Abaisser le droit de vote de 18 à 16 ans revient à donner ce droit à environ 1,6 million de Français âgés de 16 et 17 ans, soit une augmentation du corps électoral de 3,4 %. Cet abaissement de l’âge du droit de vote ferait suite à la loi du 5 juillet 1974, qui abaissait déjà l’âge du droit de vote de 21 à 18 ans. En Europe, la plupart de nos voisins accordent le droit de vote à 18 ans, sauf l’Autriche et Malte, pays pour lesquels l’âge de 16 ans est requis.
L’analyse budgétaire d’une telle mesure, a priori plus sociétale et démocratique que financière, révèle que son coût pour les finances publiques est réel. Il concerne avant tout l’inscription de ces nouveaux électeurs, opération estimée à 250 M€, majoritairement à la charge de l’État et subsidiairement à la charge des communes. Ensuite, les surcoûts concernent la propagande électorale imprimée (environ 2,5 M€ supplémentaires à chaque scrutin, soit environ tous les ans), puis des investissements en matériel électoral (environ 1,5 M€ sur 10 à 20 ans), et enfin un surcoût pour l’impression et la distribution des cartes électorales (environ 100 000 € tous les 3 à 5 ans). Au total, le coût annuel est estimé par l’Institut Montaigne à 250 M€ initialement puis 2,6 M€ par an.
Impact macroéconomique / sur le pouvoir d’achat
L’impact est marginal : environ 0,043% du PIB.
Historique de la mesure
L’âge du droit de vote a été abaissé de 21 à 18 ans par la loi n° 74-631 du 5 juillet 1974. Il s’agissait alors d’un abaissement global de la majorité à 18 ans, avec ses conséquences au plan civil : capacité civile, émancipation, pénal, etc.
Cette mesure accorde le droit de vote à 2,4 millions d’électeurs supplémentaires, soit une augmentation de 7,8% du corps électoral qui comptait auparavant 30,6 millions d’électeurs.
Récemment, deux propositions de loi ont envisagé de fixer le droit de vote à 16 ans, mais n’ont pas été votées par le Parlement : celle de la députée non-inscrite (ex-LREM) Paula Forteza en 2020 et celle de la sénatrice socialiste Martine Filleul en 2021.
Benchmark
Parmi les pays de l’Union européenne, l’âge du droit de vote oscille entre 16 et 18 ans.
Les pays frontaliers de la France ont fixé le droit de vote à 18 ans : Espagne, Italie, Belgique, Pays-Bas et Portugal. Au Luxembourg, cet âge a été conservé après l’échec d’un référendum en 2015 : 81% des électeurs se sont opposés à son abaissement.
Dans certains pays, il est possible de voter à 16 ans aux élections locales mais à 18 ans pour les élections nationales : c’est le cas dans certains länder d’Allemagne depuis 1995, dans certains cantons suisses, en Ecosse et en Estonie.
Enfin, le vote est ouvert à 17 ans en Grèce et à 16 ans en Autriche et à Malte.
Hors d’Europe, le droit de vote est notamment ouvert à 16 ans au Brésil et en Argentine.
Au total, la majorité électorale est fixée à 18 ans plus de 200 États.
I/ La mesure donne le droit de vote à environ 1,6 million d’électeurs, soit une augmentation de 3,4% du corps électoral
Abaisser le droit de vote à 16 ans revient à donner ce droit à un peu plus d’1,5 million de Français métropolitains qui ont entre 16 et 18 ans :
Hommes | Femmes | Total | |
16 ans (14 ans en 2020) | 405 934 | 386 107 | 792 041 |
17 ans (15 ans en 2020) | 405 931 | 386 046 | 791 977 |
Total | 811 865 | 772 153 | 1 584 018 |
Source : Insee, estimations de population (résultats provisoires arrêtés fin 2019).
À ce chiffre, il faut ajouter entre 80 000 et 100 000 Français des Outre-mer âgés de 16 et 17 ans, pour un total compris entre 1,6 et 1,7 million de potentiels nouveaux électeurs.
Pour autant, malgré l’inscription d’office des jeunes majeurs recensés, l’Insee constate que 6 % des majeurs en âge de voter ne sont pas inscrits sur les listes électorales. Ce phénomène peut s’expliquer par des oublis, des radiations non suivies de réinscription en cas de déménagement, ou encore de perte provisoire des droits électoraux à l’occasion d’une condamnation pénale. En retenant la même proportion, on peut considérer que 94 % des Français âgé de 16 à 17 ans seront inscrits, soit un peu moins de 1,6 million de nouveaux électeurs (1).
Ce nouveau contingent représente 3,35 % du corps électoral actuel qui compte un peu plus de 47,5 millions d’électeurs (2).
À ces chiffres, il faut ajouter les ressortissants des autres États de l’Union européenne qui ont la possibilité de s’inscrire pour voter aux élections municipales et/ou aux élections européennes. L’Insee dénombre aujourd’hui près de 327 000 électeurs européens qui votent en France. L’abaissement de la majorité électorale à 16 ans concerne donc environ 10 000 personnes (3).
II/ Le coût pour les finances publiques peut être évalué à 250 millions d’euros initialement, puis 2,5 millions d’euros par élection, auxquels s’ajoutent des investissements de matériel électoral pérennes d’environ 1,5 M€
L’élargissement significatif du corps électoral a un impact sur l’organisation et le coût des élections à différents niveaux :
1/ Des électeurs supplémentaires à inscrire pour un coût de 250 M€
Avant d’atteindre la majorité, les Français doivent suivre une Journée défense et citoyenneté (JDC). Afin de s’assurer de l’inscription initiale des jeunes majeurs, le recensement qui a lieu lors de la JDC est communiqué à l’INSEE afin que les futurs électeurs soient automatiquement inscrits sur la liste électorale de la commune où ils sont recensés.
Dans la mesure où ce dispositif permet d’inscrire la quasi-intégralité des jeunes majeurs, l’hypothèse est faite que l’ouverture du vote à 16 ans passerait par une anticipation de la JDC, à 15 ans au lieu de 17 ans. Cela implique d’organiser la JDC de deux classes d’âge supplémentaires lors du lancement de la réforme, avant de revenir au régime de croisière actuel. Or, le coût de la JDC est estimé à 110 M€. Le coût de cette réforme est donc de 220 M€, qui peuvent être lissés sur deux ans. Par exemple : année n : JDC pour les moins de 17 ans ; année n+1 : JDC pour les moins de 16 ans ; année n+2 : ouverture du vote à 16 ans.
Il faut y ajouter le surcoût pour les communes qui doivent inscrire ce stock d’électeurs supplémentaires. À raison d’une heure au Smic horaire pour le traitement d’un dossier (vérification des pièces, validation, enregistrement, création de la carte d’électeur), le coût total est estimé à 17 M€ à la charge des communes, imputés sur la masse salariale.
Enfin, le surcroît d’activité concerne également l’INSEE, en charge de ce recensement. Ce surcoût peut être évalué à 13 M€.
En définitive, le coût de l’inscription du « stock » initial des jeunes électeurs de 16 à 18 ans est de 250 M€, lors du lancement de la réforme.
2/ De nouveaux bureaux de vote à ouvrir
On compte généralement 1 000 inscrits pour remplir un bureau de vote. À ce titre, il faudrait 1 600 nouveaux bureaux pour 1,6 million d’électeurs supplémentaires.
En réalité, comme il existe au moins un bureau de vote par commune (code électoral, art. L. 53), de nombreux bureaux comptent très peu d’électeurs. Ainsi, on dénombre environ 70 000 bureaux de vote. Par conséquent, si le nombre de bureaux augmente en proportion du nombre d’électeurs, la hausse est plutôt de 2 300 nouveaux bureaux.
Par conséquent il faut compter entre 1 600 (hyp. basse) et 2 300 (hyp. haute) nouveaux bureaux de vote.
En termes de financement, il s’agit essentiellement de l’acquisition du matériel électoral : isoloir (un pour 300 électeurs : code électoral, art. L. 62), urne, table de décharge. En effet, les salles de vote sont généralement des salles d’établissements communaux (école, mairie, salle communale), tandis que les fonctions d’assesseurs ne sont pas rémunérées (code électoral, art. R. 44).
À raison d’une estimation de 750 € pour l’acquisition de trois isoloirs (3×200€) et d’une urne (150€), le coût peut donc être évalué entre 1,2 M€ et 1,725 M€, soit une hypothèse médiane de 1,5 M€. Ces dépenses effectuées par les communes sont répercutées sur le budget de l’État (code électoral, art. L. 70). Il s’agit d’investissements durables, qui peuvent être utilisés pendant 10 à 20 ans.
3/ Des bulletins et des circulaires supplémentaires à distribuer
Avant un scrutin, chaque électeur reçoit un bulletin et une profession de foi de chaque candidat ou liste de candidats. En outre, un bulletin est imprimé et mis à disposition de chaque électeur dans son bureau de vote. Au total, le coût de la propagande électorale pour les finances publiques a été estimé à 1,56 € / électeur pour les élections municipales (4).
Pour 1,6 million de nouveaux électeurs, le coût supplémentaire est d’environ 2,5 M€ à chaque élection.
4/ Des cartes électorales supplémentaires à imprimer et distribuer
Le coût supplémentaire peut être évalué à 16 000 € pour la fabrication des cartes supplémentaires (augmentation du coût fixe de 415 000 €) et 80 000 € pour leur distribution (5 centimes par carte), soit un total de moins de 100 000 € supplémentaire à chaque refonte des listes électorales, c’est-à-dire tous les 3 à 5 ans.
Au total, les principaux coûts supplémentaires induits par cette réforme concernent l’inscription des nouveaux électeurs (250 M€) puis la propagande électorale imprimée (2,5 M€ par scrutin environ).
Mise en œuvre
Deux options sont envisageables pour une telle évolution :
1/ Abaisser l’âge de la majorité légale de 18 à 16 ans.
Cette option revient à prolonger la réforme de 1974. Elle suppose plusieurs modifications législatives : d’abord, modifier les articles 388 et 414 du Code civil, qui définissent respectivement la minorité et la majorité. ; ensuite, vérifier que les droits, devoirs ou interdictions attachés à la majorité peuvent être abaissés à 16 ans. Il s’agit par exemple :
- Des mesures pénales : peines contre les mineurs (Code pénal, art. 122-8 ; Code de la justice pénale des mineurs) ;
- Interdiction de vente de jeux (Code la sécurité intérieure, art. L. 320-7) ;
- Interdiction de la vente de tabac (Code de la santé publique, art. L. 3512-12) ;
- Expulsion des mineurs (Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, art. L. 521-4) ;
- Autorisation de faire des opérations de retrait (Code monétaire et financier, art. L. 221-4)
Enfin, harmoniser les dispositions législatives et réglementaires qui fixent un seuil à « 18 ans révolus« . Ex : « Nul ne peut être élu conseiller départemental s’il n’est âgé de dix-huit ans révolus » (Code électoral, art. L. 194)
2/ Conserver la majorité à 18 ans en abaissant le seul droit de vote à 16 ans.
Cette option passe par une réforme constitutionnelle. En effet, elle suppose de modifier l’article 3 de la Constitution qui prévoit que « Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques« .
Au-delà de cette modification juridique, cette réforme modifierait l’équilibre actuel entre les droits et les devoirs d’un citoyen.
(1) 94 % de 1,7 million.
(2) 47 620 715 électeurs français, Insee.
(3) Dans l’hypothèse où la proportion des 16-17 ans serait similaire chez les ressortissants européens.
(4) Cf. document budgétaire PAP 2020 ; cf. rapport, Bilan et perspectives du répertoire électoral unique, 12 octobre 2020, p. 51.
Reconnaître le vote blanc
Généraliser la représentation proportionnelle
Instaurer le vote obligatoire
Reconnaître le droit de vote aux élections locales pour les résidents étrangers en situation régulière
Rendre effectif le principe du non-cumul des mandats et des indemnités
Instaurer le référendum d'initiative citoyenne
Abroger le concordat d'Alsace-Moselle et les divers statuts spécifiques en vigueur dans les Outre-mer
Contraindre un haut fonctionnaire à démissionner et rembourser sa formation s'il n'a pas servi le public 10 ans
Abaisser à 200 euros le plafond des dons individuels aux partis politiques
Interdire le "droit à la différenciation"
Abolir les procédures de "votes forcés" du Parlement comme l'article 49.3
Convoquer une Constituante pour fonder la VIe République (article 11)