« Il faut renationaliser l’EDF comme un établissement public EPIC. »
« Quand l’État ferme une centrale nucléaire, on paye des indemnités astronomiques à EDF et aux actionnaires. Aujourd’hui vous avez un opérateur EDF qui, à travers les décisions du gouvernement, est en train de se faire hara-kiri pour que Total et Engie fassent des records de bénéfices et versent des dividendes astronomiques à leurs actionnaires. »
Le candidat propose de « renationaliser » EDF puis de transformer la société en un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC). Cette opération aurait pour but d’éviter à l’État de payer des indemnités à l’entreprise lors des fermetures de centrales nucléaires, indemnités dont le candidat indique qu’elles bénéficient aux actionnaires minoritaires d’EDF. Actuellement, EDF est une société anonyme cotée à la Bourse de Paris, dont l’État détenait 83,88 % du capital au 31 décembre 2021.
L’État devrait dépenser entre 4,8 Md€ et 6,5 Md€ pour devenir actionnaire à 100 % d’EDF. Ce coût est estimé à partir du nombre d’actions (1) à acheter et du cours d’action (2) d’EDF au moment du chiffrage (20/01/2022), augmentée d’une prime comprise entre 10 % et 50 % (3).
L’État tirerait en revanche un surplus de revenus annuels situé entre 50 M€ et 200 M€ (4). Ce surplus de revenus correspond aux dividendes attendus sur les actions nouvellement acquises. L’estimation est réalisée à partir de l’historique des dividendes sur les cinq dernières années et de projections pour les cinq années à venir.
Le coût net de l’opération, sur l’ensemble du quinquennat serait ainsi compris entre 3,8 Md€ et 6,2 Md€. La transformation d’EDF de SA en EPIC ne devrait pas affecter le chiffrage de la mesure, mais davantage sa faisabilité.
L’opération devrait s’inscrire dans une réforme du secteur, comprenant une remise en cause de la concurrence sur le marché de l’électricité (5) ou, a minima, d’une révision du dispositif de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) ainsi que d’une sortie progressive du nucléaire. Toutefois, le chiffrage du coût financier de la mesure est effectué à politique inchangée.
Commentaires de l’équipe de campagne
Contactée, l’équipe de campagne de Yannick Jadot indique que les estimations chiffrées de l’Institut Montaigne sont proches de celles qu’ils ont réalisées en interne.
En revanche, elle conteste le lien fait entre les évolutions de la gouvernance de l’opérateur préconisé par le candidat, et les évolutions des coûts de l’énergie. À cet égard, l’équipe indique que le candidat « demandera la suspension urgente et la remise à plat des règles du marché européen de l’électricité pour revenir à des tarifs réglementés« .
D’après l’Institut Montaigne, une mesure de suspension du marché de européen de l’électricité parait peu probable, sauf si l’initiative bénéficiait du soutien de la Commission et d’un nombre suffisant d’États-membres, ce qui n’est pas acquis. Il faudrait alors sans doute engager une révision du droit européen (directives et règlements sur le marché de l’énergie), sur la base d’une proposition législative de la Commission, qui devrait être adoptée par le Parlement européen et le Conseil de l’UE. Par ailleurs, une suspension unilatérale du droit européen en matière de marché de l’électricité par la France l’exposerait à des sanctions et provoquerait probablement une crise politique européenne.
Le candidat inscrit la renationalisation d’EDF dans un plan de réforme plus global du marché de l’électricité : sur l’offre, avec notamment le développement massif et rapide des renouvelables, et la demande, avec en premier lieu un effort inédit sur la rénovation des logements et des bâtiments publics (10 Md€ d’investissement par an sur le sujet), avec en complément des mesures de soutien aux ménages modestes : d’abord un relèvement du chèque énergie, puis une évolution vers une tarification sociale de l’électricité.
Impact macroéconomique
La renationalisation d’EDF prise en tant que telle n’aurait pas d’impact macroéconomique. Toutefois, tout changement de gouvernance, de stratégie de l’entreprise ou de réforme du secteur peut avoir un impact sur le prix de l’électricité.
Or, le prix de l’électricité et sa stabilité sont des facteurs de la compétitivité de l’économie française, en particulier pour l’industrie et les secteurs les plus intensifs en électricité. En effet, l’énergie est un poste important de consommations intermédiaires des entreprises, qui a un impact sur leur capacité à proposer les produits les moins chers. Une hausse du prix de l’électricité et de sa volatilité (créant des besoins de couverture contre le risque de hausse des prix) aboutit à une hausse des prix de productions des entreprises françaises, dégradant ainsi leur compétitivité-prix. Une variation des prix de l’énergie est par ailleurs un déterminant significatif du niveau de l’inflation.
Par ailleurs, une éventuelle augmentation du prix de l’électricité entraînerait une diminution du pouvoir d’achat des ménages. En 2019, les dépenses d’électricité s’établissaient à 950 euros par an et par ménage (6).
(1) EDF, Comptes consolidés des années 2015 à 2020
(2) Euronext le 20 janvier 2022
(3) Boursorama, décembre 2020 , et Café de la bourse, décembre 2020
(4) EDF, Comptes consolidés des années 2015 à 2020
(5) EELV, espace de contribution « Pour la justice sociale et une économie au service du climat »
La proposition du candidat de « renationaliser l’EDF » comprend deux étapes :
- l’acquisition de la part de capital d’EDF que l’État ne détient pas ;
- la transformation de la société anonyme en établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC).
1. L’État devrait dépenser entre 4,8 et 6,5 Md€ pour devenir le seul détenteur d’EDF
Pour nationaliser EDF, l’État devra faire l’acquisition de la part de capital d’EDF qu’il ne détient pas. Pour cela, l’État peut passer par le rachat des actions sur le marché sous la forme d’une offre publique d’achat (OPA), qui s’accompagne d’une prime par rapport au dernier cours de l’action. L’État peut aussi décidé d’exproprier les propriétaires d’actions. Pour être compatible avec la Constitution (7), l’expropriation devra être accompagnée d’une « juste et préalable indemnité ». Dans les deux cas, le coût de l’opération devrait se situer entre 4,8 Md€ et 6,5 Md€, soit la valeur des actions au moment du chiffrage (20 janvier 2022) détenues par les actionnaires minoritaires d’EDF augmentée d’une prime comprise entre 10 % et 50 % (8).
2. L’État bénéficierait chaque année d’un surplus de revenus compris entre 50 M€ et 200 M€
En rachetant les actions détenues actuellement par les actionnaires minoritaires, l’État bénéficierait d’un surcroît de revenus via les dividendes associés à ces actions. L’estimation des futurs dividendes d’EDF est construite à partir de l’historique de versement des dividendes (9), qui montre une tendance baissière depuis cinq ans.
La fourchette haute (200 M€/an) correspond au niveau de dividendes versés en moyenne sur la période 2015-2020, tandis que la fourchette basse (50 M€/an) correspond à la projection des dividendes à venir sur le nouveau quinquennat, si l’on prolonge la tendance baissière observée sur la période 2015 (taux de croissance annuel moyen des dividendes versés de -18 % par an). Sur l’ensemble du quinquennat, le surplus de revenus s’établirait ainsi entre 250 M€ et 1 Md€.
Si EDF est transformé en EPIC, l’État ne recevrait formellement plus de revenus sous la forme de dividendes, ceux-ci étant liés à la détention d’actions, mais pourrait bénéficier de revenus du même ordre sous une autre forme.
3. Le coût net de l’opération sur l’ensemble du quinquennat se situerait entre 3,8 Md€ et 6,2 Md€
Le coût net correspond à la différence entre le coût du rachat des actions détenues par les actionnaires minoritaires et le surplus de revenus attendu du fait de la hausse du taux de détention par l’État à 100 %.
en millions d’euros | Hypothèse favorable | Hypothèse médiane | Hypothèse défavorable |
Coût du rachat | 4 764 | 5 197 | 6 496 |
Dividendes annuels supplémentaires attendus | 199 | 110 | 50 |
Dividendes supplémentaires sur l’ensemble du quinquennat | 995 | 551 | 249 |
Coût net de l’opération | 3 769 | 4 646 | 6 247 |
4. Le chiffrage est soumis à plusieurs aléas, notamment l’évolution du cours de bourse et de la rentabilité de l’entreprise
Si le cours de l’action EDF a été plutôt stable depuis 2016, autour d’un cours pivot d‘environ 10,7€ / action, ses variations sont néanmoins significatives. Hors période de confinement (mars- mai 2020), le cours a connu un plus bas à 7,4€ et un pic à 15,6€ sur la période 2016-2021. Cependant, les annonces gouvernementales mi-janvier, concernant notamment l’augmentation de la quantité d’électricité cédée par EDF à ses concurrents au tarif réglementé, ont entraîné une baisse d’environ 15 % du titre, qui se situe au 20 janvier à 8,1€/action (10).
Par ailleurs, la rentabilité à venir d’EDF est soumise à de nombreux aléas, notamment liés aux évolutions sur les marchés mondiaux de l’énergie et aux politiques françaises et européennes menées dans le domaine de l’énergie.
Mise en œuvre
La nationalisation d’EDF devra sûrement passer par une mesure de niveau législatif, en particulier si une expropriation est envisagée. En outre, si l’attribution du statut d’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) dans une catégorie préexistante est du niveau réglementaire, seul le législateur peut créer une nouvelle catégorie d’EPIC (11), ce qui serait probablement le cas pour EDF.
L’octroi du statut d’EPIC à EDF pourrait poser des difficultés de compatibilité avec le droit européen. Le marché européen de l’électricité et du gaz a été progressivement ouvert à la concurrence dans les années 1990 et 2000, impliquant notamment une ouverture à la concurrence de l’activité de production d’électricité, l’accès des tiers au réseau ainsi que la soumission d’EDF au régime des aides d’État (article 107 et 108 du TFUE). C’est dans ce contexte et à la demande de la Commission européenne qu’EDF, anciennement établissement public, avait été transformé en société anonyme le 9 août 2004.
Le statut d’EPIC pourrait être source de contentieux avec la Commission européenne. Par exemple, en 2010, la Commission avait estimé que La Poste bénéficiait, du seul fait de son statut d’établissement public, d’une garantie implicite illimitée de l’État. Selon la Commission, l’inapplicabilité aux établissements publics des procédures de liquidation judiciaire, qui conduit à exclure la possibilité que les établissements publics fassent l’objet d’une insolvabilité, garantit à un créancier que sa créance soit toujours remboursée, ouvrant aux établissements publics des conditions de crédit plus favorables que celles du marché (12). L’État pourrait néanmoins contourner cette difficulté en rendant explicite la garantie de l’État au passif d’EDF et en la tarifant.
Enfin, il est à noter que le statut d’EPIC ne permettrait plus à EDF d’augmenter son capital par un appel aux marchés financiers, augmentation pouvant être utile dans le cadre d’investissements lourds à réaliser pour mener la transition énergétique. La participation financière des investisseurs privés ne pourrait ainsi se faire que sous la forme de dette.
(7) L’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, de niveau constitutionnel, protège la propriété privé et dispose que « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. »
(8) OPA : une prime moyenne de 29,2% en 2020 – 19/12/2020 à 18:12 – Boursorama et OPA : atouts et risques pour l’actionnaire en cas d’offre publique d’achat (cafedelabourse.com)
(9) EDF, Comptes consolidés des années 2015 à 2020
(10) Euronext le 20 janvier 2022
(11) Conseil d’État, Guide des outils d’action économique « L’article 34 de la Constitution réserve à la loi la fixation des règles concernant la création de catégories d’établissements publics. La création d’un nouvel établissement public rattaché à une catégorie existante, ou la modification d’une règle, qui n’est pas constitutive d’une catégorie d’établissements publics, peuvent ainsi être prises par décret. »
(12) Conseil d’État, Guide des outils d’action économique (fiche 14, paragraphe 5.2.)
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