Relever l'abattement fiscal à 200 000€ pour les donations des parents et grands-parents tous les 10 ans
« Afin d’inciter à la transmission tout au long de la vie, je propose donc qu’un parent puisse donner à son enfant une somme d’argent exonérée de droits jusqu’à 200.000 euros tous les 10 ans. Le régime applicable aux grands-parents en matière de donation sera également aligné sur celui des parents ».
La mesure combine un doublement de l’abattement actuel pour les donations des parents, une multiplication par plus de cinq de l’abattement des grands parents et une réduction d’un tiers du délai entre deux donations bénéficiant de ces abattements, délai de rappel fiscal (1). L’ampleur de ces modifications est potentiellement très importante, si elle est utilisée pleinement par les contribuables. La réduction du délai entre deux donations bénéficiant de l’abattement peut ainsi être estimée à 0,9 Md€ par an. Le doublement de l’abattement pour les donations des parents a un coût estimé à 2 Md€. L’alignement de l’abattement des grands parents sur celui des parents, qui passerait de 31 865€ à 200 0000€, aurait un coût estimé à 0,6 M€. Le coût total de la mesure serait donc de 3,5 Md€ dans une estimation haute.
Néanmoins, il est vraisemblable qu’une partie des contribuables n’ont, soit pas les moyens, soit pas la volonté de profiter intégralement des nouveaux plafonds d’abattement et délais de rappel proposés par la mesure. L’estimation médiane du coût de la mesure est de 2,75 Md€ et l’estimation basse de 2 Md€, selon le comportement des contribuables.
Commentaires de l’équipe de campagne
Contactée, l’équipe de campagne évalue le coût de cette mesure à 625 M€ annuels, uniquement du fait du relèvement du plafond d’abattement à 200 000 euros. En effet, selon cette dernière, les donateurs s’adapteraient au délai de rappel fiscal pour effectuer leurs donations : « le passage du délai de rappel fiscal de 15 à 10 ans n’aurait pas d’impact sur les finances publiques dans la mesure où les donations qui pourraient avoir lieu avec le délai réduit à 10 ans n’ont tout simplement pas lieu aujourd’hui« .
Concernant le relèvement du plafond d’abattement à 200 000 euros, l’équipe de campagne d’Eric Zemmour prend à nouveau pour hypothèse « que les contribuables s’adaptent à la législation et limitent donc en grande partie leur donation au montant de l’abattement en vigueur« . Par ailleurs, en prenant pour hypothèse que trois quarts des donations sont d’un montant inférieur à 100 000 € (plafond actuel de l’abattement), seules 70 000 donations sur les 278 320 enregistrées par la DGFiP (source : cahier statistiques de son dernier rapport annuel) seraient concernées par le relèvement du plafond. S’agissant ensuite du calcul des droits pour ces donations, l’équipe de campagne du candidat considère « qu’en moyenne les droits de mutation sur les donations s’élèvent à 8 939 € par donation (qui correspondent aux 2 488 M€ de DMTG pour 278 320 déclarations). Sur cette base, nous obtenons un coût de 625 M€ ».
Selon les experts de l’Institut Montaigne, cette méthode de calcul ne paraît pas pouvoir être retenue, car :
- Elle suppose une adaptation intégrale des contribuables à l’évolution de la réglementation, sans la justifier, et sans que cette méthode soit retenue dans d’autres travaux de référence (études d’impact des projets de loi, articles universitaires…)
- Elle repose sur une hypothèse non argumentée de ¾ de donations inférieures à 100 000€
- Elle calcule des recettes à partir de droits moyens alors que le barème est progressif.
Impact macroéconomique / sur le pouvoir d’achat
La proposition pourrait avoir pour effet d’accélérer de manière importante les transmissions de capital entre générations, notamment à travers le relèvement d’abattement et la réduction du délai de rappel fiscal pour les donations des grands parents. De ce point de vue, cela pourrait améliorer l’efficience de l’allocation du capital au sein de l’économie, les générations les plus jeunes ayant à la fois plus de besoins de financement et d’opportunités d’investissement productif. Si cette dépense fiscale est effectivement utilisée pleinement par les contribuables, l’impact est de l’ordre de 0,16 points de PIB. En outre, la mesure se situe dans un contexte de surabondance de l’épargne, due notamment à la crise sanitaire du Covid-19.
L’impact positif de la mesure est toutefois difficile à chiffrer, celui-ci dépendant de décisions individuelles et du contexte de financement, plus difficiles à modéliser du fait de la crise sanitaire. En outre, cette mesure risque de renforcer la concentration patrimoniale en augmentant les montants transmis nets d’impôt. Or cette concentration patrimoniale n’a pas d’effet positif sur l’efficience allocative et pourrait même avoir des effets négatifs sur cette dernière (2).
(1) Ou de « rapport fiscal », selon les sources.
(2) Philippon, Le capitalisme d’héritiers : la crise française du travail, Paris, Seuil, 2017.
Réduction du délai de rappel fiscal
En 2011, le Gouvernement a chiffré à 450 M€ le gain du passage de 6 à 10 ans du délai de rappel fiscal (3). L’essentiel du gain est constitué par un surcroît de droits sur les successions : plus le délai de rappel est long, plus il y a d’assiette qui bascule dans la succession, ne pouvant plus bénéficier d’une donation avec abattement séparé. En actualisant ce montant avec la même méthode qu’en 2011 (4), le coût pour les finances publiques de la réduction d’une année du délai de rappel peut être estimé à 191 M€ (5). Le coût d’une réduction de neuf ans du délai de reprise est par conséquent estimé à 0,9 Md€ (191M€ multiplié par 5).
Augmentation de l’abattement des parents et des grands parents
L’étude d’impact du passage de l’abattement en ligne directe (enfants) de 159 325 € en 2011 à 100 000€ en 2012 a estimé les recettes associées à 825 M€ en année pleine, en 2014 (6). On peut retenir comme ordre de grandeur le coût d’un euro d’augmentation de l’abattement, qui est de 15 086 €. En multipliant cette valeur d’un euro d’abattement par la variation de l’abattement, on peut estimer l’ordre de grandeur du coût de la mesure. Ce montant est enfin actualisé de la variation moyenne annuelle des droits de succession entre 2014 et 2022, soit 4 % (7).
Pour la partie de la mesure concernant l’abattement des grands parents, on peut aussi retenir comme ordre de grandeur le coût d’un euro d’augmentation de l’abattement calculé pour 2014, indiqué ci-dessus. Ensuite, on pondère le coût associé de la part relative des droits de succession afférents à ce type de transmission par rapport à celle en ligne directe (8). Enfin, on actualise le montant de la variation moyenne annuelle des droits de succession entre 2014 et 2022.
Estimation haute en Md€ | |
Relèvement de l’abattement des parents à 200 000€ | 2,0 |
Relèvement de l’abattement des grands parents à 200 000€ | 0,6 |
Réduction du délai entre deux donations avec abattement | 0,9 |
Total | 3,5 |
Le cumul des modifications, à la fois du délai de rappel et des abattements, dans des proportions importantes, rend complexe l’évaluation de la mesure. Le coût réel de la mesure et son impact macroéconomique dépendront de l’évolution des comportements des contribuables en matière de donation et subséquemment de consommation et d’investissement.
Il est vraisemblable qu’une partie des contribuables n’ont, soit pas les moyens, soit pas la volonté de profiter intégralement des nouveaux plafonds d’abattement et délais de rappel proposés par le candidat. L’estimation médiane du coût de la mesure se situe ainsi autour de 2,75 Md€ (9).
Historique de la mesure
Réduction du délai de rappel fiscal
De 2006 à 2011, le délai de rappel fiscal était de 6 ans. Depuis 2012, le délai de rappel est de 15 ans.
Augmentation des abattements
La loi TEPA du 21 août 2007 a fait passer l’abattement en ligne directe (enfants) de 50 000€ à 150 000€, montant actualisé chaque année jusqu’en 2012 (159 325€), année où l’abattement a été abaissé à 100 000€. La réforme de 2007 a surtout bénéficié aux 30 % d’héritages les plus élevés, elle a fait baisser significativement les taux d’imposition entre le 80e et le 99e centile des héritages (10), de 4,2 points de pourcentage en moyenne. Le gain culmine en pourcentage entre le 90e et le 95e centile avec un gain de 7,3 points de pourcentage d’imposition en moins. Le gain en valeur absolue est d’environ 73 000€ par héritier pour les 0,1 % d’héritages les plus élevés. La mesure proposée devrait avoir des effets similaires, de concentration du gain sur les patrimoines les plus importants, 80 % des héritages étant déjà aujourd’hui totalement exonérés de droits de succession (11).
Benchmark
Délai entre deux donations
En Allemagne le délai de rappel des donations est de 10 ans, au Royaume-Uni, il est de sept ans, en Espagne, de quatre ans et en Belgique de trois ans (12).
Abattement
À l’étranger le niveau d’abattement sur les donations est variable : aucun abattement en Belgique, 5 300€ (enfants) aux Pays Bas (13).
Mise en œuvre
Délai entre deux donations
La mesure nécessite l’adoption d’une loi, préférentiellement de finances, afin de modifier l’article 784 du code général des impôts.
Abattement
La mesure nécessite l’adoption d’une loi, préférentiellement de finances, afin de modifier les articles 779 (parents) et 790B du code général des impôts (grands-parents).
(3) Étude d’impact de l’article 3 du PLFR 2011, n°3406, 11 mai 2011.
(4) Revalorisation du montant à partir de la moyenne des évolutions annuelles des droits de mutation à titre gratuit à la suite de décès de 2012 à 2022 (PLF, annexe A – voies et moyens), soit 7 %.
(5) Coût annuel en valeur 2012 majoré de 7 % pendant 10 ans.
(6) Projet de loi de finances rectificative pour 2012, Etude d’impact de l’article 4, n°71, 4 juillet 2012.
(7) Méthode d’actualisation retenue pour la mesure sur les droits de mutation à titre gratuit du PLFR 2011 (Projet de loi de finances rectificative pour 2011, Étude d’impact de l’article 4, n°3406, 11 mai 2011).
(8) À partir des données de la Direction générale du Trésor (Paul-Armand Veillon, Modèles de microsimulation des impôts liés au patrimoine des ménages, Documents de travail DG Trésor, n°2021/5, décembre 2021, p.29).
(9) Cet ordre de grandeur procède d’une moyenne entre l’estimation haute et l’estimation de l’équipe du candidat.
(10) Dherbécourt, Peut‐on éviter une société d’héritiers ?, Note d’Analyse France Stratégie, 2017.
(11) Dherbécourt, Données graphiques de la note d’analyse n°51, Note d’Analyse France Stratégie, 2017.
(12) Benoteau, Meslin, Les prélèvements obligatoires sur le capital des ménages : comparaisons internationales, rapport particulier n°5, Conseil des Prélèvements Obligatoires, octobre 2017.
(13) Benoteau, Meslin, Les prélèvements obligatoires sur le capital des ménages : comparaisons internationales, rapport particulier n°5, Conseil des Prélèvements Obligatoires, octobre 2017.
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