La construction de Nord Stream 2 a été achevée, la procédure de certification n’a été suspendue que récemment, Olaf Scholz a longtemps refusé de mentionner explicitement le gazoduc parmi les sanctions préparées en réaction à cette invasion.
Co-président du SPD depuis décembre dernier, Lars Klingbeil a tenté de tirer les enseignements du retour de la guerre en Europe à l'occasion d'un colloque organisé pour le centième anniversaire de la naissance d'Egon Bahr, l'architecte de l'Ostpolitik des années 1970, auquel Vladimir Poutine rendait hommage l’an dernier dans une tribune de l’hebdomadaire die Zeit. "Je reste convaincu qu'il était juste d'investir dans le dialogue et l'échange avec la Russie", souligne Lars Klingbeil. "Rétrospectivement, ajoute-t-il, nous devons naturellement nous demander si l'intervention en Géorgie en 2008, l'annexion de la Crimée en 2014, les assassinats commandités à Londres et Berlin auraient dû faire l'objet d'une évaluation différente, si nous aurions dû interpréter différemment ces signaux". Le co-président du SPD expose quatre pistes de réflexion :
- "nous ne pouvons tendre la main qu'à partir d'une position de force", ce qui implique notamment de porter les crédits de défense nettement au-dessus du seuil des 2 % du PIB ;
- l'UE doit "refaire son apprentissage géopolitique", devenir "plus souveraine, et cela très, très rapidement", les négociations d'adhésion avec l'Albanie et la Macédoine du nord doivent être accélérées ;
- "la dépendance économique envers les États autoritaires doit être réduite", "il faut aujourd'hui admettre que le concept du “changement par le commerce” ("Wandel durch Handel") a échoué" et éviter une dépendance comparable avec la Chine, met en garde Lars Klingbeil ;
- il est nécessaire d’expliquer les enjeux de politique étrangère à l'opinion publique pour obtenir son soutien.
Les nouveaux défis de la coalition
La guerre en Ukraine met en cause des composantes fortes de l'identité des trois partis de la coalition gouvernementale : l'Ostpolitik pour le SPD, le pacifisme pour les Verts et l'orthodoxie budgétaire pour le FDP. Cela dit, "en quelques semaines le gouvernement Scholz a fait plus en matière de politique de sécurité qu'Angela Merkel pendant 15 ans", se félicite Mathias Döpfner, président du groupe de presse conservateur Axel Springer. Il est certes plus facile pour les écologistes et les libéraux, qui depuis des années ne participaient plus au gouvernement fédéral, de dresser un inventaire critique des dernières coalitions et de procéder à des révisions douloureuses. Parmi les problèmes posés par la guerre en Ukraine figure le défi énergétique. Le Ministre de l'Économie Robert Habeck va s’employer à éliminer d’ici l'automne le recours au charbon russe et à supprimer l'essentiel des importations de pétrole russe avant la fin de l'année, l'objectif d'indépendance par rapport au gaz russe (40 % de la consommation au premier trimestre 2022) est fixé à la mi-2024. Un arrêt brutal des livraisons de gaz, conséquence possible du bras de fer actuel entre le Kremlin et les pays européens sur le mode de paiement du gaz russe, aurait un fort impact sur l’industrie allemande.
La coalition tripartite devra aussi décider de l’utilisation efficace du fonds spécial d’investissements de 100 milliards d’euros pour la Bundeswehr et arbitrer entre les impératifs, parfois divergents, de coopération transatlantique et de souveraineté stratégique européenne. Si le “Wandel durch Handel” semble condamné par le comportement russe, la réorientation du modèle mercantiliste, à l’égard de la Chine en particulier, prendra du temps. La première stratégie nationale de sécurité, attendue cette année sera l’occasion de préciser les orientations de politique étrangère et de défense de l’Allemagne dans un contexte géostratégique radicalement modifié. Le "changement d'époque" évoqué par Olaf Scholz, souligne la FAZ, implique que toute la classe politique allemande, du Président fédéral aux dirigeants des Länder, tire les leçons de la "catastrophe" de politique étrangère qui vient de se produire et recouvre une vision stratégique du monde.
Copyright : John MACDOUGALL / AFP
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