« Instaurer la gratuité de l’enseignement supérieur, de la licence et doctorat ».
En France, les frais d’inscription dans l’enseignement supérieur sont relativement limités à l’université. S’ils peuvent être plus élevés dans certains établissements d’enseignement supérieur (certaines écoles de commerce, d’ingénieur, d’art, etc.), la mesure du candidat n’apparaît pas porter sur ce périmètre.
La gratuité des parcours universitaires, de la licence au doctorat, représenterait une dépense publique supplémentaire de près de 400 M€ par an. La mesure pourrait être mise en œuvre par arrêté ministériel, qui fixe les droits d’inscription dans les établissements publics d’enseignement supérieur relevant du ministre chargé de l’enseignement supérieur. Selon le périmètre exact de la mesure, les frais relatifs à d’autres établissements d’enseignement supérieur pourraient appeler des dispositions législatives.
Impact macroéconomique / sur le pouvoir d’achat
La dépense publique annuelle de l’ordre 400 M€ aura un impact favorable sur le pouvoir d’achat des étudiants. La mesure n’aurait pas d’impact macroéconomique significatif.
Jean-Luc Mélenchon propose d’ « instaurer la gratuité de l’enseignement supérieur, de la licence et doctorat« . Cette mesure n’a pas été chiffrée par le candidat.
Il est possible d’évaluer le coût de la mesure en multipliant le nombre d’étudiants dans l’enseignement supérieur par le montant des droits d’inscription fixé par arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur. La Cour des comptes a publié cette estimation pour l’année 2018-2019 dans un rapport publié en novembre 2019 concernant les droits d’inscription dans l’enseignement supérieur. Ainsi, le montant à percevoir au titre des droits d’inscription a été estimé à 342,2 M€ par an. Ce montant représente le total théorique à percevoir par les universités au regard des effectifs prévisionnels d’étudiants et des montants unitaires de droits fixés par arrêté (1).
Cette enveloppe agrège les montants réellement versés par les étudiants au titre des droits et le montant de compensation versé par l’État au titre de l’exonération pour les boursiers, en admettant que la compensation continue de s’effectuer à hauteur de 100% de l’exonération. Il convient donc d’en déduire le montant qui est déjà compensé par l’État au titre des étudiants exonérés des droits d’inscription, estimé à 112,5 M€.
Il importe, en revanche, d’y ajouter le montant associé à la « contribution de vie étudiante et de campus » (CVEC). En effet, la loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants (dite « loi ORE ») créé – en substitution d’un certain nombre de frais obligatoires – une contribution de vie étudiante et de campus destinée à favoriser l’accompagnement social, sanitaire, culturel et sportif des étudiants, d’un montant annuel fixé à 90€.
Montant estimé de la mesure à partir des éléments de la Cour des comptes pour l’année 2018-2019 :
Effectif estimé par cycle et diplôme | Montant des droits | Produit | |
Cursus licence | 1 034 315 | 181 640 063 | |
dont licences générales | 951 558 | 170 | 161 764 860 |
Cursus master | 565 059 | 243 | 137 309 337 |
Cursus doctorat | 60 654 | 23 300 098 | |
Total hors ingénieurs | 1 660 028 | 342 249 498 | |
CVEC | 1 660 028 | 90 | 149 402 520 |
Sous-total | 491 652 018 | ||
Compensation des exonérations de droits (programme 150) | 112 519 531 | ||
Montant estimé de la mesure | 379 132 487 |
Source : Cour des Comptes et Institut Montaigne
Au total, la mesure coûterait de l’ordre de 400 M€ par an, selon l’évolution du nombre d’étudiants de l’enseignement supérieur dans les années à venir.
Ce chiffrage ne comprend pas certaines formations (certaines écoles de commerce, d’ingénieur, d’art, etc.) qui disposent de modalités propres de droits d’inscription. Ces cursus menés hors de l’université semblent excluent du périmètre de la mesure proposée par le candidat. Les frais d’inscription associés ne sont donc pas pris en compte dans la présente expertise.
Historique de la mesure
Cette proposition rejoint d’autres propositions du candidat, notamment lors de la présidentielle 2017, de rendre l’université gratuite.
Benchmark
Frais d’inscription
maxi. en 1er cycle (en euros) |
Frais d’inscription
maxi. en 2e cycle (en euros) |
Montant maxi. des bourses sur critères sociaux
(en euros) |
Montant maxi. des bourses au mérite
(en euros) |
|
Allemagne | 75* | 75* | 8 820 | 12 420 |
Autriche | 0 | 0 | 10 092 | 0 |
Belgique
(francophone) |
836 | 836 | 4 966 | 0 |
Belgique
(flamande) |
922 | 922 | 5 540 | 0 |
Belgique
(germanophone) |
470** | 0 | 2710 | 0 |
Bulgarie | 818 | 910 | 767 | 767 |
Chypre | 0 | 12 250 | 3 692 | 4 000 |
Croatie | 68 | 68 | 1 459 | 1 459 |
Danemark | 0 | 0 | 9 810 | 0 |
Espagne | 1 479 | 2 834 | 6 621 | 0 |
Estonie | 0 | 0 | 2 200 | 3 000 |
Finlande | 0 | 0 | 7 125 | 0 |
France | 260 | 333 | 5 551 | 900 |
Grèce | 1 500*** | 7 500 | 3 420 | 0 |
Hongrie | 14 906 | 8 386 | 3 043 | 3 962 |
Irlande | 3 000 | 30 000 | 5 915 | 2000 |
Italie | 2 428 | 2 583 | 5 175 | 0 |
Lettonie | 5 500 | 6 000 | 0 | 996 |
Lituanie | 11 750 | 12 760 | 1 482 | 4 171 |
Luxembourg | 800 | 24 000 | 6 800 | 0 |
Malte | 0 | 14 500 | 3 804 | 0 |
Pays-Bas | 2 060 | 2 060 | 4 665 | 0 |
Pologne | 58 | 58 | 1 239 | 1 108 |
Portugal | 1 063 | 6 600 | 5 698 | 2 785 |
République tchèque | 27 | 27 | 1 190 | 390 |
Roumanie | 5 917 | 11 783 | 1 635 | 2 180 |
Slovaquie | 40 | 40 | 3 360 | 417 |
Slovénie | 36 | 36 | 4 320 | 3 240 |
Suède | 0 | 0 | 4 433 | 0 |
Mise en œuvre
La coût et la gratuité de l’enseignement supérieur a été abordé par le juge constitutionnel et administratif à l’occasion de l’augmentation des droits de scolarité. Ainsi, dans une décision n° 2019-809 QPC du 11 octobre 2019, le Conseil constitutionnel a étendu au supérieur le principe de gratuité, qui ne s’imposait jusque-là que pour l’enseignement public primaire et secondaire (2). Toutefois, « cette exigence ne fait pas obstacle, pour ce degré d’enseignement, à ce que des droits d’inscription modiques soient perçus en tenant compte, le cas échéant, des capacités financières des étudiants ». Les droits d’inscription doivent être « modiques » et tenir compte « le cas échéant, des capacités financières des étudiants« .
Cette décision – une première au niveau national – a ensuite été précisée par le juge administratif. Dans une décision du 1er juillet 2020, le Conseil d’État a ainsi considéré que « le caractère modique des frais d’inscription exigés des usagers suivant des formations dans l’enseignement supérieur public en vue de l’obtention de diplômes nationaux doit être apprécié, au regard du coût de ces formations, compte tenu de l’ensemble des dispositions en vertu desquelles les usagers peuvent être exonérés du paiement de ces droits et percevoir des aides, de telle sorte que de ces frais ne fassent pas obstacle, par eux-mêmes, à l’égal accès à l’instruction ». Le Conseil d’État compare alors le montant des frais d’inscription à la charge des étudiants avec le « coût annuel moyen » des formations, notant que les droits de scolarité n’en représentent qu’une partie limitée (3).
Rien n’oppose juridiquement à ce que les droits d’inscription soient intégralement gratuits dans l’enseignement supérieur et la recherche. Si les tarifs sont fixés par un arrêté relatif aux droits d’inscription dans les établissements publics d’enseignement supérieur relevant du ministre chargé de l’enseignement supérieur, la modification de ce texte ne semble pas suffisant en ce qu’il s’appuie sur des bases législatives. S’agissant d’établissements d’enseignement supérieur disposant de leur autonomie de par leur statut d’établissement public, une disposition législative sera nécessaire avec la compensation du manque à gagner pour ces structures.
(1) Arrêté du 19 avril 2019 relatif aux droits d’inscription dans les établissements publics d’enseignement supérieur relevant du ministre chargé de l’enseignement supérieur. Les montants figurant dans cet arrêté ont été maintenu à ce niveau.
(2) « L’exigence constitutionnelle de gratuité s’applique à l’enseignement supérieur public« .
(3) Conseil d’État, 1er juillet 2020, Arrêté fixant les frais d’inscription dans l’enseignement supérieur.
Réduire les effectifs à 19 élèves par classe
Réformer l'enseignement privé par l'abrogation de la loi Carle, et interdire les subventions extralégales des collectivités territoriales
Assurer la gratuité de l'éducation publique et du matériel scolaire
Porter à 100 % la part de l'alimentation biologique et locale dans les cantines scolaires
Créer un service public de la petite enfance et ouvrir 500 000 places en crèche
Rattraper le gel du point d'indice depuis 2010 et revaloriser les grilles salariales des enseignants
Construire 15 000 logements universitaires supplémentaires par an
Abroger l'augmentation des frais d'inscription pour les étudiants étrangers
Garantir la gratuité des crèches publiques
Réduire partout les effectifs par classe
Rehausser le niveau d'investissement public dans la recherche