« Mettre fin au quotient conjugal ».
Jean-Luc Mélenchon propose de mettre fin au quotient conjugal. En effet, en France, l’impôt sur le revenu est conjugalisé, c’est à dire qu’il dépend du statut marital des redevables : les couples mariés ou pacsés sont soumis à une imposition commune et bénéficient du quotient conjugal, tandis que les conjoints non mariés et non pacsés constituent deux foyers fiscaux distincts et déclarent séparément leurs revenus.
Avec le système du quotient conjugal, les revenus des deux conjoints sont mutualisés et se voient appliquer le même taux d’imposition ; les couples aux revenus inégaux sont donc soumis à un impôt plus faible que s’il était individualisé.
L’individualisation de l’impôt pour les couples entend répondre à deux critiques récurrentes :
- L’imposition commune obligatoire pénalise certains ménages par rapport aux conjoints non mariés et non pacsés ;
- Le quotient conjugal constitue un frein à l’activité des femmes. Jean-Luc Mélenchon évoque ainsi un « système patriarcal favorisant les inégalités salariales entre les femmes et les hommes » (L’avenir en commun). En effet, l’imposition conjointe conduit à augmenter le taux marginal d’imposition de la personne qui gagne le moins dans le couple, qui est une femme dans 3 couples sur 4 (1). Le quotient familial favoriserait ainsi la spécialisation domestique au sein du couple, en taxant plus fortement l’offre de travail des femmes.
L’individualisation de l’impôt permettrait de majorer les recettes fiscales de 7,2 milliards d’euros par an en tenant compte d’une optimisation fiscale limitée (estimation médiane). Dans une hypothèse haute, ces recettes pourraient s’élever à 10 milliards d’euros par an :
- Elle entraînerait une hausse d’impôt pour 6,8 millions de couples (+ 10,92 milliards d’euros) ;
- Elle se traduirait par une baisse d’impôt pour 2,2 millions de couples (- 940 millions d’euros).
Impact macroéconomique / sur le pouvoir d’achat
La mesure entraînerait une augmentation des recettes fiscales, et soutiendrait l’activité économique en encourageant le travail des femmes. Elle aurait cependant un impact négatif sur le pouvoir d’achat des 6,8 millions de foyers fiscaux perdants.
(1) T. Morin, Écarts de revenus au sein des couples : Trois femmes sur quatre gagnent moins que leur conjoint, Insee Première, 2014.
L’application du quotient conjugal conduit à calculer le montant de l’impôt dû au niveau du foyer fiscal et non de l’individu : les revenus des contribuables mariés ou pacsés sont mutualisés, puis divisés par le nombre de parts du foyer fiscal – soit 2 parts fiscales pour un couple ; le barème de l’impôt est appliqué à ce ratio, et l’impôt final correspond à l’impôt par part multiplié par le nombre de parts.
Si dans la majorité des cas, le quotient conjugal se révèle avantageux pour les couples, il en désavantage certains, qui auraient intérêt à déclarer séparément leurs revenus en raison de dispositifs individualisés dans le calcul de l’impôt sur le revenu.
Enfin, les effets de la conjugalisation sont anti-redistributifs, dans la mesure où les ménages les plus aisés en bénéficient davantage : les 15 % de personnes les plus aisées sont celles qui bénéficient le plus de la conjugalisation, puisqu’elles perçoivent 48 % des gains totaux, quand les 50 % les plus modestes se partagent 25 % des gains (2).
Ainsi, selon une étude de Guillaume Allègre, Hélène Périvier et Muriel Pucci (3), la suppression pure et simple du quotient conjugal se traduirait par une baisse d’impôts pour 2,2 millions de couples, essentiellement situés dans les déciles supérieurs de niveau de vie, qui verraient leur revenu disponible progresser en moyenne de 426 euros par an, pour un coût de 940 millions d’euros pour l’État.
En parallèle cependant, cette mesure générerait une hausse d’impôt pour 6,8 millions de couples, qui verraient en moyenne leur revenu disponible diminuer de 1 584 euros par an, les recettes fiscales progressant en parallèle de 10,92 milliards d’euros.
Pertes et gains pour les couples mariés ou pacsés d’une individualisation de l’impôt (en euros) :
Décile de niveau de vie | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | Total |
Perte moyenne | ns | – 774 | – 935 | -1 123 | -1 186 | -1 240 | -1 266 | -1 504 | -1 405 | -2 537 | -1 584 |
Perte médiane | ns | -560 | -755 | -992 | -977 | -1 009 | -937 | -926 | -717 | -897 | -890 |
Gain moyen | ns | ns | ns | ns | 328 | 398 | 478 | 457 | 348 | 268 | 426 |
Gain médian | ns | ns | ns | ns | 289 | 401 | 517 | 475 | 308 | 50 | 435 |
Source : tableau en annexe page 8 (Simulations complémentaires liées au scénario 1) de Guillaume Allègre, Hélène Périvier et Muriel Pucci, « Imposition des couples et statut marital – Simulation de trois réformes du quotient conjugal en France« , Économie et statistiques, 526-527, 2021.
Au total, la mesure, dans une hypothèse haute, augmenterait de 10 milliards d’euros les recettes de l’État. En tenant compte d’une optimisation fiscale limitée (notamment au travers de l’affectation des déductions fiscales à celui des deux conjoints qui a le taux marginal le plus élevé), le rendement de la mesure diminuerait de près de 3 Md€ à 7,2 Md€. Ce chiffrage avec optimisation fiscale (limitée), en réalité plus réaliste, correspond à l’hypothèse médiane de ce chiffrage.
Ce chiffrage très récent (2021) se fonde sur une analyse n’intégrant les réformes de l’IR que jusqu’en 2016. Depuis cette date, cependant, l’imposition des revenus n’a subi aucune évolution majeure : si l’imposition à la source permet un prélèvement individualisé de l’impôt, elle n’en modifie pas le calcul, qui reste fondé sur les revenus du couple.
Historique de la mesure
Le quotient conjugal et le quotient familial ont été introduits en 1945 ; si les mécanismes précis de conjugalisation ont été évolué depuis, le principe du quotient conjugal n’a pas été remis en question.
Benchmark
La France fait figure d’exception en Europe, seule la Suisse adoptant encore un système équivalent. Le Portugal et le Luxembourg qui pratiquaient également l’imposition conjointe obligatoire des revenus, ont introduit un droit d’option, respectivement en 2016 et 2018.
Certains pays, minoritaires, comme l’Allemagne ou l’Espagne permettent aux ménages de choisir entre imposition conjointe et séparée.
Enfin, la grande majorité des pays ont fait le choix d’une imposition séparée obligatoire (Autriche, Danemark, Grèce, Finlande, Suède, Pays-Bas, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie). Dans certains, il est possible de tenir compte des revenus des conjoints via un crédit d’impôt ou un abattement (Belgique, Italie, Royaume-Uni).
Mise en œuvre
La mise en œuvre de cette mesure supposerait de modifier le code général des impôts, ce qui peut se faire dans le cadre de l’examen annuel du projet de loi de finances.
(2) M. André & A. Sireyjol, Effets redistributifs de l’imposition des couples et des familles : une étude par microsimulation de l’impôt sur le revenu, Économie et Statistique, 526-527, 2021.
(3) Guillaume Allègre, Hélène Périvier et Muriel Pucci, Imposition des couples et statut marital – Simulation de trois réformes du quotient conjugal en France, Economie et statistiques, 526-527, 2021.
Supprimer la flat tax et imposer les revenus du capital comme ceux du travail
Rendre la CSG progressive sur 14 tranches
Augmenter le Smic à 1 400 € net
Assujettir aux cotisations sociales les revenus d’intéressement, de participation et d’épargne salariale
Encadrer les loyers partout sur le territoire et à la baisse dans les grandes villes
Augmenter les droits de succession sur les plus hauts patrimoines et créer un héritage maximal de 12 M€
Rendre l'impôt sur le revenu plus progressif avec un barème à 14 tranches
Réduire la TVA sur les produits de première nécessité et réinstaurer une TVA grand luxe pour la financer
Plafonner les frais bancaires
Imposer les autres transactions immobilières par une taxe progressive
Instaurer une tarification progressive de l'énergie