Exonérer totalement d'impôts et de charges sociales les heures supplémentaires
« Exonérer totalement d’impôts et de charges sociales les heures supplémentaires ».
La proposition consiste à exonérer toutes les heures supplémentaires effectuées par les salariés sans limite d’heure ou de rémunération. Le principal objectif de la mesure est de réduire les prélèvements qui pèsent sur la rémunération du travail, afin d’accroître le pouvoir d’achat des salariés.
Depuis janvier 2019, la loi permet déjà à tout salarié d’être totalement exonéré d’impôt sur le revenu (IR) pour ses heures supplémentaires (ou complémentaires pour les temps-partiels) dans la limite de 220 heures par an et de 5 000 € annuels. Cette niche fiscale avait coûté 1,9 Md € à l’État en 2019 au titre de l’impôt sur le revenu. Pour 2021 et 2022, 2,1 Md€ et 1,7 Md € de dépenses annuelles sont anticipées respectivement par le dernier projet de loi de finances (1). Les heures supplémentaires sont en outre exonérées de cotisations sociales salariales sur jusqu’à 11,3 % du salaire.
En pratique, le nombre d’heures supplémentaires annuelles moyen par salarié en France est de 44 heures (2). Étant donné les limites élevées fixées par la loi (220 heures, 5000€ par an), il peut être fait l’hypothèse que le déplafonnement n’implique pas de coût significatif supplémentaire.
La mesure prévoit par ailleurs une exonération pérenne et totale de cotisations sociales salariales qui devra de fait être compensée par l’État. Ce surcoût est évalué à 4 Md€ par an.
La mesure s’accompagne d’un risque de fraude significatif. L’exonération pourrait effectivement se traduire par la dissimulation du salaire de base par de fausses heures supplémentaires. Ce risque est renforcé par le déplafonnement de 5 000 € par salarié et par an.
Impact macroéconomique
Un plus grand nombre d’heures travaillées via un recours plus important aux heures supplémentaires pourrait accroître la valeur ajoutée produite par l’économie française sur une année, à productivité horaire constante. Parallèlement, une éventuelle augmentation du nombre d’heures travaillées par salarié pourrait se traduire par une baisse du nombre de salariés.
(1) Voir les documents annexes, Évaluation des voies et moyens (évaluation des dépenses fiscales, tome II).
(2) Direction des analyses de la recherches des études et des statistiques (DARES), 2020.
Selon les chiffres du Ministère du Travail, au 4e trimestre 2019, le nombre moyen d’heures supplémentaires par salarié à temps complet était de 10,9 heures (3). On retiendra donc une moyenne de 10,9 x 4 = 44 heures supplémentaires par salarié à temps plein par an. Pour les salariés à temps partiel, les chiffres de l’Insee de 2013 indiquent une moyenne de 16 heures complémentaires (4). Tout salarié est autorisé à effectuer jusqu’à 220 heures supplémentaires par an.
La rémunération des heures supplémentaires doit être majorée d’au moins 10 %, le niveau exact étant fixé par la convention collective en application. En l’absence de convention collective, le taux est fixé à 25 % pour les huit premières heures et à 50 % pour les suivantes.
Depuis 2019, les rémunérations résultant de ces heures supplémentaires et complémentaires sont exonérées d’impôt sur le revenu dans la limite de 5 000 € par salarié et par an. Le projet de loi de finances pour 2021 estimait le coût de la mesure à 2,1 Md € pour 2021 (5).
Étant donné que le nombre moyen d’heures supplémentaires effectuées par salarié par an n’est que de 44 heures, on peut raisonnablement déduire que seule une proportion très restreinte de salariés seraient affectés par la mesure. Les dépenses fiscales sur l’impôt sur le revenu liées à cette mesure ne connaitraient donc pas ou peu d’augmentation.
En effet, seuls les salariés touchant plus de 5 000 € par an en heures supplémentaires seraient concernés. Ces salariés auraient donc soit un salaire horaire particulièrement élevé (le salaire horaire médian en France se situant à environ 18€ brut, ce qui une fois majoré de 25 % représente environ 23€ (6)), soit un nombre d’heures supplémentaires très supérieur à la moyenne.
Cependant, la perte de ressources pour la sécurité sociale engendrée par une exonération totale de cotisations sociales salariales devra être compensée par l’État.
En l’état actuel, les heures supplémentaires sont exonérées de cotisations salariales d’assurance vieillesse de base et complémentaire dans la limite de 11,31 % du salaire. Les pertes engendrées pour les administrations de la sécurité sociale n’avaient pas été compensées par l’État en 2020 (7), la mesure s’inscrivant dans un contexte économique et social temporaire. En revanche, si la mesure proposée venait à pérenniser ce dispositif, la perte de ressources engendrée devra être compensée : le principe de compensation par l’État aux organismes de sécurité sociale des exonérations de cotisations sociales est codifié à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale.
Afin d’estimer le coût de cette compensation, on utilisera pour référence la loi « travail emploi, pouvoir d’achat » (dite loi TEPA) du 21 août 2007. Celle-ci exonérait jusqu’à 21,46 % du salaire perçu sur les heures supplémentaires de cotisations sociales, ratio qui correspond à la totalité des cotisations sociales salariales, environ. Le coût de ce dispositif avait été évalué à 3,5 Md € par an (8).
Le produit intérieur brut (PIB) français a crû de 15 % entre 2008 et 2020. En indexant les 3,5 Md€ de la loi TEPA sur la croissance du PIB depuis 2008, on obtient un surcoût annuel de 4 Md€ par an lié à la compensation par l’État des pertes de recettes pour la sécurité sociale engendrées à l’exonération de charges sociales salariales sur les heures supplémentaires.
Historique de la mesure
La TEPA de 2007 avait mis en place une défiscalisation (s’agissant de l’impôt sur le revenu des personnes physiques) des heures supplémentaires, ainsi que des allègements de charges significatifs (suppression de la part salarié des charges sociales, et allègement de 0,5€ par heure supplémentaire payée pour la part employeur – 1,5€ par heure pour les entreprises de moins de 20 salariés).
Elle a été abrogée par le nouveau Gouvernement en 2012.
Depuis 2019, les rémunérations résultant de ces heures supplémentaires et complémentaires sont exonérées d’impôt sur le revenu dans la limite de 5 000 € par salarié par an.
Benchmark
Depuis 1996, l’Autriche exonère de l’impôt sur le revenu le supplément payé pour les heures supplémentaires, avec un maximum de 10 heures par mois. En Belgique, les impôts et cotisations sociales sur le taux des heures supplémentaires supplémentaires ont été réduits depuis 2005. L’Italie a introduit une mesure similaire en 2008, mais l’a suspendue à la fin de cette même année face à la hausse du chômage. Enfin, le Luxembourg a mis en place depuis début 2008 des exonérations d’impôts et de charges sociales pour les heures de travail salarié au-delà de la limite légale.
Mise en œuvre
Le régime d’exonération des heures supplémentaires est actuellement défini à l’article 2 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales. Cette loi devra être abrogée et remplacée par une nouvelle loi de modification du code l’impôt qui devra être votée par le Parlement.
En outre, s’il est prévu, un allègement pérenne des cotisations sociales sur les heures supplémentaires devra être intégré au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
La mesure s’accompagne d’un risque de fraude significatif. L’exonération pourrait effectivement se traduire par des fraudes importantes, qui consisteraient en la dissimulation du salaire de base par de fausses heures supplémentaires.
(3) Direction des analyses de la recherches des études et des statistiques (DARES), 2020.
(4) INSEE DARES, 2016.
(5) Projet de loi de finances pour 2021, Évaluation des voies et moyens (évaluation des dépenses fiscales, tome II), page 78.
(6) Le salaire médian est à 1940€ net en France soit 2 500€ brut.
(7) Assemblée Nationale, 2020.
(8) Sénat, 2019.
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