« Je veux augmenter le Smic à 1 400€ nets par mois ».
La mesure proposée consiste à effectuer une revalorisation discrétionnaire du SMIC qui le ferait passer de 1 269 € en net, son niveau au 1er janvier 2022, à 1 400€, soit une hausse de 10,3 %. Il est fait l’hypothèse, pour chiffrer la mesure, que la hausse du Smic est annoncée en euros constants, et s’ajouterait donc sous forme de coups de pouce aux revalorisations automatiques du Smic liées à l’inflation (celles-ci ont relevé le Smic de plus de 3 % entre le 1er janvier 2021 et le 1er janvier 2022). Ceci constituerait une hausse massive du Smic, alors que le dernier « coup de pouce » au Smic a eu lieu en 2012, quand le gouvernement Hollande avait décidé d’une augmentation discrétionnaire de 0,6 %. Plusieurs effets peuvent être attendus d’une telle mesure, même si son impact net reste difficile à évaluer, du fait notamment de l’ampleur de la hausse envisagée.
Une revalorisation du Smic a un coût direct pour les finances publiques. En effet une hausse du Smic conduit à une baisse de recettes de cotisations sociales par les entreprises, en augmentant le plafond des revenus soumis à des allègements de charges, principalement sous l’effet de la réduction générale des cotisations patronales, appelée réduction Fillon, qui s’applique de manière dégressive sur les salaires de 1 à 1,6 Smic, mais aussi par certaines mesures prévues dans le Pacte de Responsabilité et de Solidarité dont la bascule du CICE à partir de 2019. L’augmentation de ces allègements constitue un manque à gagner pour l’administration qui voit ses recettes diminuer en conséquence. Le coût budgétaire de la mesure doit également prendre en compte l’augmentation des salaires pour les agents publics dont la rémunération est proche du SMIC. Les hausses de cotisations salariales et d’impôts sur les ménages diminuent quelque peu ce coût. Le coût pour l’administration reste important et s’élève à 2,7 Md€ par an.
La mesure soutiendrait le pouvoir d’achat : le revenu disponible des ménages augmenterait de l’ordre de 7,7 Md€ par an.
Impact macroéconomique / sur le pouvoir d’achat
Au niveau macroéconomique, une revalorisation du Smic entraîne à la fois une hausse de la demande via une hausse du pouvoir d’achat pour les salariés rémunérés au Smic, tout en provoquant potentiellement un phénomène de réallocation et une destruction nette d’emplois qui se ferait au détriment de ces derniers. À terme, par effet de diffusion, cette mesure peut conduire à une augmentation générale du coût du travail peu qualifié. Sans qu’il y ait de consensus clair sur ce sujet, à horizon de la mandature, ceci pourrait conduire à une destruction nette d’emplois comprise entre 23 743 et 222 463 (destruction d’emplois peu qualifiés, en partie compensée par une hausse de l’emploi qualifié) ; l’amplitude de cette fourchette reflète l’incertitude qui entoure cette estimation.
Commentaire de l’équipe de campagne
Contactée, l’équipe de campagne de Jean-Luc Mélenchon conteste formellement les éventuelles destructions d’emplois liées au renchérissement du prix du travail. Elle indique également que le candidat est opposé au CICE, et que l’impact de ce dernier sur les finances publiques pourrait être retiré.
Depuis le 1er janvier 2022, le Smic s’élève à 10,57 € brut de l’heure, soit 1 603,12 € brut mensuel sur la base de la durée légale de 35 heures hebdomadaire. En déduisant les cotisations salariales associées, le Smic net s’élève à 1 269 € mensuels.
Le Smic peut être revalorisé de trois manières :
- une revalorisation automatique tous les ans au 1er janvier en fonction de l’évolution de l’inflation pour les 20 % des ménages avec les revenus les plus faibles et du gain de pouvoir d’achat du salaire horaire moyen des ouvriers et des employés (SHBOE),
- une revalorisation au cours de l’année si l’indice des prix à la consommation augmente de plus de 2 % par rapport au niveau des prix constaté lors de la dernière augmentation du SMIC (comme en octobre 2021),
- une revalorisation discrétionnaire décidée par le gouvernement (un « coup de pouce »).
Il est fait l’hypothèse, pour chiffrer la mesure, que la hausse du Smic est annoncée en euros constants, et s’ajouterait donc sous forme de coups de pouce aux revalorisations automatiques du Smic liées à l’inflation (celles-ci ont relevé le SMIC de plus de 3 % entre le 1er janvier 2021 et le 1er janvier 2022). En augmentant le Smic mensuel net à 1 400 €, la mesure proposée implique une revalorisation discrétionnaire en début de mandat de l’ordre de 10,3 %. Celui-ci atteindrait ainsi 72 % du salaire médian 2019 dans le privé (qui est de 1 940€ selon l’Insee). Une telle mesure augmenterait le nombre de bénéficiaires du Smic, qui s’établit début 2020 à 2,25 M selon la Dares, via un rattrapage du niveau du salaire minimum avec le salaire de salariés situés juste au-dessus.
À court terme, cette mesure aurait un impact budgétaire lié à une baisse générale de cotisations sociales et à une hausse de la masse salariale publique, quelque peu compensées par un retour fiscal sous forme de cotisations et d’impôts sur le revenu.
L’ensemble des mesures d’allègement de charges patronales pour les bas salaires ont coûté 28,5 Md€ en 2021, d’après le rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale PLFSS 2022. Les mesures de baisses dégressives de cotisations employeurs sur les bas salaires, dont la réduction générale des cotisations patronales, et d’autres mesures d’allègements de charges patronales depuis l’introduction du pacte de responsabilité et de solidarité, dépendent du salaire mesuré en nombre de Smics. Ainsi une hausse du Smic augmente mécaniquement le spectre des salaires soumis aux allègements de charges et donc le nombre de salariés bénéficiant de ces allègements. Par exemple, un employé rémunéré à 1,4 Smic avant la mesure, se retrouverait à 1,3 Smic après la mesure. Puisque l’allègement des charges est dégressif en fonction du niveau du salaire en termes de part de Smic, le coût du travail de ce salarié s’en retrouve amoindri. Ces baisses de charges ont un coût budgétaire direct via une baisse des recettes issues des cotisations sociales.
Par ailleurs, 1,2 M de fonctionnaires sont au Smic ou juste au dessus, et devraient voir leur salaire ajusté avec la mesure, ce qui entraîne une hausse de la masse salariale publique.
À l’inverse, la hausse des salaires nets des employés au Smic conduit à un retour fiscal sous forme de cotisations salariés et d’impôts sur le revenu.
Ainsi selon le rapport du groupe d’experts du Smic de 2017, une hausse du Smic brut de 1 % entraîne une dégradation du solde public de 240 M€. Les coûts budgétaires de baisse des cotisations sociales employeurs (−400 M€) et de hausse de la masse salariale publique (−260 M€) sont compensés en partie par une hausse des contributions sociales à la charge des salariés (+240 M€) et de l’impôt sur le revenu (+70 M€), conjugué à une baisse des prestations sociales (+110 M€). En extrapolant pour une hausse du SMIC de janvier 2022 de 10,3 % l’impact sur les finances publiques est ainsi estimé à environ 2,7 Md€ (cf. tableau ci-dessous).
Bilan coût administrations publiques (en Md€)
Allègements | 4,5 |
Prélèvements | −4,7 |
Masse salariale | 2,9 |
Total | 2,7 |
Cette mesure induirait par ailleurs une hausse du pouvoir d’achat à court terme via une augmentation des revenus salariaux des ménages. En prenant en compte l’effet de diffusion de la hausse du Smic sur les revenus supérieurs, le groupe d’experts du Smic 2017 estime qu’une hausse du salaire minimum de 1 % conduit à une hausse du revenu brut des ménages de 1 110 M€. Le système fiscalo-social absorberait une partie de ces gains avec une augmentation des prélèvements (cotisations salariales, CSG, impôts directs et indirects). Avec un taux implicite de prélèvements obligatoires de 37,8 %, le groupe d’experts conclut sur une hausse du revenu disponible de 690 M€ lorsque le Smic est augmenté de 1 %. Ainsi, sur la base de ces estimations, on peut considérer que le revenu disponible supplémentaire pour les ménages procuré par une hausse du SMIC de 10,3 % s’élèverait à 7,7 Md€. La nette hausse du pouvoir d’achat, qui bénéficierait aux ménages modestes, induirait une hausse de la consommation des ménages à court terme et de l’activité.
Bilan gains pour les ménages (en Md€)
Revenu brut | 12,4 |
Prélèvements | −4,7 |
Total | 7,7 |
À moyen terme, la hausse du Smic a des effets sur le coût du travail, sur l’échelle de rémunérations, et sur la compétitivité des entreprises.
Cette mesure pourrait provoquer une destruction d’emplois, concentrés au niveau du Smic via une hausse du coût du travail sur cet échelon de rémunération. En effet, les effets sur le coût du travail diffèrent selon le positionnement sur l’échelle des salaires : le coût augmente pour les salariés rémunérés au niveau du SMIC tandis qu’il diminue pour les salariés rémunérés au-dessus du Smic via une baisse des charges patronales, sous l’hypothèse d’une faible diffusion de cette hausse aux échelons de rémunération supérieurs. À date, il existe peu d’études récentes s’étant employées à estimer l’impact d’une hausse du Smic sur l’emploi. Bien qu’il n’y ait pas consensus sur le sujet, selon une étude de Kamarz et Philippon en 2000, une hausse du Smic de 1 % conduit à une baisse de la demande de travail pour ces emplois de −1,5, ce qui équivaut aujourd’hui à environ 33 750 emplois.
Une étude plus récente de l’OFCE de 2012 estime qu’une hausse du Smic de 1 % conduirait à la destruction de 14 500 emplois, majoritairement concentrés au niveau du Smic, et la création de 12 200, principalement concentrés sur les salaires au-dessus du Smic.
Ainsi, la proposition de revalorisation du Smic brut de 10,3 % pourrait conduire à une destruction nette d’emplois comprise entre 23 743 et 222 463. Par ailleurs, elle augmenterait la demande d’emplois plus qualifiés, dont le coût du travail relatif baisse avec la mise en place de la mesure.
Bilan sur l’emploi
Hausse du Smic |
1 % | 10,3 % | ||
Destruction d’emplois | Minimum | −14 500 | −149 685 | |
Maximum | −33 750 | −348 404 | ||
Création d’emplois | 12 200 | 125 942 | ||
Effet net sur l’emploi | Minimum | −2 300 | −23 743 | |
Maximum | −21 550 | −222 463 |
L’ampleur de la fourchette d’estimation reflète l’incertitude sur les effets d’une hausse du Smic sur l’emploi, qui dépendent aussi du coût du travail non qualifié dans les autres pays européens. À cet égard, les hausses de salaires minima annoncées dans d’autres pays européens sont un élément favorable à une hausse du Smic en France. Mais la marge de hausse est limitée parce que les mécanismes d’indexation diffèrent entre pays et que par ailleurs, il reste peu de marge pour réduire le coût du travail à ce niveau de salaire en France.
L’impact d’une revalorisation du Smic sur les entreprises est difficile à mesurer en raison de l’importante hétérogénéité des profils d’employeurs. Par exemple, une entreprise qui emploie majoritairement des salariés rémunérés au Smic verrait le coût du travail augmenter sensiblement, tandis qu’une entreprise employant majoritairement des salariés rémunérés au-dessus du Smic verrait ses charges patronales baisser, entraînant un gain par rapport à sa situation initiale.
À terme, la hausse du Smic peut, par effet de diffusion, se répercuter sur l’ensemble de la distribution des salaires via la négociation de nouvelles hausses des minimas sociaux de branche. Ceci pourrait ainsi conduire à une hausse générale du coût du travail et dégrader la compétitivité des entreprises.
Il est difficile d’estimer l’impact net d’une hausse du Smic en raison des différents effets qui jouent dans des sens contraires (effet emploi, effet revenu des ménages, effet sur le coût du travail) et qui dépendent notamment du degré de diffusion de la hausse du Smic sur les autres salaires. Par ailleurs, l’environnement macroéconomique a évolué depuis les dernières études qui ont été conduites sur le sujet (notamment en ce qui concerne les effets sur l’emploi), rendant l’utilisation des estimations faites à l’époque, imparfaites. Enfin, l’ampleur de la hausse envisagée introduit de l’incertitude supplémentaire concernant les comportements des ménages et des entreprises.
Historique de la mesure
Le Smic a fait l’objet de nombreuses revalorisations discrétionnaires. La dernière date de juillet 2012 où celui-ci avait été augmenté de 0,6 %.
Selon l’OFCE (2012), cette mesure aurait conduit à une faible destruction d’emplois, de l’ordre de 1 400 postes, et à augmenter le déficit public de 0,01 point de PIB.
D’autres hausses significatives sont intervenues par le passé :
- 2003-2005 : +17,5 % des salaires horaires les plus faibles lors de l’harmonisation du Smic et des garanties mensuelles de rémunération après la réforme du temps de travail et le passage aux 35h
- 1997 : +2,3 % par Jospin/Chirac
- 1995 : +2,2 % par Juppé/Chirac
- 1981 : +10 % par Mauroy/Mitterrand
Benchmark
Au sein de l’Union européenne, 21 des 27 pays membres ont un salaire minimum national, tandis que les autres ont des salaires déterminés par conventions collectives dont certaines bénéficient d’un niveau de rémunération minimale.
Les règles de revalorisation des salaires minimaux sont très hétérogènes entre pays membres de l’Union européenne, certains intégrant des règles de revalorisation automatique sur la base d’indicateurs économiques comme en France, d’autres découlant de concertations avec les partenaires sociaux.
À ce jour, la France est le 8e pays de l’OCDE et 2e de l’UE derrière le Portugal avec le salaire minimum le plus élevé en termes de salaire médian avec un niveau équivalent à 61 % en 2020.
En Europe, l’Espagne se distingue récemment par une politique de revalorisation volontariste du Smic depuis l’arrivée au pouvoir du socialiste Pedro Sanchez en 2018. Celui-ci a ainsi augmenté de quasiment 30 % depuis 2018.
En Allemagne, le nouveau gouvernement a décidé le 23 janvier dernier d’augmenter le salaire minimum de 12 € brut de l’heure (contre 9,82€ actuellement) au 1er octobre 2022, ce qui représenterait une hausse de 22 %.
Mise en œuvre
Le niveau du Smic peut être revalorisé au-delà de ce qui résulte de la hausse des prix en vertu de l’application des dispositions de l’article L.3231-5 du Code du travail, par décret en Conseil des ministres après avis de la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle (art. R*3231-1 du Code du travail).
Compte tenu de l’impact baissier sur les recettes de la sécurité sociale de la mesure proposée, des mesures de compensation financière doivent être prévues par l’État et se refléter dans l’élaboration des budgets annuels en vertu de l’application de l’article L131-7 du Code de la sécurité sociale.
Supprimer la flat tax et imposer les revenus du capital comme ceux du travail
Rendre la CSG progressive sur 14 tranches
Assujettir aux cotisations sociales les revenus d’intéressement, de participation et d’épargne salariale
Encadrer les loyers partout sur le territoire et à la baisse dans les grandes villes
Mettre fin au quotient conjugal
Augmenter les droits de succession sur les plus hauts patrimoines et créer un héritage maximal de 12 M€
Rendre l'impôt sur le revenu plus progressif avec un barème à 14 tranches
Réduire la TVA sur les produits de première nécessité et réinstaurer une TVA grand luxe pour la financer
Plafonner les frais bancaires
Imposer les autres transactions immobilières par une taxe progressive
Instaurer une tarification progressive de l'énergie