la décision unilatérale. Pour ce faire, le législateur pourrait peut-être s'inspirer… de la jurisprudence de la Cour de cassation. Dans un arrêt du 27 janvier 2015, elle a affirmé que les différences de traitement conventionnelles sont présumées justifiées sauf à ce que le demandeur démontre qu'elles ne reposent pas sur des considérations de nature professionnelle.

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