Supprimer la flat tax et imposer les revenus du capital comme ceux du travail
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Chiffrage de l’Institut Montaigne : Gain entre 2,1 Md€ et 2,3 Md€ (à assiette constante) ; 1,5 Md€ en prenant en compte les effets de comportement sur le versement de revenus mobiliers.
Depuis 2018, les contribuables peuvent opter pour un prélèvement forfaitaire unique, au taux de 30 %, sur leurs revenus du capital (revenus de capitaux mobiliers et plus-values mobilières), dont 17,2 % de prélèvements sociaux et 12,8 % au titre de l’impôt sur le revenu. La mesure proposée vise à taxer ces revenus au barème progressif de l’impôt sur le revenu, ce qui représente une hausse d’impôts pour les contribuables soumis au PFU.
La mise en place du PFU en 2018 représente un coût de 1,8 Md€ pour l’État en rythme de croisière (1). Le manque à gagner lié à la baisse du taux moyen d’imposition par rapport à une taxation au barème a toutefois été limité par l’augmentation des dividendes liée à la mesure.
En actualisant le manque à gagner estimé avec l’accroissement des revenus du capital, et dans l’hypothèse où les comportements des acteurs économiques restent inchangés, le retour à une imposition au barème de l’impôt sur le revenu des revenus du capital rapporterait ainsi entre 2,1 Md€ et 2,3 Md€à l’État.
Toutefois, les réformes précédentes ont montré que le montant des dividendes était fortement sensible au taux d’imposition. La suppression du PFU correspondant à une hausse du taux de prélèvements, la mesure conduirait probablement à une baisse de l’assiette taxable, et donc à un gain budgétaire plus faible. Dans l’hypothèse où l’assiette taxable reviendrait à son niveau de 2017 (soit avant l’instauration du PFU), le rendement de la suppression du PFU serait de 1,5 Md€.
Impact macroéconomique
France stratégie a évalué l’intérêt de la mesure du PFU dans le cadre d’une évaluation de politique publique (2). Dans son troisième rapport, France stratégie note un certain nombre d’effets positifs liés à la mise en place du PFU en 2017 :
- La mise en place du PFU a conduit la France à rapprocher son imposition des revenus du capital de la moyenne des principaux pays développés, mais les politiques fiscales s’orientent plutôt depuis 2020 vers un accroissement de cette fiscalité.
- La distribution de dividendes a augmenté. Ainsi, le rapport mentionne « qu’au niveau macroéconomique, les dividendes ont chuté en 2013 simultanément à la mise en place de la barémisation, puis ont retrouvé leur niveau initial en 2018 simultanément à la mise en place du PFU, et se sont maintenus à ce niveau en 2019 et 2020« . Ainsi, les versements de dividendes ont augmenté de + 15 % sur la seule année 2018.
- L’accroissement de la distribution de dividendes n’a pas conduit à une augmentation de l’investissement. En revanche, l’examen des données exclut de moindres activités professionnelles en raison d’un surcroît de rémunération sous forme de dividendes.
- La mise en place du PFU a accru le pouvoir d’achat des ménages, mais aussi les inégalités. Une étude de l’Insee (3) a montré que la mise en place du PFU au titre de l’impôt sur le revenu en 2018 a conduit à une hausse du revenu disponible des ménages de 1,76 Md€, ce qui correspond au coût budgétaire de la réforme. Toutefois, les gains sont fortement concentrés sur les 5 % de contribuables les plus aisés. La suppression du PFU aurait ainsi un effet de réduction des inégalités.
Par ailleurs, la diminution de la fiscalité du patrimoine pourrait aussi favoriser l’épargne des ménages vers des actifs plus rémunérateurs mais aussi plus risqués, c’est-à-dire vers les actifs sous forme de participations ou de capitaux propres plutôt que vers les actifs obligataires.
(1) Source : Rapport économique social et financier annexé au projet de loi de finances, 2020 à 2022.
(2) Cf. les 3 rapports du Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital
(3) Paquier et Sicsic, Effets des réformes 2018 de la fiscalité du capital des ménages sur les inégalités de niveau de vie en France : une évaluation par microsimulation (2020) – Économie et Statistique / Economics and Statistics – Prepublication | Insee.
État actuel de l’imposition des revenus du capital
L’article 28 de la loi de finances pour 2018 (1) prévoit la possibilité pour les contribuables d’opter pour une imposition forfaitaire de leurs revenus du capital (revenus de capitaux mobiliers et plus-values mobilières). Le taux de ce prélèvement forfaitaire unique (PFU) est de 30 %, dont 17,2 % de prélèvements sociaux et 12,8 % au titre de l’impôt sur le revenu.
En 2022, le rendement du PFU au titre de l’impôt sur le revenu est estimé à 4,5 Md€ (2), soit une augmentation de 28,6 % depuis 2018.
2018 (sur revenus 2017) | 2022 | |
Rendement | 3,5 | 4,5 |
Montant des revenus soumis au PFU | 27,34 | 35,16 |
Source : Voies et Moyens Tome 1, PLF 2018 à 2022
Le montant de l’assiette soumise au PFU est recalculé en divisant le rendement par le taux d’impôt sur le revenu, soit 12,8 %.
Le PFU 2018 est calculé sur les revenus 2017, le prélèvement à la source n’étant pas encore appliqué en 2018.
Impact statique de la mesure
Les documents annexés aux projets de lois de finances (Voies et Moyens d’une part et Rapport économique, social et financier d’autre part) chiffrent le coût lié à l’instauration du PFU à 1,8 Md€ en régime de croisière, par rapport à une situation où les revenus de capitaux seraient taxés au barème de l’impôt sur le revenu. Ces chiffrages ne prennent toutefois pas complètement en compte les effets de la baisse de la fiscalité sur le versement des dividendes. Ainsi, une étude de l’Institut des politiques publiques (3) estime le coût de la réforme à 1,6 Md€, l’augmentation du montant de dividendes versés compensant en partie le manque à gagner.
Par parallélisme, le gain lié à la suppression du PFU peut donc être estimé en première approche à un montant compris entre 1,6 Md€ et 1,8 Md€ hors actualisation à 2022 de la dynamique des revenus du capital et en l’absence d’effets de la réforme de la taxation sur l’assiette. En actualisant ce chiffre avec l’accroissement entre 2018 et 2022 des revenus du capital, le gain serait compris entre 2,1 et 2,3 Md€.
La taxation des revenus de capitaux mobiliers rapporterait donc 6,8 Md€ dans une hypothèse maximaliste.
Ce chiffre correspond à un taux moyen d’imposition de 6,8/35,16 = 19 %, contre 12,8 % avec le PFU.
Impact dynamique de la mesure
Plusieurs études ont montré une sensibilité importante des versements de dividendes aux évolutions de la taxation des revenus du capital mobilier. Une étude de l’Institut des politiques publiques (4) note que la réforme de 2013 (suppression du prélèvement forfaitaire libératoire et taxation au barème des revenus mobiliers) a conduit à une baisse de 40 % des dividendes déclarés. Les entreprises contrôlées par des personnes physiques ont stoppé la distribution de dividendes, et ont accumulé davantage d’actifs financiers et de fonds propres. À l’inverse, la mise en place du PFU a conduit à une augmentation des dividendes de 15 % pour la seule année 2018, et l’effet positif de la réforme sur les versements s’est poursuivie sur les années suivantes, malgré la crise sanitaire.
Dans l’hypothèse où le retour à une taxation au barème de l’impôt sur le revenu ferait retomber les revenus du capital à leur niveau de 2017 (soit 27,34 Md€, soit encore 30,8 Md€ si on stabilise ce chiffre en part de PIB (5)), et en appliquant à cette assiette le taux moyen d’imposition calculé toutes choses égales par ailleurs (19 %), on obtient un rendement de la taxation du capital de : 30,8 * 19 % = 6,0 Md€.
Le rendement de la mesure ne serait donc plus que de 6,0 – 4,5 = 1,5 Md€.
Difficulté
Les effets sur l’assiette taxable de la hausse de la fiscalité des revenus de capitaux sont estimés à partir de données issues des réformes précédentes et ne sont donc pas toujours actualisés. Par ailleurs, certains effets ne sont pas documentés précisément. Le dernier rapport de France Stratégie sur les réformes de la fiscalité du capital (6) relève notamment que l’ampleur des variations des dividendes en fonction du taux de taxation reste difficile à identifier sur un échantillon large. En outre, les estimations se concentrent sur la question des dividendes et n’incluent pas les autres revenus mobiliers.
Historique de la mesure
Avant 2013, les contribuables pouvaient choisir entre l’application d’un prélèvement forfaitaire libératoire (PFL) sur leurs revenus mobiliers et l’imposition de ces revenus au barème de l’impôt sur le revenu. Le taux du PFL variait selon la nature des revenus du capital : 21 % pour les revenus distribués (dividendes et assimilés) et 24 % pour les revenus fixes (intérêts). Les plus-values mobilières étaient imposées forfaitairement.
Le PFL a été supprimé par la loi de finances pour 2013, qui prévoyait une application obligatoire du barème de l’impôt sur le revenu pour les revenus de capitaux. Des abattements étaient toutefois prévus (abattement de 40 % pour les dividendes, abattement pour durée de détention pour les plus-values mobilières). L’application de cette mesure a conduit à des comportements d’optimisation fiscale de la part des entreprises : les dividendes versés ont diminué de 40 %. La baisse de l’assiette taxable a ainsi conduit à un effet négatif de – 400 M€ sur les recettes de l’État.
Benchmark
Depuis les années 1990, la plupart des pays européens ont progressivement adopté une taxation proportionnelle des revenus du capital. À la suite des pays scandinaves, plusieurs pays ont opté pour un régime dual : imposition progressive des revenus du travail et imposition proportionnelle des revenus de capitaux mobiliers. Ces pays appliquent généralement des taux d’imposition des revenus du capital inférieurs ou égaux à 30 % (par exemple, les taux sont de 26,4 % en Allemagne, 26 % en Italie, 15 % en Grèce, 30 % en Suède, 25 % en Finlande (7)). Dans un système de taxation proportionnelle, les exonérations et abattements sont généralement plus limités.
La France se distingue par ailleurs par une taxation importante des revenus du capital : elle se classe en deuxième position parmi les pays européens s’agissant du poids dans le PIB des prélèvements sur les revenus du capital des ménages (8). En 2019, la France reste ainsi le pays de l’Union européenne qui présente le taux de taxation implicite du capital (défini comme le rapport entre le produit des prélèvements obligatoires sur le capital et le montant des revenus du capital) le plus élevé (9). Ce résultat serait encore renforcé par la suppression du PFU.
Fiscalité du capital en % du PIB | |
Luxembourg | 12,3 |
France | 11 |
Belgique | 10,6 |
Danemark | 9,8 |
Itlaie | 9,8 |
UK | 9,7 |
Norvège | 9,6 |
Pologne | 8,6 |
Chypre | 8,5 |
Zone euro | 8,5 |
Malte | 8,2 |
Grèce | 8,2 |
UE (27) | 8,2 |
Pays-Bas | 7,9 |
Espagne | 7,8 |
Autriche | 7,5 |
Finlande | 7,3 |
Portugal | 7 |
Allemagne | 6,9 |
Suède | 5,9 |
Irlande | 5,7 |
Rép. Tchèque | 5,3 |
Slovénie | 5 |
Croatie | 5 |
Bulgarie | 4,8 |
Slovaquie | 4,3 |
Hongrie | 4,2 |
Roumanie | 3,9 |
Lithuanie | 3,5 |
Estonie | 2,6 |
Lettonie | 2,4 |
Mise en œuvre
S’agissant d’une mesure fiscale, l’imposition des revenus du capital au barème de l’impôt sur le revenu devrait être votée en loi de finances.
(1) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
(2) Source : Voies et Moyens Tome 1 annexé au projet de loi de finances pour 2022.
(3) Bach et al. (Institut des Politiques publiques) Quelles leçons tirer des réformes de la fiscalité des revenus du capital (2019) – Quelles leçons tirer des réformes de la fiscalité des revenus du capital ? | Institut des Politiques Publiques – IPP.
(4) Bach et al. précité.
(5) Comptes nationaux de l’Insee (2020) et RESF 2022 annexé au PLF 2022, page 212 pour les prévisions de PIB cohérentes avec les prévisions de PFU.
(6) France Stratégie (2021), Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital – Troisième rapport.
(7) Conseil des Prélèvements obligatoires, 2018, Les prélèvements obligatoires sur le capital des ménages : comparaisons internationales, rapport particulier n°5
(8) Commission Européenne, Taxation trends in the European Union : data for the EU Member States, Iceland, Norway and United Kingdom : 2021 edition (2021)
(9) Idem.
Rendre la CSG progressive sur 14 tranches
Augmenter le Smic à 1 400 € net
Assujettir aux cotisations sociales les revenus d’intéressement, de participation et d’épargne salariale
Encadrer les loyers partout sur le territoire et à la baisse dans les grandes villes
Mettre fin au quotient conjugal
Augmenter les droits de succession sur les plus hauts patrimoines et créer un héritage maximal de 12 M€
Rendre l'impôt sur le revenu plus progressif avec un barème à 14 tranches
Réduire la TVA sur les produits de première nécessité et réinstaurer une TVA grand luxe pour la financer
Plafonner les frais bancaires
Imposer les autres transactions immobilières par une taxe progressive
Instaurer une tarification progressive de l'énergie