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29/01/2015

Attentats de janvier 2015 : quelles leçons pour le renseignement français ?

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Peut-on parler d'une faille du renseignement intérieur au sujet des attentats de janvier 2015 ? Comment améliorer l'efficacité de nos services de renseignement ? Une nouvelle loi sur le renseignement est-elle nécessaire ? La Commission Nationale de Contrôle des Interceptions de Sécurité (CNCIS) risque t-elle d'être mise à mal ? Éléments de réponse avec Sébastien-Yves Laurent, auteur de Pour une véritable politique publique du renseignement, publié en juillet dernier.


Peut-on parler d’une faille du renseignement intérieur au sujet des attentats de janvier 2015 ?

Les attentats ont eu lieu, donc c’est la preuve qu’il y a eu à un endroit du dispositif de sécurité ou de renseignement, une difficulté, un problème. Certains parlent d’échec. Ce dont il faut s’apercevoir c’est qu’on a très vite su qui étaient ces trois individus, on s’est très vite aperçu qu’ils avaient été à des moments différents de leurs carrières, si je puis dire, suivis, connus par les services. Finalement, il y a eu des moments où ils ont été perdus par les services mais ce qui parait une faille du renseignement, correspond finalement à ce qu’est une démocratie libérale. C’est-à-dire qu’on ne peut pas surveiller en permanence les individus. Et, la question qui est posée c’est celle du passage à l’acte, qui est la question centrale, et on ne peut pas savoir quand passeront à l’acte des individus dangereux. C’est essentiel dès lors que l’on pose la question d’un éventuel échec du renseignement.

Comment améliorer l’efficacité de nos services de renseignement ?

L’essentiel de l’intelligence d’un service de renseignement c’est sa capacité d’analyse. Il doit investir en permanence, réfléchir, à la qualité de ce qu’il produit. Et la qualité de ce qu’il produit c’est sa capacité à réfléchir sur la menace de demain, sur la menace dans cinq ans, sur la menace éventuellement dans dix ans, il la fonde sur l’analyse. Autrement dit, il faut que le service de renseignement puisse disposer de compétences et d’une méthode d’analyse et cette méthode d’analyse elle existe, peut-être qu’elle n’est pas assez présente dans les services en France. Et cette méthode d’analyse, c’est finalement utiliser la méthode des sciences sociales : c’est combiner de l’anthropologie, de la sociologie, de l’histoire bien sûr et de la science politique pour évaluer dans des temporalités variées, demain jusqu’à après-demain, des menaces différentes sur le territoire, sur le territoire de l’Union européenne, comme en dehors. Fondamentalement, les agences de renseignement doivent se tourner vers une méthode de travail d’analyse et cette méthode ce sont les sciences sociales, et elles-seules qui peuvent la lui donner.

Une nouvelle loi sur le renseignement est-elle nécessaire ?


Une loi avait été promise par la nouvelle majorité dès l’élection du président de la République. Les évènements terroristes de Paris ont accéléré considérablement cette loi qui était inscrite sur l’agenda parlementaire de cette année, il est vraisemblable qu’elle sera votée avant l’été. Elle était, et c’est une bonne chose, en préparation avant les attentats. Il faut espérer que cette loi qui sur le principe est une excellente chose, je le redis, il faut espérer que cette loi ne soit pas trop orientée, déformée, par rapport à son projet initial, par l’actualité immédiate que sont les attentats. Autrement dit, il faudra que les parlementaires des commissions compétentes légifèrent à froid. C’est leur responsabilité politique.


La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) risque-t-elle d’être mise à mal ?

Cette commission elle est peu connue des français, elle est très importante. C’est cette commission qui donne un avis par rapport aux demandes formulées par les services de renseignement en matière principalement d’écoutes, ou de dispositifs d’interceptions des communications pour le dire d’une façon plus générale. Autrement dit, cette CNCIS est un gardien quotidien des libertés publiques, des libertés fondamentales. Elle n’a pas été mise à mal, son président s’est exprimé et a justifié le fait que l’on ne pouvait pas surveiller en permanence toute une série d’individus dangereux dès lors que les premières surveillances n’avaient pas montré de façon avérée leur dangerosité. Autrement dit, on comprend là, toute la difficulté du travail de surveillance quotidien et toute la difficulté pour cette commission de juger de la nécessité ou non de poursuivre les surveillances. Donc la CNCIS n’a je crois, pas été mise à mal, il faut, à mon sens, la renforcer. Il y a trois fonctionnaires qui y travaillent, cela est garant de la confidentialité mais cela obère peut-être en partie sa réactivité. Or, on a bien vu qu’il s’agissait souvent d’être très réactif en matière de surveillance.

Notre étude : Pour une véritable politique publique du renseignement, Juillet 2014

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