Contributeurs : Gilles Carrez, Ancien Député du Val De Marne, et Gilles Savary, Ancien Député de Gironde.
Propos recueillis par Iona Lefebvre, Chargée d'études sur les questions de dynamiques territoriales.
L’augmentation des tarifs des transports en commun en Ile-de-France (de 12% pour le pass navigo), annoncée le 6 décembre, suscite de nombreux débats, aussi bien pour les usagers que pour une partie de la classe politique. Cette annonce s’inscrit dans un contexte marqué à la fois par l’inflation et une perception de dégradation des services du réseau francilien, dûe notamment aux pénuries de main d'œuvre que connaissent les opérateurs de transport.
Cette hausse des tarifs serait justifiée par la situation déficitaire des finances d’Île-de-France Mobilités (IDFM), l’autorité organisatrice des transports franciliens. Cette mesure peut également être perçue comme un appel à l’État pour l’inciter à faire sa part d’effort en faveur des transports franciliens. Au-delà des débats "à chaud" et de nature profondément politique que cette mesure suscite, il est essentiel de rappeler l’opportunité que représente la politique tarifaire pour le réseau de transports franciliens, au regard de la réalité de ses difficultés financières et des enjeux de soutenabilité de son modèle, sans nécessairement opposer tarification et justice sociale.
Pour cela, Gilles Carrez et Gilles Savary, anciens parlementaires et co-présidents du rapport de l’Institut Montaigne Mobilités en Île-de-France : ticket pour l’avenir (juillet 2022) apportent leur analyse et leurs recommandations sur ce sujet d’une importance majeure pour l’avenir des transports collectifs franciliens.
Quelle est votre lecture de l’annonce d’une augmentation des tarifs des transports en Île-de-France ?
Gilles Savary :
Dans le rapport que nous venons de co-présider Gilles Carrez et moi, nous nous inscrivons dans la continuité des préconisations de la quasi unanimité des experts, en faveur d’un relèvement des recettes tarifaires en Île-de-France, et plus généralement en France où elles sont parmi les plus faibles d’Europe alors que les transports publics nécessitent des investissements soutenus et continus dans l’infrastructure comme dans les matériels de transports. Nous nous sommes gardés de toute préconisation concernant le niveau et le rythme de cet éventuel rattrapage tarifaire, déjà suggéré par un rapport remis au Gouvernement par l’ancien Député PS Philippe Duron, mais nous en approuvons le principe pour trois raisons essentielles.
D’abord, les transports publics, pour être attractifs, nécessitent des dépenses considérables en investissement, entretien et exploitation, qui ont besoin de recettes régulières, dédiées, et si possible à l’abri des imprévus et des lourdeurs de délibérations politiques annuelles. Sauf crise hors norme comme celle du Covid-19, les recettes tarifaires, comme le versement mobilité (contribution au financement des transports en commun dûe par les employeurs du secteur privé et public de plus de 11 salariés) constituent des recettes prédictibles qui ne sont pas exposées aux aléas politiques de l’annualité budgétaire des collectivités publiques.
En outre, les transports franciliens, dans une mégapole hors normes (concentrant 18 % de la population française) sont contraints à des investissements réguliers d’un montant exceptionnel pour faire face à la croissance démographique et à la restriction de l’automobile en ville. Or, IDFM se retrouve dans une impasse financière avec 750 millions d’euros de déficit en 2022 et une dette à hauteur de 7 milliards d’euros. Plusieurs facteurs sont en cause : le remboursement de la dette accumulée en raison de la crise sanitaire, la pré exploitation du Grand Paris Express (GPE), la hausse des coûts de l’énergie…
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