Deux expérimentations concrètes pour vaincre l'échec scolaire

Depuis 2005, Michel Zorman - médecin au Centre de référence des troubles du langage au CHU de Grenoble et membre du laboratoire de sciences de l'éducation à l'Université Pierre Mendès France de Grenoble (UPMF) - et son équipe (M. Bianco, P. Bressoux, C. Lequette, G. Pouget, LSE UPMF Grenoble) ont démontré qu’il était possible de réduire l’échec scolaire, et ce, avant qu’il n’affecte la scolarité ultérieure d’enfants issus de milieux défavorisés.

/ PARLER

Le programme de prévention de l'illettrisme et de l'échec scolaire P.A.R.L.E.R. (Parler Apprendre Réfléchir Lire Ensemble pour Réussir) a porté ses fruits en réduisant très significativement l’illettrisme et l’échec scolaire d’enfants issus de milieux défavorisés. Cette expérimentation s’est déroulée de 2005 à 2008 dans huit classes (auprès de 200 élèves) à forte homogénéité sociale, sur trois années scolaires du cycle II, encore appelé "cycle des apprentissages fondamentaux" (grande section de maternelle, CP, CE1) dans plusieurs écoles Réseaux Education Prioritaire (REP) de Grenoble.

• Les trois principes de PARLER

1. Tous les enfants peuvent apprendre à lire : il faut centrer "l’intervention sur les acquisitions permettant la maîtrise de la langue orale et écrite"^[1]. L’apprentissage doit commencer le plus tôt possible.

2. Les acquisitions langagières des enfants sont une priorité : implication des familles, des intervenants périscolaires de quartier, synergie avec les pratiques pédagogiques de l’école.

3. L’intervention est continue dans le temps : "elle se déroule sur trois ans au moment charnière de l’apprentissage de la lecture, et de l’entrée dans la pratique de l’écrit : de la grande section de maternelle à la fin du CE1"^[2].

• La méthode

- La pédagogie valorise la lecture "comme outil d’apprentissage dans tous les domaines des connaissances"^[3]
- Lorsqu’un enfant commence à développer "des difficultés d’apprentissage, l’intervention doit être immédiate, individualisée et intensive"^[4]
- 6 heures par semaine, fragmentées en 30 minutes, sont dédiées à la lecture
- Un travail en petits groupes (4-6 élèves) est conduit plusieurs fois par semaines
- Les parents deviennent les acteurs de l’aide qu’ils peuvent apporter à leurs enfants grâce à des rencontres trimestrielles avec les enseignants par petits groupes de parents "autour de l’utilisation d’activités partagées réalisables à la maison et favorisant les interactions langagières avec leurs enfants (…)"^[5].

• Les résultats : comparaison des résultats en compréhension de l’écrit des élèves des groupes témoin et PARLER avec l’évaluation nationale CE2 de 2006

Ainsi, les performances obtenues par le programme PARLER sont non seulement proches de celles de l’échantillon national mais elles sont aussi meilleures que celles du groupe témoin, c'est-à-dire des classes de caractère similaire où cette méthode n’a pas été mise en œuvre. Réunies, les deux dernières catégories des élèves faibles (score inférieur à 60), "représentent alors 25% du groupe témoin, 18% de l’échantillon national et seulement 12% du groupe PARLER"^[6].

Pour plus d’informations et pour visionner l’interview de Michel Zorman : http://www.programme-parler.fr/

/ PARLER BAMBIN

D’autres expérimentations s’inscrivent dans cette démarche, telle que depuis 2007 le programme "Parler Bambin", également pilotée par Michel Zorman. L’objectif consiste à améliorer l’acquisition des compétences langagières des enfants de 18 à 30 mois, par le biais d’interventions langagières avec des petits groupes d’enfants (20 minutes d’ateliers, trois fois par semaine). Cette expérimentation permet de mettre en place le plus en amont possible des outils et une méthode pour contribuer à lutter contre les inégalités sociales et l'échec scolaire.

Cette initiative s’inspire de programmes "de prévention précoce de l’échec scolaire mis en œuvre aux USA et au Canada, dont les effets positifs ont été démontrés"^[7]. Les évaluations de cette expérimentation (menées par l'Inserm de Paris et par le CNRS de Montpellier) ont démontré une forte progression du langage pour tous les enfants du groupe expérimental, "particulièrement pour les enfants qui avaient, au départ, un niveau faible ou moyen".

"Au vu des résultats probants de cette phase de test (sur 3 crèches), le Centre communal d’action social de la ville de Grenoble a décidé de généraliser ce programme à 12 autres crèches (depuis le 1er septembre 2009), avec pour objectif de le mettre en place dans tous les équipements petite enfance de la ville"^[8].

Pour plus d’informations et pour visionner l’interview de Michel Zorman : http://www.parler-bambin.fr/
Sur les outils pédagogiques utilisés et diffusés par les éditions de La Cigale : http://www.editions-cigale.com/blogs

Ces expérimentations réussies constituent un remède efficace et généralisable pour vaincre l’échec dès la petite enfance, tout en réduisant les inégalités sociales. Dans son récent rapport Vaincre l’échec à l’école primaire, l’Institut Montaigne propose de s’appuyer sur ces travaux afin de lutter contre l’échec scolaire (proposition n°3). L'Institut Montaigne demande également aux responsables politiques de prendre le décret permettant la création d’établissements publics d’enseignement primaire (proposition n° 10) au sein desquels les équipes pédagogiques pourront pratiquer des expérimentations qui feront l’objet d’évaluations systématiques avant d’être étendues (propositions n° 13).

En savoir plus sur les 13 propositions de l'Institut Montaigne pour vaincre l'échec à l'école primaire : http://www.institutmontaigne.org/vaincre-l-echec-a-l-ecole-primaire-3179.html