Rechercher un rapport, une publication, un expert...
L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.
20/05/2009

Crise : où va l’Université ?

Imprimer
PARTAGER
 Christian Forestier
Auteur
Ancien recteur

Tout le monde sait que l’enseignement supérieur français est depuis toujours organisé en deux ensembles distincts, longtemps considérés comme étrangers l’un par rapport à l’autre. D’un côté un système dit "ouvert", l’université d’accès libre, de l’autre un système dit "fermé", des écoles et des instituts qui choisissent leurs étudiants. On ignore souvent que les deux systèmes accueillent des flux numériquement comparables pour l’entrée dans l’enseignement supérieur.

S’agissant des rapports universités/écoles, après des siècles de non dialogue, voire d’affrontements, un rapprochement très net s’est opéré depuis 1968 avant de s’accélérer particulièrement au cours de la dernière décennie. Une décision politique a joué un rôle moteur dans ce rapprochement, c’est la mise en place d’un standard européen, le dispositif dit LMD, qui du fait de sa proximité avec le modèle nord américain tend à faire de ce standard en trois niveaux, la référence internationale. En acceptant que les écoles et les instituts non universitaires puissent délivrer des grades universitaires tels que le master et le doctorat, les universités ont eu une attitude très ouverte qu’il faut saluer ; en acceptant de rentrer dans des PRES aux côtés des universités, les écoles ont fait preuve de la même ouverture.

Il faut donc s’interroger sur les conséquences que peut avoir la crise universitaire actuelle sur cette politique de rapprochement. Cette crise est la plus longue et la plus dure depuis 1968. Incontestablement elle renvoie, tant aux yeux des usagers que des décideurs, une image négative de l’université. Certains diront que cette image négative n’est pas récente et qu’elle est dénuée de fondements. Si la première affirmation est vraie, la seconde se trouve aujourd’hui mise à mal, y compris chez beaucoup de ceux qui jusqu’alors ont porté le discours contraire.

Il ne sert à rien de se dissimuler la réalité : les futurs étudiants privilégient de plus en plus le secteur sélectif. S’il y a dix ans, les entrants en première année de l’université représentaient un bachelier sur deux, ils ne sont plus aujourd’hui qu’environ 40 %. La crise actuelle ne peut qu’accentuer cette dérive. Les discours démagogiques ne changeront rien, les futurs bacheliers privilégieront encore plus les filières sélectives. Il est difficile de leur donner tort. On peut continuer à défendre le libre accès comme un des symboles de la démocratie, mais il faut savoir que ce symbole ne trompe personne, il est seulement subi par les moins favorisés, ceux qui n’ont pas les moyens de faire autre chose ou tout simplement qui ne connaissent pas les codes. L’accès à la première année de licence devient de plus en plus à l’enseignement supérieur ce que la première année de BEP est au lycée. Il n’est pas certain que l’objectif recherché soit celui-là, mais la situation ne peut aujourd’hui qu’évoluer dans cette direction. Sauf à mettre fin à cinq siècles de libre accès. Cet objectif est-il vraiment celui de ceux qui veulent "continuer le combat" ?

Recevez chaque semaine l’actualité de l’Institut Montaigne
Je m'abonne